100 milliards de dollars pour la recherche, des passerelles public-privé, les meilleures entreprises au monde : enquête sur le savoir-faire unique d'une superpuissance high-tech.
Inventer les produits de demain, contrôler les technologies de l'information et de la communication pour orienter le cours de la mondialisation. La stratégie de puissance économique des Etats-Unis n'est pas moins limpide que leur stratégie militaire. La science est plus que jamais un levier de croissance et de suprématie.
Le conseiller scientifique de George W. Bush, John H. Marburger, a plaidé devant le Congrès une hausse exceptionnelle de 8 % du budget fédéral consacré à la recherche en 2003. Ce budget, qui avait déjà dépassé pour la première fois les 100 milliards de dollars cette année, atteindra donc la somme astronomique de 112 milliards. Plus que ce que le Japon et l'Europe réunis consacrent à la recherche !
Si le président Bush a décidé de donner un coup de pouce supplémentaire, il confirme surtout une priorité américaine de longue date, destinée à s'assurer en permanence une avance technologique par rapport aux autres grands pays. Les Etats-Unis produisent déjà un tiers des publications scientifiques, et déposent plus de brevets qu'aucun autre pays. Leurs laboratoires attirent les cerveaux du monde entier - au point que dans certaines disciplines enseignées dans les universités américaines, comme l'informatique, 45 % des doctorants sont d'origine étrangère.
Autre singularité du modèle américain : les budgets fédéraux irriguent indifféremment laboratoires publics, universités et centres de recherche privés, qui collaborent à travers des contrats, des joint-ventures ou des start-up. " Aux Etats-Unis, la création d'entreprise est le couronnement d'une recherche bien menée ", souligne l'économiste Elie Cohen.
La recherche assure à l'industrie la maîtrise des innovations techniques et des produits qui en découlent. Les entreprises dépensent d'ailleurs deux à trois fois plus en recherche et développement que le gouvernement. Les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) permettent à elles seules des gains de productivité estimés à 2,1 % sur dix ans par le Congrès américain.
Les Etats-Unis n'ayant pas de ministère de la Recherche, le budget est injecté dans l'économie américaine par différentes administrations ou agences : le département de la Défenses (DoD), la National Science Foundation (NSF), le département de l'Energie, la Nasa, le National Institute of Health (NIH)... Le pays compte 726 centres de recherche civils, les " fed labs ", couvrant tous les domaines de la science.
Le DoD pèse d'un poids considérable et gère seul la moitié de cette manne, soit 54,8 milliards de dollars en 2003. Son agence pour la promotion de la technologie, la Darpa (Defense Advanced Research Project Agency, ex-Arpa), hérite d'un budget de 2,7 milliards de dollars (+ 19,2 %). C'est elle qui a joué un rôle crucial dans la naissance d'Internet.
Sous l'ère Clinton, la recherche a favorisé l'explosion du secteur des NTIC. Il engloutit environ un tiers des financements publics. L'Idate, un institut français spécialisé dans l'analyse du secteur technologique, évalue à 93 milliards de dollars le montant total de la recherche dans ce secteur en 2000, dont 77 milliards provenant de l'industrie.
L'Europe dépense trois fois moins dans ce domaine, et le Japon deux fois moins. Cet effort considérable a assis la position des Etats-Unis en tant que premier fournisseur mondial de technologie. Ils détiennent 29,5 % du marché, distançant nettement le Japon (20 %), selon l'OCDE. En 2001, 26 sociétés ayant leur siège aux Etats-Unis concentrent près de la moitié du chiffre d'affaires de ce secteur à la pointe de la mondialisation (834 milliards de dollars). Lucent et Motorola, les deux premiers équipementiers, sont américains.
De même que cinq des dix premières entreprises de télécommunication (AT&T, Verizon...), sept des dix premiers constructeurs informatiques (IBM, HP, Dell...), huit des dix premiers éditeurs de logiciels (Microsoft, Oracle...) et neuf des dix premières sociétés de services (Ingram Micro, PwC, Accenture...). Les Asiatiques conservent des bastions sur le front des composants électroniques, mais Intel écrase le segment des processeurs.
Le Japon se maintient dans la course : il est à la pointe des télécommunications et de l'électronique grand public - un marché sur lequel Microsoft tente toutefois, avec sa Xbox, une offensive d'envergure. Quant à l'Europe, elle dispose d'une avance dans le domaine des technologies sans fil, mais les conditions calamiteuses d'attribution des licences UMTS ont peut-être ruiné cet avantage au moment d'aborder la " troisième génération ".
