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Dans la nuit, personne ne vous entend crier

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  • Dans la nuit, personne ne vous entend crier

    Qu’est-ce que l’oubli ? Un procédé par lequel passe l’âme humaine pour souffrir moins et continuer à vivre ? Peut-être.

    En tout cas, l’art peut aussi être une thérapie, et servir à rappeler à l’homme que les blessures (morales ou physiques) sont enfouies en lui, et qu’elles ne se cicatriseront sans doute jamais. En aucun cas, il ne faudrait, de manière passive, apprendre à vivre avec en se faisant une raison. Il faudrait sans doute les surmonter, les dépasser et imaginer un avenir moins ombragé.

    C’est ce que semble suggérer la courageuse pièce “Arfia fi samt ellil”, produite par le Théâtre régional Malek-Bouguermouh de Béjaïa, présentée lundi dernier au Théâtre régional Azzeddine-Medjoubi de Annaba, dans le cadre de la compétition du 2e Festival national de la création féminine, qui prendra fin demain, avec l’annonce des lauréats.

    Ecrite par Omar Fetmouche dans une belle langue, mise en scène par Djouhra Draghla, “Arfia fi samt ellil” s’intéresse à notre passé récent, et à la mémoire douloureuse de la décennie noire. C’est l’histoire de Arfia, une jeune pleine de vie, qui avait des rêves et des espoirs comme chacun d’entre nous.

    Si pour certains, le plus grand malheur dans une vie est de ne pouvoir réaliser son rêve le plus cher, le malheur de Arfia est d’avoir été enlevée et violée, après avoir assisté au massacre des membres de sa famille.

    A sa jeunesse volée, Arfia doit faire face à la convention et à l’hypocrisie sociales. Après avoir réussi à fuir, Arfia se retrouve confrontée au rejet de la société, ce qui la contraint à se retirer dans une grotte et à attendre de mettre au monde son enfant dont l’avenir est incertain, mais qui existe quand même.

    Interprétée par la talentueuse Djouhra Draghla, et portée par la magnifique voix et la guitare de Rahima Khelfaoui (intermèdes musicaux résumant les différentes étapes douloureuses que traverse Arfia), la pièce est articulée également autour de prestations chorégraphiques de la comédienne, afin d’incarner scéniquement l’enlèvement, le viol, l’accouchement, etc.

    L’utilisation de la danse ou du chant ont été largement justifiés et ont accompagné la compréhension jusqu’à l’identification d’un texte d’une forte charge émotionnelle, bien que trop court. Par moments, les procédés de la danse et du chant semblaient, en quelque sorte, étirer le texte concis, mais efficace. En plus d’une bonne occupation de l’espace, la scénographie (un jeu d’ombres et lumières, un cube qui semble prendre la forme d’une flamme de bougie, dans lequel une partie du jeu s’était concentrée) ne manquait pas d’originalité.

    Lors du débat organisé à l’issue de la représentation, l’émotion était à son comble.
    Les comédiennes présentes se sont rappelées les années difficiles de la décennie noire, notamment pour les femmes et les femmes-artistes, et le courage de celles-ci pour que l’espoir perdure et que la vie reprenne ses droits. L’auteur de cette pièce, Omar Fetmouche, a déclaré : “Il y en a marre de la culture de l’oubli. On n’oubliera jamais !” Concernant cette pièce, il expliquera qu’il l’a écrite en hommage à une des lycéennes qui était dans sa classe de terminale, durant les années 1990, et qui a été violée par des terroristes. Mais à son retour au village, son frère l’a chassée. Cette histoire a bouleversé M. Fetmouche. Pour l’exprimer, il a décidé de lui dédier un texte. C’est un hommage, une occasion “de dire bravo aux femmes. Bravo pour la guerre de Libération nationale et pour la guerre pour la République”. Omar Fetmouche estimera, concernant l’intérêt du théâtre pour ce thème de la mémoire de l’histoire de l’Algérie, que “si le théâtre n’est pas transgression, ce n’est pas du théâtre. C’est pour ça qu’on dit que le théâtre c’est l’espace du paradoxe”.

    Sara Kharfi - Liberté
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