Les réserves d’eau égyptiennes sont de plus en plus menacées
LES POINTS CLÉS
• Les échanges commerciaux peuvent permettre de renforcer la résilience en matière d’eau
• La majeure partie des pertes en eau sont dues au pompage des eaux souterraines
• La collecte des eaux de pluie et la collecte de données sont cruciales
• Le dessalement de l’eau de mer n’est pas une solution miracle DUBAÏ, 14 mars 2013 (IRIN) - La région la plus aride au monde, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MOAN), s’assèche à un rythme alarmant.
Et pourtant, en dépit d’une croissance démographique massive (la population du Moyen-Orient a augmenté de 61 pour cent entre 1990 et 2010 pour atteindre 205 millions de personnes)*, les prédictions concernant les pseudo « guerres de l’eau » ne se sont pas encore matérialisées.
Comment une région qui, selon les spécialistes de l’eau, a cessé d’avoir suffisamment d’eau pour répondre à ses besoins stratégiques en 1970 s’est-elle révélée si résiliente face à la rareté des ressources en eau ?
« Le commerce est le premier moyen de renforcer la résilience ; il s’agit du processus qui permet à une économie d’être résiliente. La capacité de faire du commerce efficacement dépend de la force et de la diversité de l’économie », a dit à IRIN Anthony Allan, professeur au King’s College de Londres et à l’École des études orientales et africaines [de l’université de Londres].
Cela ne veut pas dire que les pays importent directement de l’eau ; c’est plutôt qu’étant donné qu’une grande quantité d’eau est utilisée pour l’agriculture (environ 90 pour cent), et non pas pour la consommation, l’importation de denrées de base comme le blé permet en fait d’importer ce que M. Allan appelle de « l’eau virtuelle ».
La population croissante de la région importe donc environ un tiers de la nourriture qu’elle consomme, et cette proportion est beaucoup plus élevée dans les États du Golfe, où il y a peu de terres arables.
Or, si une telle résilience peut « miraculeusement » résoudre le problème de la rareté extrême de l’eau et rendre possible à plus long terme la vie qui existe actuellement au Moyen-Orient, elle peut aussi, dans le même temps, créer ses propres vulnérabilités. L’économie des pays concernés doit en effet être capable de générer suffisamment de devises étrangères pour payer pour les importations.
Si cela peut sembler aisé dans les pays producteurs de pétrole ayant des populations limitées, comme les Émirats arabes unis (EAU) et le Qatar, ce l’est beaucoup moins dans des pays comme l’Égypte, qui, dans un contexte de déclin des exportations de brut et de baisse du tourisme, a de la difficulté à trouver les réserves de change nécessaires pour payer pour les importations de blé destinées à nourrir ses 84 millions de citoyens.
Cette « résilience » fondée sur les échanges commerciaux est aussi largement inabordable dans un pays comme le Yémen, le plus pauvre de la région, dont la population – 25 millions de personnes – vit dans un environnement où les ressources en eau sont extrêmement limitées (et, par conséquent, où la nourriture est rare).
Les Yéménites ont chacun accès à environ 140 mètres cubes d’eau par année et on prévoit que la ville de Sanaa sera la première capitale au monde à manquer d’eau.
Un avenir incertain
Les échanges commerciaux, l’abondance de denrées historiquement bon marché sur les marchés internationaux et, pour certains, la vente de pétrole – à des prix élevés – se sont combinés pour créer une résilience inattendue face à la rareté de l’eau au Moyen-Orient. Ces éléments ne sont cependant pas toujours présents dans les pays en développement.
Si les échanges commerciaux ont permis de réduire la dépendance des pays envers les réserves d’eau locales, ces derniers sont désormais dépendants des marchés internationaux et leurs populations sont exposées aux fluctuations des prix mondiaux.
Cette situation a également dissimulé la gravité du problème de l’eau au Moyen-Orient et contribué à la négligence dans le développement d’autres solutions pour régler un problème qui ne semble pas vouloir disparaître de sitôt.
« La rareté de l’eau n’est pas un problème nouveau dans la région » Selon une étude récente fondée sur les données satellites de la NASA et publiée le mois dernier, certaines régions de la Turquie, de la Syrie, de l’Irak et de l’Iran situées le long des bassins hydrographiques du Tigre et de l’Euphrate auraient perdu 144 kilomètres cubes d’eau entre 2003 et 2009 – soit environ l’équivalent du volume de la mer Morte.
Une analyse des données publiée dans le Water Ressources Research Journal attribue environ 60 pour cent de ces pertes au pompage des eaux provenant de réservoirs souterrains – des réserves dans lesquelles puisent les habitants en cas d’assèchement des cours d’eau.
Les réserves souterraines ne peuvent durer éternellement, et l’importation d’un volume de plus en plus important de vivres pour nourrir une population croissante n’est pas une option pour les pays les plus pauvres.
Résilience et efficacité
La résilience des pays du Moyen-Orient face à la rareté de l’eau nous offre cependant d’autres leçons, qu’il s’agisse de mesures dont l’efficacité a été démontrée ou de moyens qui, selon les spécialistes de l’eau, pourraient permettre d’améliorer la résilience des systèmes face aux chocs futurs s’ils étaient appliqués à grande échelle.
