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Nissa bila malamih, les traits hideux de l’oppression

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  • Nissa bila malamih, les traits hideux de l’oppression

    La pièce Nissa bila malamih de Mohamed Abbas Islam présentée à Annaba,
    les traits hideux de l’oppression Pour Mohamed Abbas Islam, metteur en scène de Nissa bila malamih, le théâtre est l’art de l’instant.


    Dans un univers clos, des femmes luttent contre un ordre masculin qui apparaît de temps à autre. Plongées dans le blanc, les femmes, qui sont à l’intérieur d’un cercle, entourées de lumière rouge, affrontent un homme qui sort des coins noirs et qui veut les obliger à la soumission.

    En forme de grosse ceinture, la scénographie de Nissaa bila malamih (Femmes sans traits), pièce mise en scène par Mohamed Abbas Islam, à partir d’un texte de l’Irakien Abdul Amir Shamkhi, adaptée par Rabah Houadef, exprime toute la profondeur de cette pièce, présentée lors du 2e Festival national du théâtre féminin à Annaba (du 1er au 7 mars 2013).

    Victimes de viol, les trois femmes d’âge variable (Sonia Saâdi, Yasmine Abdelmoumen et Kenza Assala Benboussaha) sont sous les ordres d’un pouvoir représenté par un homme (Ahmed Meddah). Celui-ci paraît criant, vociférant, menaçant pour les soumettre à «sa loi». Il les invite à oublier l’idée de la fuite, de la délivrance, d’une autre vie, etc. C’est un homme en quête de domination et de puissance. Il a tué son frère, puis son père pour le pouvoir. Il est prêt à aller plus loin, plus haut, plus fort, etc. Jusqu’au bout de la nuit pour assouvir ses désirs.

    «Il est même prêt à tuer sa sœur, qu’il séquestre, pour avoir tout le pouvoir. Il se fait complice des forces de l’ombre», a noté Mohamed Abbas Islam. Les femmes résistent, crient, tentent de passer de l’autre côté du rideau, défient l’ordre oppresseur. Avec des hauts et des bas. Nissa bila malamih est un psychodrame bien mené par Mohamed Abbas Islam, qui s’est totalement investi dans le texte, aidé par le scénographe Mourad Bouchehr. Il y a de la recherche, un peu de théâtre expérimental et une rythmique assez originale.

    Sonia Saâdi, Yasmine Abdelmoumen et Kenza Assala Benboussaha ont donné le meilleur d’elles-mêmes dans ce jeu assez difficile. Elles méritent amplement le Prix spécial du jury (présidé par le critique Brahim Noual).

    De même pour le jeune Ahmed Meddah, consacré Meilleur comédien à la fin du festival. Encore étudiant à l’Institut supérieur des métiers des arts du spectacle et de l’audiovisuel (ISMAS, ex-INADC), Mohamed Abbas Islam avait lu ce texte assez osé. «Je me suis juré de le monter sur scène une fois les études terminées. C’est un texte qui évoque un tabou. Pour moi, le théâtre est l’art de l’instant. Ici et maintenant», a expliqué le metteur en scène de la pièce qui a décroché en tout quatre prix à ce festival. Il s’agit également des prix de la meilleure scénographie et de la meilleure chorégraphie. Mohamed Abbas Islam semble obsédé par l’idée de la perte.

    «Cette perte est partout. Quand cela est lié également à des femmes marginalisées, je me suis dit pourquoi ne pas décoder, ensuite adapter le texte irakien au contexte algérien des années 1990. J’ai fait des recherches et j’ai trouvé que 18 000 femmes ont été violées au maquis par les terroristes. Des cas passés sous silence. Monter cette pièce est une manière pour moi de rendre hommage à ces femmes victimes», a-t-il soutenu. A l’origine, Abdul Amir Shamkhi a abordé dans son texte le drame des prostituées. Une thématique encore ignorée par le théâtre algérien. «Il y a des lignes tracées quelque part au sein de la société. Si vous les franchissez, vous êtes accusé de verser dans l’indécence. Il faut avoir le courage d’aborder les sujets qui font bouger une salle. Mais, il faut aller doucement», a-t-il relevé, soulignant le sens politique de toute création dramatique. Mohamed Abbas Islam a déjà mis en scène une pièce, Ghoutia, assez osée sur une danseuse qui décide de «pénétrer» le monde de la politique.

    «Ghoutia a pu faire des hommes politiques qui l’entouraient tout ce qu’elle voulait ! Ces hommes étaient dans son entourage, l’un était danseur, l’autre percussionniste. Certains n’ont pas aimé cette pièce», s’est-il souvenu. Ahmed Meddah, qui est membre fondateur de l’association Nawariss, estime qu’un travail continu se fait pour améliorer la pièce Nissa bila malamih. Pour lui, il y a du Artaud dans cette pièce. L’essayiste, poète et écrivain français, Antonin Artaud, est considéré comme le premier concepteur du théâtre de la cruauté. «Je suis pour qu’on aborde tous les sujets sur scène en Algérie.

    A un moment donné, il faut dire la vérité, traiter les thèmes liés aux femmes violées, aux prostituées, aux homosexuels, aux hommes qui agressent les femmes. Tout cela existe dans notre société, pourquoi le cacher ? Il faut laisser au public la possibilité d’avoir une idée, de juger», a estimé Ahmed Meddah. Il a plaidé pour le maintien d’un certain niveau au théâtre. «Car, j’ai l’impression que parfois on veut à tout prix plaire au public en présentant des pièces de qualité médiocre. Pour avoir un public au théâtre, il faut aller vers la variété des formes dramatiques et éviter que les spectacles se ressemblent», a-t-il ajouté.

    Ahmed Meddah est sollicité par le cinéaste Lyès Sellam pour son nouveau long métrage L’Oranais. Mohamed Lakhdar Hamina a également fait appel à ce jeune comédien pour un film revenant sur la fameuse corvée de bois pratiquée par l’armée coloniale française en Algérie dans les années 1950.

    Fayçal Métaoui-El Watan
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