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La mouvance islamique syrienne face à la revolution

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  • La mouvance islamique syrienne face à la revolution

    LA MOUVANCE ISLAMIQUE SYRIENNE FACE À LA RÉVOLUTION
    par Thomas Pierret


    Thomas Pierret est un universitaire spécialiste de la langue arabe ( donc pas politologue ). Simplement, au début de la révolution, c'est le géographe Fabrice Balanche qu'on a beaucoup entendu dans les médias français. Or, Fabrice Balanche a une lecture extrêmement rétrograde de la révolution, puisque pour lui il ne s'agit que d'un affrontement entre confessions, les sunnites voulant récupérer le pouvoir politique aux alaouites.

    Il ne faut pas minimiser cette dimension confessionnelle, mais ne lire les événements qu'avec cette seule grille est non seulement réducteur mais aussi dangereux : dire que la révolution n'est qu'une guerre entre civils sur un fondement confessionnel contribue réellement à transformer la situation en conflit confessionnel ! D'autre part, cette lecture induit une autre logique dangereuse, dans le sens où réduire le mouvement démocratique à une guerre entre civils revient à dire que les Syriens ne sont pas prêts pour la démocratie, pas aptes à être libres, et donc doivent être contrôlés d'une manière ou d'une autre par une puissance tutellaire (or, ce discours, c'est celui que les US tiennent sur nombre de pays stratégiquement bien placés dans ce monde ...)

    Pour contrer l'analyse de Fabrice Balanche, des universitaires ont donné nombre de conférences ( certaines en compagnie de Balanche, pour mettre au défi son analyse ), notamment Ziad Majed ( politologue, contribuant à Mediapart et l'Orient le Jour - articles politiques ET culturels ) et Thomas Pierret.

    Baas et islam en Syrie, La dynastie Assad face aux oulémas (Paris, PUF, 2011) est son travail de thèse. Il y analyse les rapports de légitimation entre le pouvoir religieux et le pouvoir sécuritaire.

    Dans l'article Syrie : l'islam dans la révolution ( disponible sur le site de l'IFRI ), il synthétise sa thèse et la met en rapport avec le mouvement social actuel.

    En voici un résumé : la situation au début de la crise en Syrie : - faible emprise des Frères Musulmans sur le terrain - division profonde des oulémas entre opposants au régime et partisans du régime - nécessité de l'appui des oulémas pour légitimer le pouvoir du régime syrien.

    Thomas Pierret a donné une conférence en avril 2012 à Sciences Po Lyon et en mai 2012 à l'EHESS.

    En voici la synthèse :
    I- arrière plan historique
    II- deux catégories d'acteurs : - les oulémas - - les activistes politiques
    avec des interpénétrations entre l'intérieur et l'extérieur du pays ( concernant le financement en particulier)

    I- arrière plan historique

    En Syrie, la gestion du clergé s'est constituée de façon indirecte. (contrairement au système égyptien ou turque de Nasser ou Kamal)

    Pas de fonctionnarisation des musulmans mais un tri.

    Le régime n'a pas sélectionné les plus crédibles pour remplir les fonctions de représentation.

    Dans ce contexte, les oulémas n'ont qu'un rôle honorifique. Ils sont contrôlés par l'appareil de sécurité plus que par l'administration du régime

    Economiquement, ces oulémas sont dépendant du secteur privé car ils sont mal rémunérés par le régime (contrairement aux religieux d'Arabie Saoudite par exemple, que leurs salaires rendent totalement autonomes de toute influence) salaire moyen d'un ouléma en Syrie : 500 $

    -Seconde caractéristique : Les Frères Musulmans sont interdits : ce qui a conduit à leur exil massif vers les pays du Golfe, en particulier en Arabie Saoudite (place dans les universités, voir Nabil Mouline). forte communauté aussi à Aix la Chapelle.

    Hafez a pratiqué une "sécularisation pragmatique" du clergé.

    Les relations entre les Frères Musulmans et le régime se sont dégradées pour des raisons économiques mais aussi idéologiques.

    Contexte de la révolution iranienne ( menée par "l'avant-garde combattante", pas toujours en lien avec les Frères Musulmans )
    Contamination à la Syrie : lancent l'insurrection en 79


    Pour des raisons sociologiques : les oulémas appartenant aussi à la classe moyenne sunnite conservatrice.

    Loi 49 : à partir de 1980, tout frère musulman arrêté est condamné à la peine de mort. d'où une seconde vague d'exil depuis Alep, Homs et Hama.

