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20 Minutes Créé le 26/02/2013 à 16h07 Aurélie Delmas
Lundi soir, une vidéo montrant des otages –vraisemblablement les membres de la famille Moulin-Fournier enlevée le 19 février- a été diffusée sur YouTube. Deux hommes, une femme voilée et quatre enfants y sont entourés de trois soldats armés. Des images que Laurent Fabius a qualifiées de «terriblement choquantes» et qui «démontrent une cruauté sans limite». 20 Minutes les décrypte.
Que voit-on sur la vidéo?
Dans cette vidéo de plus de trois minutes, qui n’est ni datée, ni localisée, Tanguy Moulin-Fournier, le père de famille, lit une déclaration en français au nom de ses ravisseurs. Il se tient aux côtés de sa femme, voilée, de leurs quatre enfants âgés de 5 à 12 ans, et de son frère. Derrière eux est affiché un drapeau noir, orné d’un livre blanc entouré de deux armes.
«Nous avons été arrêtés par Jama'atu Ahlis Sunna Lidda'awati wal-Jihad», lit l'otage, avant de demander la libération de plusieurs islamistes détenus au Cameroun et au Nigeria. Ensuite, l’un des ravisseurs, dont le visage est caché, menace, en arabe, de tuer les otages si les revendications du groupe ne sont pas satisfaites. Les deux autres ravisseurs portent des armes et des munitions en évidence. Les autres otages restent silencieux.
Qu’apprend-on des otages?
Les membres présumés de la famille sont en vie, en bonne santé et ensemble, au moment où la vidéo a été tournée. «Le père semble très nerveux, effrayé, peu habitué à parler en public, mais pas totalement affolé. Ils sont psychologiquement choqués», décrit Abdelasiem El Difraoui, auteur d’Al-Qaida par l’image.
Qui sont les auteurs de la vidéo?
A priori, il s’agit bien de la secte islamique Boko Haram. «Je dis au président français que nous sommes le peuple engagé dans la prédication et le djihad. Nous sommes sous l’autorité de Boko Haram», déclare le ravisseur. Pour Jean-Marc Ayrault, plus de doutes: «Le groupe Boko Haram revendique la détention de ces otages.»
Pourtant, certains indices pourraient indiquer qu’il s’agit d’un groupuscule indépendant. D’une part, Boko Haram n’a, jusqu’à présent, jamais enlevé d’étrangers. Ensuite, le porte-parole n’est pas l’imam Shekau, leader historique du mouvement.
Des arguments qui ne convainquent pas Abdelasiem El Difraoui, qui rappelle que les membres de Boko Haram «ont changé de pratiques depuis quelques années». «Cette myriade de groupes a des activités diverses: prises d’otages, trafics, attentats-suicides, émeutes populaires, guérilla et attaques d’églises dans le cas de Boko Haram», rappelle François-Bernard Huyghe, spécialiste des communications stratégiques à l’Iris. De toute façon, «eux-mêmes prennent souvent la dénomination qui parle le plus aux médias».
Quels sont les messages cachés?
La mise en scène est «assez classique» aux yeux d’Abdelasien El Difraoui: drapeau noir, kalachnikovs, otages assis qui lisent un texte et Coran. Elle rappelle clairement d’autres vidéos publiées par Al-Qaida ces dix dernières années.
Mais certains éléments sont inattendus, comme la présence d’une femme, et surtout d’enfants dans la vidéo. «La présence des enfants est complètement inédite. J’en ai été assez choqué», analyse Abdelasiem El Difraoui. «D’ailleurs, cela va contre les préceptes de l’islam orthodoxe et les pratiques du djihadisme moderne. On ne menace pas des enfants.»
Pour François-Bernard Huyghe, cette présence des enfants s’inscrit dans «la logique de la loi du Talion. Le message est “vous opprimez nos femmes et nos enfants, vous les mettez en danger alors nous faisons de même”.»
Autre élément surprenant, le ravisseur parle arabe -«et pas un arabe parfait», remarque Abdelasiem El Difraoui-, et pas anglais, la langue la plus utilisée au Nigéria. Un choix que François-Bernard Huyghe explique par «l’espoir de passer sur Al-Jazira. Ils se disent peut-être qu’ils pourront s’adresser à tous les musulmans du monde.»
