le commandant Azzedine
El Watan le 16.12.12
En 1965, Omar Oussedik, ambassadeur à Sofia (Bulgarie), avait été désigné par son ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika, pour une longue mission, qui devait le mener en République populaire de Chine, dans l’Union indienne, au Pakistan, en Mongolie et en République populaire de Corée (Corée du Nord), et ce, dans le cadre de la préparation de la 2e Conférence afro-asiatique, prévue à Alger pour la dernière semaine du mois de juin, et qui ne se déroulera jamais.
Le même jour, l’ancien secrétaire d’Etat à la Guerre, au sein du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) entre 1958 et 1960, qu’il avait été, recevait une convocation de la part du président de la République, Ahmed Ben Bella, en personne. Le chef de l’Etat lui demandait de surseoir instamment à la mission qui lui avait été confiée par le ministre des Affaires étrangères et donc de renoncer au périple asiatique. Omar Oussedik qui ne s’étonnait de rien, connaissant parfaitement le personnel politique de l’époque et même d’après, et son goût particulier pour l’improvisation, n’a pas sourcillé quand Ahmed Ben Bella le chargeait d’une tâche délicate d’entre toutes, auprès des responsables du Front des forces socialistes (FFS).
Le lendemain donc, Omar Oussedik se rendit auprès de son supérieur pour l’informer du changement de programme. «Le Président m’a chargé d’une mission et toi d’une autre, il faudrait peut-être voir pour vous accorder», lui dit Omar, connaissant d’avance la réponse de son hiérarque.
- Il est le chef de l’Etat, tu obéis, lui fut-il répondu, non sans une pointe acide de fatalité
- OK. l’Asie attendra donc, dit Omar accommodant.
Ce dernier devinait que Bouteflika était intrigué par la décision de l’envoyer, lui qu’il savait pourtant habile négociateur vers le FFS, de surcroît un Kabyle et en plus un des tout premiers maquisards qui avait hanté les crêtes du Djurdjura. Omar était en effet l’hôte des maquis kabyles depuis 1945. On le surnommait «vouthkelmount», (l’homme au capuchon).
Sans avoir l’air d’y toucher, mais très attentif à la réponse qu’il allait lui donner, Bouteflika s’inquiéta :
- Quel est son objectif ?
- Son objectif ?
- Oui. Quel but poursuit le Président en t’envoyant chez les gars d’Aït Ahmed. D’autant que celui-ci a été arrêté, jugé et condamné et qu’il attend, maintenant en prison, son exécution
-C’est évident qu’il veut stopper définitivement le FFS, ou du moins ses résidus qui présentent encore une capacité certaine de nuisance. Autrement dit, il a besoin d’un curetage politico-militaire pour arriver à la Conférence afro-asiatique à la tête d’un pays apaisé, calme, stable, tranquille et un peuple uni autour de sa personne… Ce n’est qu’après qu’il s’occupera de vous…
- Qu’est-ce qui te fait penser «qu’après il s’occupera de nous ?»
- Dans son esprit c’est réglé comme du papier à musique, répondit Omar avant de lui rappeler : il a liquidé le GPRA, les wilayas, toutes les personnalités qui pouvaient présenter une gêne quelconque, telles que Khider, Bitat, Boudiaf, Krim, etc. Maintenant, il veut en finir avec le FFS et calmer les Kabyles. Il ne lui restera plus que l’ANP. C’est donc votre tour qui s’annonce.
Bouteflika relève la tête et se cale dans son fauteuil ministériel, en regardant droit Oussedik, il lui demande :
- Et toi ?
- Comment moi ?
- Qu’est-ce que tu vas faire ?
- Il m’a demandé de contacter les gars du FFS, je vais donc aller à Paris pour…
- Je ne parle pas de ça… Est-ce que cela signifie que tu prends position contre nous ?
- Oussedik feint de n’avoir pas bien saisi :
-Comment ça contre vous ? Qui vous ? N’êtes-vous pas ceux qui l’avez amené et installé là où il se trouve ? C’est vous qui le protégez.
Mais depuis quelque temps il voit en vous une menace. Alors de deux choses l’une, ou bien il vous écarte et il restera seul avec des pouvoirs incommensurables, et il lui sera facile de vous «liquider», ou alors vous le devancez et là, bien évidemment, vous sauvez votre peau. Sans parler des nouvelles perspectives qui s’ouvrent devant vous. Pour ce qui concerne la mission dont il m’a chargé, n’êtes-vous pas tous unis contre le FFS ?
