L'histoire retiendra que c'est Ali Brahimi, ex-député, qui a osé, en 2010, faire une proposition de commission d'enquête sur la corruption, rejetée par l'APN de l'époque. Dans cet entretien, il revient sur les scandales de corruption et le rôle manqué de la société civile et du Parlement devant la propagation de ce phénomène qui menace l'existence de l'Etat et ses institutions. Il estime que l'affaire dite Sonatrach 2 aboutira à faire tomber une, deux jusqu'à trois grosses têtes.
L'Expression: Des scandales de corruption éclatent chaque jour et la presse en fait de larges échos, mais la justice ne s'auto- saisit pas automatiquement.
Est-ce un problème de manque d'indépendance de la justice ou de manque de volonté de lutte contre le phénomène?
Ali Brahimi: Les deux. Malgré le passage formellement légal vers le pluralisme et l'Etat de droit en 1989, la confusion des pouvoirs continue de grever lourdement le fonctionnement des institutions.
Le judiciaire tout comme le législatif d'ailleurs, continuent d'être des fonctions auxiliaires assujetties à l'Exécutif.
Pire, la large implication des appareils sécuritaires dans les affaires politiques se traduit par une bicéphalisation de l'exercice du pouvoir, principalement au détriment de l'autorité apparente.
Avec une telle architecture institutionnelle, parler de «manque d'indépendance de la justice» est un euphémisme. Dans tout ce qui peut mettre en cause le personnel du régime et ses choix en matière de gouvernance et de gestion du pays, la justice ne se met en mouvement que si le gouvernement, via la chancellerie, manifeste clairement sa volonté de la requérir. Hélas, jusqu'ici, pouvoir apparent et réel ont joué la montre -quitte à recourir à des shows-leurres- contre une vraie démarche de lutte contre la corruption.
Au demeurant, les magistrats comme ceux de la Cour des comptes ainsi que le syndicat de la profession maintenant, viennent de le crier, avec des appels au secours contre les ingérences, les pressions et les sanctions injustes. Faut-il rappeler que le principe d'inamovibilité du juge a été -comme pour faire exprès - gravement altéré par la révision de la loi portant statut de la magistrature tout au début des années 2000.
Les pouvoirs publics ont quand même déclaré leur volonté et la justice instruit et juge certains gros cas, non?
S'il y avait volonté politique, l'affaire Khalifa, l'autoroute Est-Ouest, BRC (plus grave parce qu'entachée du crime d'espionnage), la Générale des concessions agricoles et tant d'autres «coups du siècle» auraient emporté leurs auteurs, du commanditaire et bénéficiaire en chef jusqu'au lampiste.
S'il y avait indépendance de la justice, il y a longtemps que nos tribunaux se seraient autosaisis des premiers scandales de corruption révélés depuis plus d'une décennie par la presse nationale sans attendre que les juridictions étrangères s'en mêlent.
Chez nous, ce n'est que lorsque la honte d'un scandale étouffe un secteur ou un département ou que le ou les clans veulent sacrifier un «bouc émissaire» que l'on ordonne ce qui s'apparente plutôt à «une expédition punitives». Des arrêts de renvoi cousus, mais, comme dans l'affaire Khalifa, prennent toujours soin, au préalable, de soustraire des filets de la justice, le gros poisson.
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L'Expression: Des scandales de corruption éclatent chaque jour et la presse en fait de larges échos, mais la justice ne s'auto- saisit pas automatiquement.
Est-ce un problème de manque d'indépendance de la justice ou de manque de volonté de lutte contre le phénomène?
Ali Brahimi: Les deux. Malgré le passage formellement légal vers le pluralisme et l'Etat de droit en 1989, la confusion des pouvoirs continue de grever lourdement le fonctionnement des institutions.
Le judiciaire tout comme le législatif d'ailleurs, continuent d'être des fonctions auxiliaires assujetties à l'Exécutif.
Pire, la large implication des appareils sécuritaires dans les affaires politiques se traduit par une bicéphalisation de l'exercice du pouvoir, principalement au détriment de l'autorité apparente.
Avec une telle architecture institutionnelle, parler de «manque d'indépendance de la justice» est un euphémisme. Dans tout ce qui peut mettre en cause le personnel du régime et ses choix en matière de gouvernance et de gestion du pays, la justice ne se met en mouvement que si le gouvernement, via la chancellerie, manifeste clairement sa volonté de la requérir. Hélas, jusqu'ici, pouvoir apparent et réel ont joué la montre -quitte à recourir à des shows-leurres- contre une vraie démarche de lutte contre la corruption.
Au demeurant, les magistrats comme ceux de la Cour des comptes ainsi que le syndicat de la profession maintenant, viennent de le crier, avec des appels au secours contre les ingérences, les pressions et les sanctions injustes. Faut-il rappeler que le principe d'inamovibilité du juge a été -comme pour faire exprès - gravement altéré par la révision de la loi portant statut de la magistrature tout au début des années 2000.
Les pouvoirs publics ont quand même déclaré leur volonté et la justice instruit et juge certains gros cas, non?
S'il y avait volonté politique, l'affaire Khalifa, l'autoroute Est-Ouest, BRC (plus grave parce qu'entachée du crime d'espionnage), la Générale des concessions agricoles et tant d'autres «coups du siècle» auraient emporté leurs auteurs, du commanditaire et bénéficiaire en chef jusqu'au lampiste.
S'il y avait indépendance de la justice, il y a longtemps que nos tribunaux se seraient autosaisis des premiers scandales de corruption révélés depuis plus d'une décennie par la presse nationale sans attendre que les juridictions étrangères s'en mêlent.
Chez nous, ce n'est que lorsque la honte d'un scandale étouffe un secteur ou un département ou que le ou les clans veulent sacrifier un «bouc émissaire» que l'on ordonne ce qui s'apparente plutôt à «une expédition punitives». Des arrêts de renvoi cousus, mais, comme dans l'affaire Khalifa, prennent toujours soin, au préalable, de soustraire des filets de la justice, le gros poisson.
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