Pourquoi les djihadistes ont-ils publié cette vidéo sur Internet?
«Ils auraient pu transmettre directement cette vidéo au gouvernement concerné [la France]. C’est même mieux pour réaliser des négociations en secret», pointe Abdelsasiem El Difraoui. La décision de diffuser la vidéo signifie qu’«ils veulent faire un coup d’éclat médiatique», «cette vidéo a été faite pour faire peur». «Ils veulent que leur équipe soit connue, complète François-Bernard Huyghe, montrer leur exploit et donner l’exemple à d’autres.»
C’est aussi un moyen, pour le chercheur, de «mettre la pression sur le gouvernement».
Que réclament-ils ?
Le ravisseur s’adresse aux présidents nigerian, camerounais et français. Au premier, il demande «libérez nos femmes que vous avez capturées», au second «relâchez nos frères détenus dans vos prisons, tous sans exception». A l’encontre de l’Hexagone, le locuteur déclare: «Le président français a déclaré la guerre à l'islam et nous le combattons partout.»
«Au fond, les revendications sont assez similaires à celles d’Aqmi par exemple», analyse François-Bernard Huyghe. «Il y a un défi politique: “Tremblez, puissants ennemis lointains”. Un message classique: “Libérez nos camarades”. Ensuite il y a l’argent, négocié en secret.»
Comment les services de renseignements peuvent-ils exploiter cette vidéo?
«La cassette vidéo est actuellement analysée par nos services», a assuré lundi le Premier ministre. Autrement dit, «les spécialistes du renseignement français vont essayer de démonter cette vidéo pièce par pièce», détaille Abdelasiem El Difraoui: «Quel matériel voit-on? Voit-on de la végétation? Entend-on des bruits de fond? Quel chemin a suivi la vidéo avant d’être postée sur YouTube? D’où a-t-elle été postée? L’adresse IP a-t-elle été cryptée? Quel matériel a servi à filmer et à monter?... Tous ces détails seront étudiés.»
Les signaux envoyés par les ravisseurs ne sont donc pas tous au vert, même si «traditionnellement, les groupes du Sahel gardent leurs otages longtemps».
Lundi soir, une vidéo montrant des otages –vraisemblablement les membres de la famille Moulin-Fournier enlevée le 19 février- a été diffusée sur YouTube. Deux hommes, une femme voilée et quatre enfants y sont entourés de trois soldats armés. Des images que Laurent Fabius a qualifiées de «terriblement choquantes» et qui «démontrent une cruauté sans limite». 20 Minutes les décrypte.
Que voit-on sur la vidéo?
Dans cette vidéo de plus de trois minutes, qui n’est ni datée, ni localisée, Tanguy Moulin-Fournier, le père de famille, lit une déclaration en français au nom de ses ravisseurs. Il se tient aux côtés de sa femme, voilée, de leurs quatre enfants âgés de 5 à 12 ans, et de son frère. Derrière eux est affiché un drapeau noir, orné d’un livre blanc entouré de deux armes.
«Nous avons été arrêtés par Jama'atu Ahlis Sunna Lidda'awati wal-Jihad», lit l'otage, avant de demander la libération de plusieurs islamistes détenus au Cameroun et au Nigeria. Ensuite, l’un des ravisseurs, dont le visage est caché, menace, en arabe, de tuer les otages si les revendications du groupe ne sont pas satisfaites. Les deux autres ravisseurs portent des armes et des munitions en évidence. Les autres otages restent silencieux.
Qu’apprend-on des otages?
Les membres présumés de la famille sont en vie, en bonne santé et ensemble, au moment où la vidéo a été tournée. «Le père semble très nerveux, effrayé, peu habitué à parler en public, mais pas totalement affolé. Ils sont psychologiquement choqués», décrit Abdelasiem El Difraoui, auteur d’Al-Qaida par l’image.
Qui sont les auteurs de la vidéo?
A priori, il s’agit bien de la secte islamique Boko Haram. «Je dis au président français que nous sommes le peuple engagé dans la prédication et le djihad. Nous sommes sous l’autorité de Boko Haram», déclare le ravisseur. Pour Jean-Marc Ayrault, plus de doutes: «Le groupe Boko Haram revendique la détention de ces otages.»