C’est ainsi que Omar Oussedik se rendit à Paris où il s’est mis, dès son arrivée, en quête de Slimane Dehilès (dit Si Sadek). Il connaissait bien le colonel Si Sadek, qui avait succédé, en 1957, à Amar Ouamrane à la tête de la Wilaya IV. Le commandant Omar Oussedik (Si Tayeb) avait été un de ses meilleurs cadres. Mais son ancien officier demeurait introuvable ou du moins intouchable, «couvé» qu’il était par une sa garde prétorienne et d’autres qui voulaient à tout prix, pour des raisons avouables ou non, empêcher la rencontre entre les deux hommes.
Mais usant de ruse et de roublardise, il parvient à son but. Aussitôt l’entrevue concrétisée et comme un boxeur qui veut «kaoter» son adversaire dès le premier round, Omar n’y va pas par quatre
chemins : «Ben Bella et Boumediène vont s’affronter à couteaux tirés jusqu’au finish. Mais il veut, avant cela, en finir avec vous. Autrement dit crever l’abcès.» Si Sadek est cueilli à froid par le jab d’Oussedik.
- Et alors ?
- Et alors… Et alors… Tu ne penses pas qu’il vaut mieux pour tout le monde que vous vous arrangiez afin qu’ils aient enfin leur match ?
Le cadre du FFS savait parfaitement à qui il avait à faire. Il connaissait depuis longtemps le redoutable politicien qu’il avait en face de lui. C’est la raison pour laquelle il lui donnera carte blanche pour contacter ses amis encore restés dans les maquis en Algérie.
Au sixième jour, Omar rentrera à Alger. Rencontrant Bouteflika, il lui transmettra les «salutations cordiales de chaïb rass» (chauve).
- Tu es en train de faire du marketing «ya Si Omar! ».
Je ne saurai dire si l’émissaire de Ben Bella et l’ancien proche de Boumediène ont échangé d’autres propos, ou si le second voulait en savoir plus quant aux résultats de la mission du premier. Quoiqu’il en fut, le rapport que fit ensuite Omar Oussedik, au siège de la Présidence, à la villa Joly, de sa visite parisienne et de sa rencontre avec Si Sadek avait de quoi apaiser les craintes du chef de l’Etat et, bien plus, de le tranquilliser quant aux intentions politiques du chef du FFS : «Il te dit son souhait que la Conférence afro-asiatique réussisse». Il faut, m’a-t-il confié que : «Ben Bella parle au nom de tout le peuple algérien.»
Il demande, en retour, une solution qui puisse garantir la dignité de tous les militants qui se trouvaient dans l’opposition. «Ce qui nous intéresse au plus haut point : c’est la Révolution», m’a assuré le colonel Si Sadek.
Ben Bella, qui se trouvait avec Ali Mendjeli, a bien évidemment écouté avec une attention toute particulière le rapport d’Oussedik. Les deux hommes ont reçu le message avec une certaine émotion complimentant à l’unisson l’ancien colonel de la Wilaya IV pour son «patriotisme» et son sens «des intérêts de l’Etat».
Sans perdre de temps, dès le lendemain de son retour en Algérie, Omar accompagné de Salah Chellik, un ami commun à Si Sadek, se rendirent dans la région de Tizi Ouzou où ils avaient rendez-vous avec Si Abdelhafid Yaha. Ce dernier est un maquisard de la première heure de la Wilaya III. Il était, avec la création de la rébellion du FFS, le responsable des maquis.
Omar Oussedik, fort de la carte blanche que lui avait donnée le colonel Si Sadek lors de leur rencontre parisienne, n’a pas eu beaucoup de mal à convaincre Abdelhafid Yaha, que malgré sa position de médiateur, il penchait plutôt de son côté.
C’est ainsi que le jour même, vers 17h, un passeport a été délivré à Si Abdelhafid par les autorités de Tizi Ouzou. Toutefois, Omar Oussedik a refusé de se rendre à Alger de peur de tomber sur un barrage militaire. D’autant plus que vis-à-vis de l’armée, Si Abdelhafid était toujours considéré comme «un hors-la-loi». Après un nouveau compte rendu de mission au président de la République, Omar a été autorisé à se rendre, en compagnie de Si Abdelhafid, dans la capitale française, afin d’y rencontrer Si Sadek. Une délégation a été constituée et désignée par Ben Bella. Elle était composée de trois personnalités : Si Zoubir Bouadjadj, membre des 22, Aït Hocine membre du Bureau politique (BP) et Mohamed Lebjaoui, ex-membre suppléant du 1er CNRA, issu du Congrès de la Soummam. Au-dessus de toute autre considération politique, il faut dire que Omar Oussedik souhaitait de toutes ses forces que la guerre se termine en Kabylie.