Certaines de ces solutions ne datent pas d’hier.
La région, si elle semble s’assécher, est aride depuis un certain temps déjà.
En résumé
On prévoit que la région arabe sera confrontée à de graves pénuries d’eau dès 2015, lorsque la disponibilité d’eau par personne passera sous la barre des 500 mètres cubes par année. Selon un rapport publié en 2010 par le Forum arabe pour l’environnement et le développement (AFED), cela correspond à moins d’un dixième de la moyenne mondiale (actuellement estimée à plus de 6 000 mètres cubes).
Tous les pays de la région et des alentours (sauf les Comores, l’Irak, le Liban, la Somalie, le Soudan et la Syrie) sont confrontés au problème de la rareté de l’eau, c’est-à-dire lorsque la disponibilité d’eau par personne est de moins de 1 000 mètres cubes par année.
La région représente 3 pour cent de la population mondiale et 10 pour cent des terres, mais seulement 1,2 pour cent des réserves d’eau renouvelables du monde.
La région MOAN est la plus à risque, et les pays les plus exposés au stress hydrique sont le Bahreïn (1), le Qatar (2), le Koweït (3), la Libye (4) Djibouti (5), les EAU (6), le Yémen (7), l’Arabie Saoudite (8), Oman (9) et l’Égypte (10), selon l’indice Maplecroft Water Stress pour 2012.
Les pays arabes constituent la région du monde la plus touchée par la question de la rareté de l’eau : jusqu’à 100 millions de personnes pourraient connaître une situation de stress hydrique d’ici 2050.
La production agricole de la région pourrait diminuer de 20 à 40 pour cent d’ici 2080 en raison de sa dépendance envers l’agriculture pluviale. « La rareté de l’eau n’est pas un problème nouveau dans la région », a dit à IRIN Hamed Assaf, spécialiste de la gestion des ressources en eau à l’université américaine de Sharjah, aux EAU. « C’est la norme depuis des milliers d’années déjà, et les populations ont adapté leurs stratégies de survie aux changements des régimes de précipitations et de températures », a-t-il dit à IRIN.
Les scientifiques prédisent une augmentation de la fréquence des événements météorologiques extrêmes. Dans ce contexte, on accorde de plus en plus d’importance à la capacité d’adaptation. Il est également vrai qu’il existe toujours un certain degré d’imprévisibilité, en particulier en Égypte, où on ignore si le volume de précipitations augmentera ou diminuera.
LES POINTS CLÉS
• Les échanges commerciaux peuvent permettre de renforcer la résilience en matière d’eau
• La majeure partie des pertes en eau sont dues au pompage des eaux souterraines
• La collecte des eaux de pluie et la collecte de données sont cruciales
• Le dessalement de l’eau de mer n’est pas une solution miracle DUBAÏ, 14 mars 2013 (IRIN) - La région la plus aride au monde, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MOAN), s’assèche à un rythme alarmant.
Et pourtant, en dépit d’une croissance démographique massive (la population du Moyen-Orient a augmenté de 61 pour cent entre 1990 et 2010 pour atteindre 205 millions de personnes)*, les prédictions concernant les pseudo « guerres de l’eau » ne se sont pas encore matérialisées.
Comment une région qui, selon les spécialistes de l’eau, a cessé d’avoir suffisamment d’eau pour répondre à ses besoins stratégiques en 1970 s’est-elle révélée si résiliente face à la rareté des ressources en eau ?
« Le commerce est le premier moyen de renforcer la résilience ; il s’agit du processus qui permet à une économie d’être résiliente. La capacité de faire du commerce efficacement dépend de la force et de la diversité de l’économie », a dit à IRIN Anthony Allan, professeur au King’s College de Londres et à l’École des études orientales et africaines [de l’université de Londres].
Cela ne veut pas dire que les pays importent directement de l’eau ; c’est plutôt qu’étant donné qu’une grande quantité d’eau est utilisée pour l’agriculture (environ 90 pour cent), et non pas pour la consommation, l’importation de denrées de base comme le blé permet en fait d’importer ce que M. Allan appelle de « l’eau virtuelle ».
La population croissante de la région importe donc environ un tiers de la nourriture qu’elle consomme, et cette proportion est beaucoup plus élevée dans les États du Golfe, où il y a peu de terres arables.
Or, si une telle résilience peut « miraculeusement » résoudre le problème de la rareté extrême de l’eau et rendre possible à plus long terme la vie qui existe actuellement au Moyen-Orient, elle peut aussi, dans le même temps, créer ses propres vulnérabilités. L’économie des pays concernés doit en effet être capable de générer suffisamment de devises étrangères pour payer pour les importations.
Si cela peut sembler aisé dans les pays producteurs de pétrole ayant des populations limitées, comme les Émirats arabes unis (EAU) et le Qatar, ce l’est beaucoup moins dans des pays comme l’Égypte, qui, dans un contexte de déclin des exportations de brut et de baisse du tourisme, a de la difficulté à trouver les réserves de change nécessaires pour payer pour les importations de blé destinées à nourrir ses 84 millions de citoyens.
