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D'eau fraîche
Il nous est demandé de vivre d'amour et d'eau fraîche. Pour l'amour, pour sûr, on s'aime à en mourir. Il n'y a qu'à se remémorer la décennie noire pour avoir la preuve, par deux cent mille victimes, qu'on s'aime. On sème, toute notre vie, notre force de travail, pour récolter, en fin d'existence, une pension de survie. Mais après l'amour, qu'on peut rencontrer au croisement d'un regard de goût, c'est l'eau fraîche qui doit couronner le tout. De l'eau ! El maa du robinet… n'est pas très conseillée. Achetons donc de l'eau en bouteille, après il faut el berrada. Pour la tellaja il faut de l'électricité. Comme quoi, même vivre d'amour et d'eau fraîche c'est pas donné. En plus pour vivre d'amour, il faut être en bonne santé. Faire beaucoup de marche. Pour ça vous pouvez nous faire confiance, on marche on n'arrête pas de marcher de sillonner le marché, de bout en bout, à la recherche de prix abordables afin de respecter la liste, feuille de route, que m'a griffonnée celle qui a accepté de partager avec moi l'amour et l'eau fraîche. Celle qui s'est transformée, à cause de mon salaire, en machine à laver et lave-vaisselle, celle qui prend tout avec le sourire. A mon retour du souk, elle me rappelle qu'en plus de «marcher», le médecin m'a conseillé de manger trois légumes par jour et des fruits. El fakia. El fakra! Mais à qui la faute ? Aux viandes blanches qui rougissent, aux poissons qui rugissent, aux commerçants qui mugissent à qui veut les entendre que les spéculateurs font la loi. A qui la faute ? Aux légumes secs qui augmentent chaque semaine, aux produits laitiers ou à ceux qui font leur beurre sur notre dos ? A personne. C'est de notre faute à tous… Au lieu de marcher et revendiquer, faisons tous la grève du «couffaim». C'est pas très dur.
par El-Guellil
Le Quotidien d'Oran
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