Pour cela, il a employé tous les moyens possibles et imaginables afin d’y parvenir. Prenant en aparté Aït Hocine, membre du BP, il lui
confie : «Ecoute, tu es membre du BP, tu es originaire de la Kabylie, il faut que toute la région t’accorde sa confiance et t’apporte son appui. Pour cela, il est nécessaire que tu préserves la dignité des gars du FFS et tu verras, tout le monde sera derrière toi.» Galvanisé par les assurances de Omar, Aït Hocine s’engage dans la démarche que lui proposait l’ancien commandant de la Wilaya IV.
Puis ce fut au tour de Zoubir Bouadjadj de rencontrer en tête-à-tête Oussedik qui lui dit :
-Toi, tu es un homme du 1er Novembre ?
- Bien-sûr
-Les compagnons avec qui tu es aujourd’hui sont arrivés bien après n’est-ce pas ?
- Oui
-Si Sadek et Abdelhafid sont du 1er Novembre comme toi. Est-ce que tu peux accepter que des gens comme ça rentrent la tête basse et l’air confus ?
-Ah ça non !
Omar s’est gardé de la même démarche avec Mohamed Lebjaoui. Ces trois hommes, militants de la première heure, avaient été choisis par Ben Bella. La délégation du FFS était composée de Si Sadek, Si Abdelhafid, Mohand Akli Benyounès dit «Daniel», ancien responsable zonal de la Fédération de France, et de «Rouget» un gars de Jijel. La négociation s’est déroulée dans l’appartement de Me Mourad Oussedik,
un avocat du Collectif des défenseurs du FLN à Paris, un cousin de Omar et qui, comme lui, n’était pas impliqué politiquement avec l’une ou l’autre des parties. Après plusieurs heures de pourparlers, Omar s’adresse aux plénipotentiaires de Ben Bella :
-Il faudrait que tous ceux qui sont morts des deux côtés soient considérés comme des martyrs
-D’accord
-Que leurs veuves et leurs enfants touchent une pension
-D’accord
-Il faut que tous les détenus soient libérés
-D’accord
-Il faut que tout le monde reprenne son travail
-D’accord
-Ceux qui ont été nationalisés reprendront leurs biens
-D’accord.
El Watan le 16.12.12
En 1965, Omar Oussedik, ambassadeur à Sofia (Bulgarie), avait été désigné par son ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika, pour une longue mission, qui devait le mener en République populaire de Chine, dans l’Union indienne, au Pakistan, en Mongolie et en République populaire de Corée (Corée du Nord), et ce, dans le cadre de la préparation de la 2e Conférence afro-asiatique, prévue à Alger pour la dernière semaine du mois de juin, et qui ne se déroulera jamais.
Le même jour, l’ancien secrétaire d’Etat à la Guerre, au sein du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) entre 1958 et 1960, qu’il avait été, recevait une convocation de la part du président de la République, Ahmed Ben Bella, en personne. Le chef de l’Etat lui demandait de surseoir instamment à la mission qui lui avait été confiée par le ministre des Affaires étrangères et donc de renoncer au périple asiatique. Omar Oussedik qui ne s’étonnait de rien, connaissant parfaitement le personnel politique de l’époque et même d’après, et son goût particulier pour l’improvisation, n’a pas sourcillé quand Ahmed Ben Bella le chargeait d’une tâche délicate d’entre toutes, auprès des responsables du Front des forces socialistes (FFS).
Le lendemain donc, Omar Oussedik se rendit auprès de son supérieur pour l’informer du changement de programme. «Le Président m’a chargé d’une mission et toi d’une autre, il faudrait peut-être voir pour vous accorder», lui dit Omar, connaissant d’avance la réponse de son hiérarque.
- Il est le chef de l’Etat, tu obéis, lui fut-il répondu, non sans une pointe acide de fatalité
- OK. l’Asie attendra donc, dit Omar accommodant.
Ce dernier devinait que Bouteflika était intrigué par la décision de l’envoyer, lui qu’il savait pourtant habile négociateur vers le FFS, de surcroît un Kabyle et en plus un des tout premiers maquisards qui avait hanté les crêtes du Djurdjura. Omar était en effet l’hôte des maquis kabyles depuis 1945. On le surnommait «vouthkelmount», (l’homme au capuchon).
Sans avoir l’air d’y toucher, mais très attentif à la réponse qu’il allait lui donner, Bouteflika s’inquiéta :
- Quel est son objectif ?
- Son objectif ?