Cette « résilience » fondée sur les échanges commerciaux est aussi largement inabordable dans un pays comme le Yémen, le plus pauvre de la région, dont la population – 25 millions de personnes – vit dans un environnement où les ressources en eau sont extrêmement limitées (et, par conséquent, où la nourriture est rare).
Les Yéménites ont chacun accès à environ 140 mètres cubes d’eau par année et on prévoit que la ville de Sanaa sera la première capitale au monde à manquer d’eau.
Un avenir incertain
Les échanges commerciaux, l’abondance de denrées historiquement bon marché sur les marchés internationaux et, pour certains, la vente de pétrole – à des prix élevés – se sont combinés pour créer une résilience inattendue face à la rareté de l’eau au Moyen-Orient. Ces éléments ne sont cependant pas toujours présents dans les pays en développement.
Si les échanges commerciaux ont permis de réduire la dépendance des pays envers les réserves d’eau locales, ces derniers sont désormais dépendants des marchés internationaux et leurs populations sont exposées aux fluctuations des prix mondiaux.
Cette situation a également dissimulé la gravité du problème de l’eau au Moyen-Orient et contribué à la négligence dans le développement d’autres solutions pour régler un problème qui ne semble pas vouloir disparaître de sitôt.
« La rareté de l’eau n’est pas un problème nouveau dans la région » Selon une étude récente fondée sur les données satellites de la NASA et publiée le mois dernier, certaines régions de la Turquie, de la Syrie, de l’Irak et de l’Iran situées le long des bassins hydrographiques du Tigre et de l’Euphrate auraient perdu 144 kilomètres cubes d’eau entre 2003 et 2009 – soit environ l’équivalent du volume de la mer Morte.
Une analyse des données publiée dans le Water Ressources Research Journal attribue environ 60 pour cent de ces pertes au pompage des eaux provenant de réservoirs souterrains – des réserves dans lesquelles puisent les habitants en cas d’assèchement des cours d’eau.
Les réserves souterraines ne peuvent durer éternellement, et l’importation d’un volume de plus en plus important de vivres pour nourrir une population croissante n’est pas une option pour les pays les plus pauvres.
Résilience et efficacité
La résilience des pays du Moyen-Orient face à la rareté de l’eau nous offre cependant d’autres leçons, qu’il s’agisse de mesures dont l’efficacité a été démontrée ou de moyens qui, selon les spécialistes de l’eau, pourraient permettre d’améliorer la résilience des systèmes face aux chocs futurs s’ils étaient appliqués à grande échelle.
Certaines de ces solutions ne datent pas d’hier.
La région, si elle semble s’assécher, est aride depuis un certain temps déjà.
En résumé
On prévoit que la région arabe sera confrontée à de graves pénuries d’eau dès 2015, lorsque la disponibilité d’eau par personne passera sous la barre des 500 mètres cubes par année. Selon un rapport publié en 2010 par le Forum arabe pour l’environnement et le développement (AFED), cela correspond à moins d’un dixième de la moyenne mondiale (actuellement estimée à plus de 6 000 mètres cubes).
Tous les pays de la région et des alentours (sauf les Comores, l’Irak, le Liban, la Somalie, le Soudan et la Syrie) sont confrontés au problème de la rareté de l’eau, c’est-à-dire lorsque la disponibilité d’eau par personne est de moins de 1 000 mètres cubes par année.
La région représente 3 pour cent de la population mondiale et 10 pour cent des terres, mais seulement 1,2 pour cent des réserves d’eau renouvelables du monde.
La région MOAN est la plus à risque, et les pays les plus exposés au stress hydrique sont le Bahreïn (1), le Qatar (2), le Koweït (3), la Libye (4) Djibouti (5), les EAU (6), le Yémen (7), l’Arabie Saoudite (8), Oman (9) et l’Égypte (10), selon l’indice Maplecroft Water Stress pour 2012.
Les pays arabes constituent la région du monde la plus touchée par la question de la rareté de l’eau : jusqu’à 100 millions de personnes pourraient connaître une situation de stress hydrique d’ici 2050.
La production agricole de la région pourrait diminuer de 20 à 40 pour cent d’ici 2080 en raison de sa dépendance envers l’agriculture pluviale. « La rareté de l’eau n’est pas un problème nouveau dans la région », a dit à IRIN Hamed Assaf, spécialiste de la gestion des ressources en eau à l’université américaine de Sharjah, aux EAU. « C’est la norme depuis des milliers d’années déjà, et les populations ont adapté leurs stratégies de survie aux changements des régimes de précipitations et de températures », a-t-il dit à IRIN.
Les scientifiques prédisent une augmentation de la fréquence des événements météorologiques extrêmes. Dans ce contexte, on accorde de plus en plus d’importance à la capacité d’adaptation. Il est également vrai qu’il existe toujours un certain degré d’imprévisibilité, en particulier en Égypte, où on ignore si le volume de précipitations augmentera ou diminuera.
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