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Grandeur de Taos Amrouche Denise Brahimi

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  • Grandeur de Taos Amrouche Denise Brahimi

    Mais comment l’Algérie continue-t-elle à ignorer la grande, l’inoubliable Taos Amrouche ? L’année en cours étant celle du centenaire de sa naissance (4 mars 1913-2 avril 1976), c’est l’occasion opportune de lui rendre, enfin, l’hommage tant mérité.

    Un hommage au moins en reconnaissance à son œuvre. Le récent ouvrage que Denise Brahimi a publié aux éditions Chihab vient rappeler aux mémoires oublieuses l’importance de l'héritage légué par cette femme exceptionnelle.

    Ce précieux héritage nécessite d’être préservé, étudié, enrichi. En même temps, on redécouvre à chaque fois Taos Amrouche avec un égal bonheur. Cette fois, il s’agit d’un livre qui donne à lire l’histoire passionnante d’une femme à la personnalité complexe et au destin émouvant.

    Il faut dire que l’auteure de ce brillant essai connaît bien son sujet, ayant déjà fait paraître Taos Amrouche romancière (éditions Joëlle Losfeld, Paris 1995). Le livre pourra satisfaire les lecteurs les plus exigeants, dont les chercheurs, l’auteure étant une universitaire et critique très au fait de tout ce qui concerne la culture et les écrivains algériens. Plus largement, et comme le souligne l’éditeur dans sa note de présentation,

    « Grandeur de Taoas Amrouche voudrait susciter, de la part des nouvelles générations, un regain d’intérêt pour cette femme magnifique et bouleversante, et des recherches approfondies sur son œuvre qui n’a rien perdu de son actualité». Pour tout cela, le présent essai constitue assurément un bel hommage. Denise Brahimi est partie «à la recherche de Taos Amrouche» (sic) avec, dans ses bagages, le maximum d’informations et de détails sur son héroïne.


    Des informations qu’elle prend soin de rassembler, relier, recouper et agencer selon les instruments d’étude et d’analyse du chercheur. Travail minutieux, fouillé et de longue haleine que cette grande, vaste et passionnante entreprise. Le résultat est que le lecteur, émerveillé, suit pas à pas Taos Amrouche dans son parcours de vie. Il la découvre sous ses multiples facettes grâce à cette remarquable analyse qui, souvent, la dévoile ou la met à nu jusqu’au fond intime de son être. Denise Brahimi passe tout simplement à l’épreuve l’œuvre romanesque de Taos Amrouche (largement autobiographique), ses chants, ses contes, ses proverbes... Le tout est décortiqué avec beaucoup d’empathie, l’auteure ne pouvant cacher son admiration pour ce personnage extrêmement attachant.

    L’éditeur a d’ailleurs bien raison de dire que, «plus qu’une biographie, ce livre est une mise en valeur de la femme hors du commun que fut Taos Amrouche». L’histoire de Taos Amrouche pourrait être résumée (éclairée ?) par un proverbe : «Mon cœur était paisible/Je lui ai cherché une raison de se tourmenter» ( Le Grain magique). Elle se reconnaissait sans doute dans ce proverbe, si on se fie à l’intuition de Denise Brahimi. D’autant plus qu’il y a l’autre proverbe — révélateur — qui s’inspire de la sagesse des aïeux : «Mieux vaut une vérité qui fait mal/Qu’un mensonge qui fait plaisir.»

    Pour l’auteure, ce dernier aurait pu servir de devise à Taos pendant toute sa vie», car il «inclut un mot-clé de toute sa démarche : vérité». Revendiquer sa différence, prendre son destin en main, être libre, rester fière... «C’est un trait dominant qu’on ne cessera de retrouver dans les comportements et les œuvres de cette femme hors du commun : le goût de la grandeur, le refus du petit et du mesquin», écrit Denise Brahimi. Dès lors, le combat est de tous les instants. Une lutte entre le pot de fer et le pot de terre ? Dans le cas de Taos Amrouche, «il n’est pas sûr que le pot de terre soit broyé sinon par la mort». Aussi, elle sera «royale jusqu’au bout (...), quelles que soient les douleurs physiques et les souffrances morales qui pendant de longues années ont été son lot». Jusqu’au bout elle refusait de capituler et s’interdisait — par orgueil — d’afficher ses tourments. «On imagine bien, relève l’auteure, qu’un tel état d’âme ne va pas sans quelques conséquences lourdes à supporter, notamment une grande solitude d’autant plus cruelle à vivre qu’il y avait chez elle un très ardent besoin d’aimer et d’être aimée (...). Besoin toujours insatisfait.»

    La Jacinthe noire, à la recherche de L’amant imaginaire, la femme désespérée de Solitude ma mère (trois de ses romans) sera donc «un être de passion, confrontée à la difficulté et au désir d’écrire, et qui ne se réalise pleinement que lorsqu’elle exprime son âme dans les chants». Pour Denise Brahimi, la vie de Taos Amrouche peut se résumer en «trois grands engagements : aimer, écrire, chanter, qui se tressent pour composer la vie qu’elle s’est choisie, alors même qu’elle a le sentiment de la subir, au même titre qu’une héroïne de tragédie subit son destin».

    Dans les trois grandes parties de son ouvrage, l’auteure nous donne les clés qui ouvrent sur l’univers fascinant de celle qui a écrit aussi Rue des tambourins et Le Grain magique, cette voix exceptionnelle des «Chants berbères de Kabylie». L’orgueil, la passion, la douleur... Ces trois chapitres du livre sont suivis d’une intéressante biographie de Taos Amrouche, sans oublier la bibliographie et la discographie la concernant. Dans cet ouvrage très bien documenté, la Taos Amrouche pionnière mouvement berbère, la première romancière algérienne, droit des femmes...) a également sa place de lumière. A lire absolument pour comprendre que «la douleur est l’auxiliaire de la création »(Léon Bloy.

    Hocine Tamou - le soir

    Denise Brahimi, Grandeur de Taos Amrouche, essai, Chihab Editions, Alger 2012, 340 pages, 950 DA.
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