    A partir des années 80, contrôle des mosquées, de la foi.

    Demande sociale en matière d'éducation religieuse alors que pas de bureaucratisation du clergé au contraire, l'administration est réduite à 2/3 de sa population d'où sous-traitance à des acteurs loyaux comme Kaftaro (qui possède des institutions à financement privé).

    Elargissement de la clientèle cléricale du régime

    Choix de quelques familles

    A partir des années 80, cette clientèle cléricale du régime acquiert une visibilité et un pouvoir économique, politique et symbolique croissants : - ses membres peuvent accéder au poste de mufti - elle s'exprime publiquement puisque le régime lui laisse avoir accès aux médias - elle a accès à la députation (au sein de partis indépendants du Baâth)

    Elle intègre totalement le réseau d'allégeance du régime.
    Elle profite de la corruption et s'enrichit.
    (ex d'Hassoun d'Alep, autre figure : Saïd Ramadhan al Bouti, essayiste populaire auprès des groupes armés en ce qu'il critique le paradigme du nationalisme -socialisme resté crédible jusque dans les années 70. Il a pris position contre les insurgés. Il a eu un travail de médiation auprès du régime pour l'engager à autoriser le retour de certains opposants frères musulmans exilés.

    Dans les années 90 s'effectue un rapprochement, non pas seulement avec quelques figures religieuses, mais avec l'ensemble de l'élite religieuse donnant lieu à une relative libéralisation : retour d'exil (dans les années 2000), nouvelles écoles. Les crises régionales y contribuent (crise libanaise, seconde intifada) : nécessité de renforcer le pouvoir à l'intérieur en se raliant le soutien de l'élite religieuse.

    Des figures ayant un maximum de crédibilité se rapprochent du régime (ex de Mustafa Al Boura, élève de Al Bouti) C'est aussi le contexte économique, avec la libéralisation qui entraîne ce rapprochement :
    secteur privé ⇔ régime ⇔ oulémas

    Courant islamique et conservateur :
    ( droits de l'homme, libéraux) Haytha al Malih Ryad Seif (député, emprisonné) Jawdat Sa'ïd (personne à part, théoricien de la non-violence) (dont beaucoup d'activistes à Daraya, banlieue de Damas, s'inspirent)

    Contexte du printemps de Damas, avec la déclaration de Damas : les islamistes essaient de se réconcilier avec la gauche d'opposition

    2007, et surtout 2008 : durcissement de la position du régime (qui, dans le même temps, reprend la main au Liban)

    Politique étrangère ↑ donc libertés ↓

    Reprise en main : nationalisation des institutions religieuses, resécularisation (ex : loi Vs niqab, arrestations, exils forcés).

    Mars 2011 : situation très contrastée entre
    1-Damas et Alep
    2- Homs, Deraa, Idleeb

    Ahmad Saynse (Deraa, puis "auto-critique" publique à la TV)
    Adnan Al Saqqa , maître soufi de Homs, reparti en exil.

    Damas :
    un schéma de division : sur 10 grands oulémas, - 1 soutient explicitement le régime - 4 se tiennent dans un silence ambigu - 5 ont ouvertement rallié l'opposition
    (qualitativement significatif)


    Al Bouti soutient, idem pour Ahmad Sadiq (mort assassiné).

    Abdulfatah al Bazan (mufti de Damas) se tait, et assiste aux funérailles des martyrs (la blague des communiqués non signés). Clin d'oeil au fait qu'on ne montre pas les signatures de signataires des communiqués, tant aucune grande signature n’y figure.

    Krayim Rajih (chaire de lecture du Coran, héritier du cheikh Hannabaka), Oussama al Rifa'ï ( exilé souvent, grand activiste.)

    Fin de la contestation cléricale, puisque tous les contestataires sont démis de leurs fonctions, tabassés dans leurs mosquées pendant la Nuit du Destin. Appel à organiser le "tremblement de terre à Damas" ( cet été, hors, toujours pas eu lieu). Sensation de trahison

    Dimension sociologique
    Les milieux commerçants sont les classes moyennes. Les oulémas sont en porte à faux : transcendent-ils ou non leurs origines sociales ?( ils pourraient faire ce lien entre classes populaires et classes moyennes)

    Les oulémas appellent les fidèles à manifester, mais ces fidèles souvent ne suivent pas.

    Alep :
    Position homogène et expectative
    Les oulémas ont une position complaisante. Ils ont lancé quelques critiques lors de le l'occupation de Hama et de Deir ez Zor (loyauté négociée).