La suite...
Inventer les produits de demain, contrôler les technologies de l'information et de la communication pour orienter le cours de la mondialisation. La stratégie de puissance économique des Etats-Unis n'est pas moins limpide que leur stratégie militaire. La science est plus que jamais un levier de croissance et de suprématie.
Le conseiller scientifique de George W. Bush, John H. Marburger, a plaidé devant le Congrès une hausse exceptionnelle de 8 % du budget fédéral consacré à la recherche en 2003. Ce budget, qui avait déjà dépassé pour la première fois les 100 milliards de dollars cette année, atteindra donc la somme astronomique de 112 milliards. Plus que ce que le Japon et l'Europe réunis consacrent à la recherche !
Si le président Bush a décidé de donner un coup de pouce supplémentaire, il confirme surtout une priorité américaine de longue date, destinée à s'assurer en permanence une avance technologique par rapport aux autres grands pays. Les Etats-Unis produisent déjà un tiers des publications scientifiques, et déposent plus de brevets qu'aucun autre pays. Leurs laboratoires attirent les cerveaux du monde entier - au point que dans certaines disciplines enseignées dans les universités américaines, comme l'informatique, 45 % des doctorants sont d'origine étrangère.
Autre singularité du modèle américain : les budgets fédéraux irriguent indifféremment laboratoires publics, universités et centres de recherche privés, qui collaborent à travers des contrats, des joint-ventures ou des start-up. " Aux Etats-Unis, la création d'entreprise est le couronnement d'une recherche bien menée ", souligne l'économiste Elie Cohen.
La recherche assure à l'industrie la maîtrise des innovations techniques et des produits qui en découlent. Les entreprises dépensent d'ailleurs deux à trois fois plus en recherche et développement que le gouvernement. Les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) permettent à elles seules des gains de productivité estimés à 2,1 % sur dix ans par le Congrès américain.
Les Etats-Unis n'ayant pas de ministère de la Recherche, le budget est injecté dans l'économie américaine par différentes administrations ou agences : le département de la Défenses (DoD), la National Science Foundation (NSF), le département de l'Energie, la Nasa, le National Institute of Health (NIH)... Le pays compte 726 centres de recherche civils, les " fed labs ", couvrant tous les domaines de la science.
Le DoD pèse d'un poids considérable et gère seul la moitié de cette manne, soit 54,8 milliards de dollars en 2003. Son agence pour la promotion de la technologie, la Darpa (Defense Advanced Research Project Agency, ex-Arpa), hérite d'un budget de 2,7 milliards de dollars (+ 19,2 %). C'est elle qui a joué un rôle crucial dans la naissance d'Internet.
Sous l'ère Clinton, la recherche a favorisé l'explosion du secteur des NTIC. Il engloutit environ un tiers des financements publics. L'Idate, un institut français spécialisé dans l'analyse du secteur technologique, évalue à 93 milliards de dollars le montant total de la recherche dans ce secteur en 2000, dont 77 milliards provenant de l'industrie.
L'Europe dépense trois fois moins dans ce domaine, et le Japon deux fois moins. Cet effort considérable a assis la position des Etats-Unis en tant que premier fournisseur mondial de technologie. Ils détiennent 29,5 % du marché, distançant nettement le Japon (20 %), selon l'OCDE. En 2001, 26 sociétés ayant leur siège aux Etats-Unis concentrent près de la moitié du chiffre d'affaires de ce secteur à la pointe de la mondialisation (834 milliards de dollars). Lucent et Motorola, les deux premiers équipementiers, sont américains.
De même que cinq des dix premières entreprises de télécommunication (AT&T, Verizon...), sept des dix premiers constructeurs informatiques (IBM, HP, Dell...), huit des dix premiers éditeurs de logiciels (Microsoft, Oracle...) et neuf des dix premières sociétés de services (Ingram Micro, PwC, Accenture...). Les Asiatiques conservent des bastions sur le front des composants électroniques, mais Intel écrase le segment des processeurs.
Le Japon se maintient dans la course : il est à la pointe des télécommunications et de l'électronique grand public - un marché sur lequel Microsoft tente toutefois, avec sa Xbox, une offensive d'envergure. Quant à l'Europe, elle dispose d'une avance dans le domaine des technologies sans fil, mais les conditions calamiteuses d'attribution des licences UMTS ont peut-être ruiné cet avantage au moment d'aborder la " troisième génération ".
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