Pourtant, certains indices pourraient indiquer qu’il s’agit d’un groupuscule indépendant. D’une part, Boko Haram n’a, jusqu’à présent, jamais enlevé d’étrangers. Ensuite, le porte-parole n’est pas l’imam Shekau, leader historique du mouvement.
Des arguments qui ne convainquent pas Abdelasiem El Difraoui, qui rappelle que les membres de Boko Haram «ont changé de pratiques depuis quelques années». «Cette myriade de groupes a des activités diverses: prises d’otages, trafics, attentats-suicides, émeutes populaires, guérilla et attaques d’églises dans le cas de Boko Haram», rappelle François-Bernard Huyghe, spécialiste des communications stratégiques à l’Iris. De toute façon, «eux-mêmes prennent souvent la dénomination qui parle le plus aux médias».
Quels sont les messages cachés?
La mise en scène est «assez classique» aux yeux d’Abdelasien El Difraoui: drapeau noir, kalachnikovs, otages assis qui lisent un texte et Coran. Elle rappelle clairement d’autres vidéos publiées par Al-Qaida ces dix dernières années.
Mais certains éléments sont inattendus, comme la présence d’une femme, et surtout d’enfants dans la vidéo. «La présence des enfants est complètement inédite. J’en ai été assez choqué», analyse Abdelasiem El Difraoui. «D’ailleurs, cela va contre les préceptes de l’islam orthodoxe et les pratiques du djihadisme moderne. On ne menace pas des enfants.»
Pour François-Bernard Huyghe, cette présence des enfants s’inscrit dans «la logique de la loi du Talion. Le message est “vous opprimez nos femmes et nos enfants, vous les mettez en danger alors nous faisons de même”.»
Autre élément surprenant, le ravisseur parle arabe -«et pas un arabe parfait», remarque Abdelasiem El Difraoui-, et pas anglais, la langue la plus utilisée au Nigéria. Un choix que François-Bernard Huyghe explique par «l’espoir de passer sur Al-Jazira. Ils se disent peut-être qu’ils pourront s’adresser à tous les musulmans du monde.»
Pourquoi les djihadistes ont-ils publié cette vidéo sur Internet?
«Ils auraient pu transmettre directement cette vidéo au gouvernement concerné [la France]. C’est même mieux pour réaliser des négociations en secret», pointe Abdelsasiem El Difraoui. La décision de diffuser la vidéo signifie qu’«ils veulent faire un coup d’éclat médiatique», «cette vidéo a été faite pour faire peur». «Ils veulent que leur équipe soit connue, complète François-Bernard Huyghe, montrer leur exploit et donner l’exemple à d’autres.»
C’est aussi un moyen, pour le chercheur, de «mettre la pression sur le gouvernement».
Que réclament-ils ?
Le ravisseur s’adresse aux présidents nigerian, camerounais et français. Au premier, il demande «libérez nos femmes que vous avez capturées», au second «relâchez nos frères détenus dans vos prisons, tous sans exception». A l’encontre de l’Hexagone, le locuteur déclare: «Le président français a déclaré la guerre à l'islam et nous le combattons partout.»
«Au fond, les revendications sont assez similaires à celles d’Aqmi par exemple», analyse François-Bernard Huyghe. «Il y a un défi politique: “Tremblez, puissants ennemis lointains”. Un message classique: “Libérez nos camarades”. Ensuite il y a l’argent, négocié en secret.»
Comment les services de renseignements peuvent-ils exploiter cette vidéo?
«La cassette vidéo est actuellement analysée par nos services», a assuré lundi le Premier ministre. Autrement dit, «les spécialistes du renseignement français vont essayer de démonter cette vidéo pièce par pièce», détaille Abdelasiem El Difraoui: «Quel matériel voit-on? Voit-on de la végétation? Entend-on des bruits de fond? Quel chemin a suivi la vidéo avant d’être postée sur YouTube? D’où a-t-elle été postée? L’adresse IP a-t-elle été cryptée? Quel matériel a servi à filmer et à monter?... Tous ces détails seront étudiés.»
Les signaux envoyés par les ravisseurs ne sont donc pas tous au vert, même si «traditionnellement, les groupes du Sahel gardent leurs otages longtemps».