    La bourgeoisie commerçante n’est pas favorable à la contestation.

    Deux figures principales : 1- Suhayb al Shami (on dit de lui qu'il a le pouvoir de faire démissionner des chefs du renseignement, tant il a de dossiers sur tout le monde) 2- Ibrahim al Salquini

    Seconde dimension : dans cette région d'Alep, les shabihahs sont souvent recrutés parmi les "bédouins" de la région, et non dans le milieu sunnite socialement supérieur or, si certains oulémas sont d'origine sunnites, d'autres sont d'origine bédouine

    II- deux catégories d'acteurs : - les oulémas - les activistes politiques

    - les oulémas exilés

    Ibrahim al Ya' qubi a quitté la Syrie dans les années 60.

    M Ali al Babuni était à Deraa Ligue des oulémas syriens( Rabita al Ulémas as-Souriyine)

    Retour virtuel dans l'espace syrien via les chaînes satellite
    Dernière modification par choucha, 17 mars 2013, 14h42.

  • #2
    SUITE :

    Adnan al Ar'ur
    a une dimension mythique avant la révolution, il n'y avait pas de grands oulémas salafistes, pas de figure connue

    Ar'ur vient de Hama
    exilé en Arabie saoudite dès les années 80.
    anime une émission de TV depuis 2000 émission qui revient sur les tensions entre chiites et sunnites (donc dans laquelle il ne parle pas des alaouites mais des chiites depuis mars, il a une nouvelle émission "avec la révolution, jusqu'à la victoire"

    "Cette figure est utilisée par la propagande du régime car depuis le début de cette émission, on constate qu'objectivement, Ar'ur n'incite pas à la haine entre confessions, la teneur de ses propos est bien plus religieuse que politique concernant le paradis promis aux feydayin etc Lors d’un show tv : Il a fait une déclaration violente en mai 2011 concernant les minorités, et spécialement les alaouites. Il a distingué entre ceux qui soutiennent la révolution, ceux qui sont neutres, et ceux qui soutiennent la répression ( "ils sont à passer au hachoir"). Beaucoup de gens sont persuadés que cet homme lance des fatwas tous les jours (une dimension fantasmatique).

    - Les activistes politiques en exil

    Des anciens exilés ayant un gros poids politique ( relatif) ( comme Ghalioun, imposé aux autres) et les nouveaux exilés.

    Congrès national du salut lancé cet été.

    Les rivalités au sein du CNS ne sont pas entre laïcs et religieux : Ghalioun serait ainsi soutenu par les Frères musulmans. Ryad al Chuqfe, contrôleur général, soutien

    Imad al Din al Rachid, a fondé son courant, courant national syrien

    Actuellement, on constate une déligitimation de l'opposition : rumeur disant que cette révolution serait menée par les islamistes. Qu'en est-il?

    Sources : - les médias ( que ce soient les vidéos amateurs, les enquêtes journalistiques cf Nir Rozen)


    Nécessité de faire la distinction entre - un islamisme culturel - un islamisme idéologique

    Le premier n'ayant aucune articulation idéologique (pas de revendication de charia)

    Quel lien avec l'Armée Libre ? L'Armée Libre semble jouir d'un grand soutien populaire, mais pas de lien revendiqué concernant les étrangers libyens qui seraient venus soutenir la révolution en Syrie, pas de preuve, pas non plus prouvé qu'ils soient des suppôts d'al Qaïda. pourraient être des tenants de la liberté comme en Bosnie, en Tchétchénie ou en Afghanistan dans les années 80)

    La question d'al Qaïda en Syrie
    Ce qui est frappant, c'est qu'elle veille y être. Le "front du soutien" (Jabhat al-Nousra) serait la branche d'al Qaïda en Syrie : envoi vidéos douteuses de testaments de kamikazes ( floutées, et avec voix modulées)

    Peu d'armes -Tentative de clientélisation de ces personnalités voulant prendre les armes par l'opposition en exil.

    Pour Pierret, le réseau des Frères musulmans est bien amoindri.

    Le régime : moi ou le chaos USA : c'est al Qaïda ( ce qui justifie leur retrait)

    En 2008 , les oulémas sont interdits de s'investir dans les associations caritatives.

    Sensation de concurrence entre solution diplomatique et solution militaire.

    Druzes : parti de l'unité ( du Liban, pro Bachar) a installé une antenne à Soueïda.

    Première rencontre entre les sunnites et les druzes.
    Dernière modification par choucha, 17 mars 2013, 08h14.

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