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L’écho pourpre du silence de Zohra Bani Boukerrou

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  • L’écho pourpre du silence de Zohra Bani Boukerrou

    Dans le silence et la solitude de la nuit, on distingue des gerbes d’un pourpre vif par endroits. Eclats qui s’élancent vers le ciel pour retomber en pluie d’or dans le jardin paisible...

    Chaque fleur est alors pailletée des étincelles de vie qui répercutent L’écho pourpre du silence, écho répété en filigrane dans les poèmes de Zohra Bani Boukerrou. Le titre du recueil est, déjà, une précieuse indication de ce que sera cette poésie-là : le miroir de toutes les beautés du monde. Comme un opéra qui, au théâtre, éblouit par les couleurs, les sons et les rythmes. Musique et danse des mots, fresques et tableaux exécutés par un ballet en représentation.

    Oui, ce sera de la vraie poésie, comme on en fait rarement de nos jours, surtout qu’elle donne à écouter la parole la plus profonde de l’âme, c’est-à-dire la musique.

    Ah ! cet art du langage qui séduit par la beauté, le charme, la délicatesse. Un langage dans le langage, construit avec amour. Comment résister à la tentation ? Chose impossible.

    On plonge tout de suite dans la lecture des poèmes de Zohra Bani Boukerrou pour ne plus en émerger. Ils font écho à nos rêves et à nos tourments silencieux, en ce qu’ils expriment parfaitement les mouvements lyriques de l’âme. Poésie de l’émotion, quand le cœur parle.


    Dans le silence et la solitude de la nuit, il y a les rêves partagés par les êtres en quête de l’absolu. Dialoguer avec les étoiles leur confère d’ailleurs cet étrange pouvoir de dévoiler tout le mystère de la vie.

    Mais laissons le poète nous guider vers la lumière, sa source d’inspiration féconde et d’élévation :

    «Elle m’a montré le chemin / Et quant tout était dans le noir / Elle brillait au lointain / Comme l’étoile du matin.» Cette lumière est le phare qui guide la marche du navire pendant la nuit, au moment où «La neige en larmes tombe sur la mer qui tremble». Gonflement de la vague, tempête sous un crâne, spleen, solitude et mélancolie... «Pourquoi mon cœur cette tristesse / Cette blessure dans le regard ? (...) Tu lèves les yeux vers les étoiles / Cherchant en vain ta vraie patrie / Là où serait ton idéal, / Tes racines et ta vraie vie.» Malgré tout, le poète garde le cap, ayant encore mille choses à dire et «raconter la beauté du monde / L’aventure fabuleuse de l’homme ». L’odyssée de Zohra Bani Boukerrou commence par un poème ciselé comme nos magnifiques contes du terroir (Que mon conte soit beau et se déroule comme un long fil !). Elle écrit dans ce premier poème : «Je veux écrire des mots / Beaux comme une nuée / D’oiseaux en plein vol / Comme un prisme géant / où crépitent des arcs-en-ciel / Comme une pluie d’été / Sur un champ de blé.» La suite de son recueil fait penser à l’enfant adoré auquel la mère s’attache, qu’il soit prodige, gâté ou enfant terrible. Elle écrit pour sublimer les tourments, les déceptions, l’ardent besoin d’aimer et d’être aimée, les années terribles vécues par l’Algérie...

    Une sublimation pour un idéal. «Que ta vie soit un poème aussi beau que ceux qu’a rêvés ton intelligence», disait Georges Sand. L

    ’être de passion, qui se réalise pleinement dans ses poésies le chante dans cet hymne à la vie :
    «La vie / Laisse-moi durer / Juste un peu plus / Flotter dans les nues / Sur cette bulle minuscule / Dont je ne serai / Jamais repue...»

    Pour que la liberté faite femme («Cours gazelle légère») puisse boire «Dans la coupe des jours» qui exalte et enivre : «Je veux respirer la fleur d’ambre / L’ivresse poivrée de l’œillet.» Le cœur du poète, débordant de tendresse, est désormais «Bouche ailée / Semant des baisers / Sur des rêves dorés.» Les rêves dorés pour ne pas entendre le chœur célébrant la nuit noire. Rêver pour chasser au loin le chœur des oiseaux de malheur que forment l’exil intérieur, la mélancolie («La pensée comme un serpent glacé/Lové dans le giron de l’absence »), l’ennui (ce «sphinx noir»), ou encore le silence qui «nous guette et nous attend» dans notre tragique solitude.

    Vivre «dans la douceur des rêves / Sans cesse réinventés, renouvelés», c’est aussi oublier «les heures maculées de sang (...), déchirées par la griffe de la terreur».

    Le poète peut en même temps crier sa révolte contre tous ces «hommes tristes et résignés» qui n’ont «plus de chansons» et dont les «rêves sont en acier»

    . Révolte contre l’oppression, contre les «geôliers de ma lumière» dont elle hait les prisons.

    Dans ce combat perpétuel contre les démons intérieurs et les sinistres puissances extérieures, seule la poésie peut protéger la flamme des grands vents.

    Garder espoir, sourire et continuer de conter aux étoiles les rêves innocents. Au bout, il y a par moments la lassitude : «Je suis si épuisée et j’attends le départ / Qui me mènera enfin vers l’autre contrée.» Et comment reposer ses rêves fatigués dès lors qu’on a le sentiment de subir la vie ? Le destin d’une héroïne de tragédie... Devant le sablier, le «moineau / Prisonnier de la cage du temps» a une unique prière : «Laisse-moi vivre, laisse-moi aimer / Laisse-moi savoir pourquoi j’existe / Laisse-moi une heure oublier / Que devant toi rien ne résiste.» Le poète continuera ainsi à tisser, avec les couleurs du bonheur, «L’étendard des hommes libres / L’étendard des hommes qui marchent». Pour dire que, quel que soit notre lot, notre destin, il nous faut rester debout jusqu’à la fin. Quant à la vérité que le poète cherche en vain («Car jamais je ne saurai/Où tu te trouves»), il préfère la découvrir dans l’Absolu.

    Le monde fascinant de Zohra Bani Boukerrou est sillonné de toutes les routes lumineuses d’une aube bleue.

    Hocine Tamou- Le Soir

    Zohra Bani Boukerrou, L’écho pourpre du silence, poèmes, éditions Eden, Alger 2012, 82 pages.
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