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    Hollande sous influence algérienne

    Chercheur familier des arcanes algériens et libyens, Luis Martinezsouligne en préambule l’importance cruciale, pour Paris, de soigner sa communication en direction des opinions nord-africaines dans un contexte « a priori défavorable », compte tenu du rôle dévolu aux partis islamistes au sein même des gouvernements. A cet égard, les propos récents du ministre de l’Intérieur Manuel Valls -allusion à son réquisitoire contre le « fascisme islamiste »- risquent d’accroître la confusion.
    Le Sahel est devenu pour l’armée algérienne, vaillant soldat de la lutte anti-terroriste aux côtés des Etats-Unis, une terre de réhabilitation Luis Martinez relève aussi les indices, convergents depuis lavisite sur place de François Hollande, de l’influence qu’exerce l’Algérie sur la France. Témoin, « la relecture révisionniste », conforme à la version des autorités locales, qu’a adopté l’Elysée quant aux épreuves tragiques des années 1990, consécutives à la liquidation d’un parti -le Front islamique du salut (FIS)- en passe de remporter les élections. « Lors de la décennie suivante, poursuit l’expert, le Sahel est devenu pour l’armée algérienne, vaillant soldat de la lutte anti-terroriste aux côtés des Etats-Unis, une terre de réhabilitation ». « Pour Alger, précise Luis Martinez, il est préférable de voir Aqmi et le Mujao à Bamako qu’aux portes de Tamanrasset, l’essentiel étant de les fixer le plus au sud possible ».
    Cadeaux empoisonnés
    L’intervention française peut néanmoins constituer, pour les deux rives de la Méditerranée, un « cadeau empoisonné ». Pour François Hollande en cas d’enlisement; pour son homologue Abdelaziz Bouteflika, dont on peut se demander, à l’horizon de la présidentielle de 2014, s’il survivra politiquement à cette épisode.
    Car cette intrusion bleu-blanc-rouge demeure politiquement « difficile à accepter et à assumer », en ce qu’elle « bouscule un équilibre précaire et ravive trois inquiétudes ». Un, que fera Alger si « ses » Touaregs, liés aux frères maliens ou nigériens par d’anciennes solidarités, réclament leur indépendance? Deux, il se peut qu’une partie de la population affiche son soutien aux Arabes et Touaregs, perçus comme « les victimes d’une campagne coloniale ». Trois, l’assaut sur le complexe gazier d’In Amenas a ravivé, notamment dans la presse, la thèse d’un complot visant à attenter à l’intégrité territoriale du pays; complot ourdi par une France qui n’aurait jamais vraiment accepté de céder ses territoires sahariens.
    Au sujet d’In Amenas, le chercheur met en évidence un changement de cap lourd de conséquences: « Tant que les islamistes algériens espéraient accéder au pouvoir par les urnes, ils prenaient soin de préserver les infrastructures économiques. Dans la rhétorique du FIS, le pétrole passait encore pour ‘le sang du peuple’. Mais pour Aqmi, il s’agit d’une ressource confisquée par des sociétés étrangères et les profiteurs corrompus d’Alger. Dès lors, on peut redouter une intensification des attentats-suicides, préférés aux prises d’otages, peu rentables dès lors que les autorités refusent de payer et optent pour la manière forte. »
    La revanche des kadhafistes?

    Enfin, cette intervention offre l’occasion aux réseaux kadhafistes, qui ont préservé la quasi-totalité de leur pactole financier, de remobiliser leurs soutiens touareg pour engager enfin contre la France, hors de Libye, la guerre qu’ils n’ont pu livrer en 2011. Les Libyens sont très majoritairement ravis de ne plus être les instruments et les victimes d’une dictature qui, à leurs yeux, a fait le bonheur des Africains et des Occidentaux, et non le leur. Par ailleurs, une bataille féroce s’est engagée, de Koufra à Tripoli, pour le contrôle des trafics juteux -cigarettes, drogue, armes, êtres humains- contrôlés hier par les Brigades révolutionnaires de la défunte Jamahiriya.
    Calculs mauritaniens

    Troisième intervenant, Zekeria Ould Ahmed Salem (Université de Nouakchott et Institut d’Etudes avancées de Nantes) s’est attaché quant à lui à décrypter la posture mauritanienne. De nombreux cadres et « guerriers-théologiens » d’Aqmi, souligne-t-il, viennent de Mauritanie, pays secoué en outre par l’impact de l’afflux de 120 000 réfugiés maliens dans l’est du pays. Enfin, nombre de commerçants mauritaniens établis depuis des lustres à Bamako, cibles d’une répression aveugle de l’armée et de la police car perçus comme des complices du MNLA ou des djihadistes, ont dû fuir et chercher refuge dans leur patrie d’origine.
    Nouakchott, rappelle le chercheur, a vivement déploré la « trahison » d’ATT. Notamment lorsque celui-ci a consenti, à la demande de la France, à laisser filer en contrepartie de la libération de Pierre Camatte plusieurs figures islamistes radicales, dont le futur fondateur du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao).
    Si le président Mohamed Ould Abelaziz a signifié, notamment en novembre 2012 à l’Elysée, au sortir d’une rencontre avec François Hollande, son hostilité à toute intervention armée française, c’est qu’il lui faut tenir compte de diverses contraintes, souligne Salem. Parfois accusé de mener une guerre par procuration pour le compte de le France, il subit au pays une forte pression pour déconnecter sa politique de celle de Paris. Autre facteur, l’ambiguïté des autorités islamiques mauritaniennes, qui condamnent le terrorisme mais aussi l’Opération Serval, assimilée parfois à une « croisade », terme emprunté à la logomachie salafiste. Le pouvoir doit aussi tenir compte des solidarités tribales et villageoises envers les fils et les frères engagés au sein des factions djihadistes. Enfin, on ne peut ignorer que la communication d’Aqmi transite pour l’essentiel par des journalistes mauritaniens et des sites web qui opèrent un peu comme des porte-paroles.
    Voilà bien, on l’aura compris, le mérite de ce genre de rencontre. On en sort, non pas armé de nouvelles certitudes, mais délesté de quelques illusions.
    lexpress.fr/ Par Vincent Hugeux, publié le 12/02/2013 à 16:39, mis à jour à 17:27
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