- Oui. Quel but poursuit le Président en t’envoyant chez les gars d’Aït Ahmed. D’autant que celui-ci a été arrêté, jugé et condamné et qu’il attend, maintenant en prison, son exécution
-C’est évident qu’il veut stopper définitivement le FFS, ou du moins ses résidus qui présentent encore une capacité certaine de nuisance. Autrement dit, il a besoin d’un curetage politico-militaire pour arriver à la Conférence afro-asiatique à la tête d’un pays apaisé, calme, stable, tranquille et un peuple uni autour de sa personne… Ce n’est qu’après qu’il s’occupera de vous…
- Qu’est-ce qui te fait penser «qu’après il s’occupera de nous ?»
- Dans son esprit c’est réglé comme du papier à musique, répondit Omar avant de lui rappeler : il a liquidé le GPRA, les wilayas, toutes les personnalités qui pouvaient présenter une gêne quelconque, telles que Khider, Bitat, Boudiaf, Krim, etc. Maintenant, il veut en finir avec le FFS et calmer les Kabyles. Il ne lui restera plus que l’ANP. C’est donc votre tour qui s’annonce.
Bouteflika relève la tête et se cale dans son fauteuil ministériel, en regardant droit Oussedik, il lui demande :
- Et toi ?
- Comment moi ?
- Qu’est-ce que tu vas faire ?
- Il m’a demandé de contacter les gars du FFS, je vais donc aller à Paris pour…
- Je ne parle pas de ça… Est-ce que cela signifie que tu prends position contre nous ?
- Oussedik feint de n’avoir pas bien saisi :
-Comment ça contre vous ? Qui vous ? N’êtes-vous pas ceux qui l’avez amené et installé là où il se trouve ? C’est vous qui le protégez.
Mais depuis quelque temps il voit en vous une menace. Alors de deux choses l’une, ou bien il vous écarte et il restera seul avec des pouvoirs incommensurables, et il lui sera facile de vous «liquider», ou alors vous le devancez et là, bien évidemment, vous sauvez votre peau. Sans parler des nouvelles perspectives qui s’ouvrent devant vous. Pour ce qui concerne la mission dont il m’a chargé, n’êtes-vous pas tous unis contre le FFS ?
C’est ainsi que Omar Oussedik se rendit à Paris où il s’est mis, dès son arrivée, en quête de Slimane Dehilès (dit Si Sadek). Il connaissait bien le colonel Si Sadek, qui avait succédé, en 1957, à Amar Ouamrane à la tête de la Wilaya IV. Le commandant Omar Oussedik (Si Tayeb) avait été un de ses meilleurs cadres. Mais son ancien officier demeurait introuvable ou du moins intouchable, «couvé» qu’il était par une sa garde prétorienne et d’autres qui voulaient à tout prix, pour des raisons avouables ou non, empêcher la rencontre entre les deux hommes.
Mais usant de ruse et de roublardise, il parvient à son but. Aussitôt l’entrevue concrétisée et comme un boxeur qui veut «kaoter» son adversaire dès le premier round, Omar n’y va pas par quatre
chemins : «Ben Bella et Boumediène vont s’affronter à couteaux tirés jusqu’au finish. Mais il veut, avant cela, en finir avec vous. Autrement dit crever l’abcès.» Si Sadek est cueilli à froid par le jab d’Oussedik.
- Et alors ?
- Et alors… Et alors… Tu ne penses pas qu’il vaut mieux pour tout le monde que vous vous arrangiez afin qu’ils aient enfin leur match ?
Le cadre du FFS savait parfaitement à qui il avait à faire. Il connaissait depuis longtemps le redoutable politicien qu’il avait en face de lui. C’est la raison pour laquelle il lui donnera carte blanche pour contacter ses amis encore restés dans les maquis en Algérie.
Au sixième jour, Omar rentrera à Alger. Rencontrant Bouteflika, il lui transmettra les «salutations cordiales de chaïb rass» (chauve).
- Tu es en train de faire du marketing «ya Si Omar! ».
Je ne saurai dire si l’émissaire de Ben Bella et l’ancien proche de Boumediène ont échangé d’autres propos, ou si le second voulait en savoir plus quant aux résultats de la mission du premier. Quoiqu’il en fut, le rapport que fit ensuite Omar Oussedik, au siège de la Présidence, à la villa Joly, de sa visite parisienne et de sa rencontre avec Si Sadek avait de quoi apaiser les craintes du chef de l’Etat et, bien plus, de le tranquilliser quant aux intentions politiques du chef du FFS : «Il te dit son souhait que la Conférence afro-asiatique réussisse». Il faut, m’a-t-il confié que : «Ben Bella parle au nom de tout le peuple algérien.»
Il demande, en retour, une solution qui puisse garantir la dignité de tous les militants qui se trouvaient dans l’opposition. «Ce qui nous intéresse au plus haut point : c’est la Révolution», m’a assuré le colonel Si Sadek.
Ben Bella, qui se trouvait avec Ali Mendjeli, a bien évidemment écouté avec une attention toute particulière le rapport d’Oussedik. Les deux hommes ont reçu le message avec une certaine émotion complimentant à l’unisson l’ancien colonel de la Wilaya IV pour son «patriotisme» et son sens «des intérêts de l’Etat».
Sans perdre de temps, dès le lendemain de son retour en Algérie, Omar accompagné de Salah Chellik, un ami commun à Si Sadek, se rendirent dans la région de Tizi Ouzou où ils avaient rendez-vous avec Si Abdelhafid Yaha. Ce dernier est un maquisard de la première heure de la Wilaya III. Il était, avec la création de la rébellion du FFS, le responsable des maquis.
Omar Oussedik, fort de la carte blanche que lui avait donnée le colonel Si Sadek lors de leur rencontre parisienne, n’a pas eu beaucoup de mal à convaincre Abdelhafid Yaha, que malgré sa position de médiateur, il penchait plutôt de son côté.
C’est ainsi que le jour même, vers 17h, un passeport a été délivré à Si Abdelhafid par les autorités de Tizi Ouzou. Toutefois, Omar Oussedik a refusé de se rendre à Alger de peur de tomber sur un barrage militaire. D’autant plus que vis-à-vis de l’armée, Si Abdelhafid était toujours considéré comme «un hors-la-loi». Après un nouveau compte rendu de mission au président de la République, Omar a été autorisé à se rendre, en compagnie de Si Abdelhafid, dans la capitale française, afin d’y rencontrer Si Sadek. Une délégation a été constituée et désignée par Ben Bella. Elle était composée de trois personnalités : Si Zoubir Bouadjadj, membre des 22, Aït Hocine membre du Bureau politique (BP) et Mohamed Lebjaoui, ex-membre suppléant du 1er CNRA, issu du Congrès de la Soummam. Au-dessus de toute autre considération politique, il faut dire que Omar Oussedik souhaitait de toutes ses forces que la guerre se termine en Kabylie.
Pour cela, il a employé tous les moyens possibles et imaginables afin d’y parvenir. Prenant en aparté Aït Hocine, membre du BP, il lui
confie : «Ecoute, tu es membre du BP, tu es originaire de la Kabylie, il faut que toute la région t’accorde sa confiance et t’apporte son appui. Pour cela, il est nécessaire que tu préserves la dignité des gars du FFS et tu verras, tout le monde sera derrière toi.» Galvanisé par les assurances de Omar, Aït Hocine s’engage dans la démarche que lui proposait l’ancien commandant de la Wilaya IV.
Puis ce fut au tour de Zoubir Bouadjadj de rencontrer en tête-à-tête Oussedik qui lui dit :
-Toi, tu es un homme du 1er Novembre ?
- Bien-sûr
-Les compagnons avec qui tu es aujourd’hui sont arrivés bien après n’est-ce pas ?
- Oui
-Si Sadek et Abdelhafid sont du 1er Novembre comme toi. Est-ce que tu peux accepter que des gens comme ça rentrent la tête basse et l’air confus ?
-Ah ça non !
Omar s’est gardé de la même démarche avec Mohamed Lebjaoui. Ces trois hommes, militants de la première heure, avaient été choisis par Ben Bella. La délégation du FFS était composée de Si Sadek, Si Abdelhafid, Mohand Akli Benyounès dit «Daniel», ancien responsable zonal de la Fédération de France, et de «Rouget» un gars de Jijel. La négociation s’est déroulée dans l’appartement de Me Mourad Oussedik,
un avocat du Collectif des défenseurs du FLN à Paris, un cousin de Omar et qui, comme lui, n’était pas impliqué politiquement avec l’une ou l’autre des parties. Après plusieurs heures de pourparlers, Omar s’adresse aux plénipotentiaires de Ben Bella :
-Il faudrait que tous ceux qui sont morts des deux côtés soient considérés comme des martyrs
-D’accord
-Que leurs veuves et leurs enfants touchent une pension
-D’accord
-Il faut que tous les détenus soient libérés
-D’accord
-Il faut que tout le monde reprenne son travail
-D’accord
-Ceux qui ont été nationalisés reprendront leurs biens
-D’accord.
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