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Bagdad, dix ans déjà

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  • Bagdad, dix ans déjà

    Documentaire. Sur Arte à 20h50



    Dix ans déjà Une décennie au terme de laquelle on avait presque oublié cette guerre d’Irak. Ses enjeux. Ses manipulations. Ses victimes. L’invasion par l’armada américaine d’un pays arabe dirigé par un fou sanguinaire. Il nous restait les images des bombardements américains sur Bagdad, comme dans un jeu vidéo, les rodomontades pathétiques du raïs moustachu jouant les matamores face à l’Occident. Et un peuple terrifié, soumis, pétrifié par les missiles Cruise qui déferlaient sur les bords de l’Euphrate.
    On avait oublié ce mois de mars 2003, ces colonnes de chars US filant dans le désert telles des chenilles d’acier. Pour nous rafraîchir la mémoire, Jean-Pierre Krief, auteur d’un documentaire remarqué sur le procès de Saddam Hussein, est allé à la rencontre d’officiers américains qui étaient en première ligne durant ces jours historiques. Mais, surtout, il a réussi le tour de force de faire parler des officiers proches de Saddam Hussein, des journalistes, des agents du renseignement irakien, des écrivains. Il est allé explorer le chaînon manquant, le regard des vaincus sur ces moments où le monde n’est plus qu’un enfer de feu et de sang.
    Là, on découvre à quel point l’Irak était un pays au bord du chaos, bien avant l’arrivée des marines de George Bush. Le régime du parti Baas n’était plus qu’un château de cartes qui attendait le souffle d’une tempête pour s’effondrer. Qui pouvait mieux raconter ce délitement que les acteurs eux-mêmes ? Pour parvenir à ses fins, le réalisateur a dû faire preuve d’une infinie patience tant la peur, malgré la fin du régime de Saddam Hussein, était encore présente. “Je souhaitais qu’ils parlent à visage découvert, explique Jean-Pierre Krief. […] Dans un pays où dominent encore le soupçon et la revanche, s’exposer ainsi publiquement et le revendiquer, est un acte de courage et de grande dignité.” Oser confesser que l’armée irakienne n’était pas la machine de guerre ultramoderne que la propagande baasiste présentait aux médias, mais un quarteron de généraux fatigués, usés, défaitistes, dirigeant des sous-officiers sous-payés, gagnant à peine 5 euros par mois.
    Les fameux chars irakiens ? Des modèles soviétiques brinquebalants, datant des années 1950, des fins de stock de l’Armée rouge, en piteux état. Les officiers américains commandant l’invasion depuis le Koweit voisin furent les premiers surpris devant l’état de délabrement de leur ennemi. Leur supériorité technologique était presque indécente. L’un d’entre eux a cette formule : “Nous avions l’impression d’être des extraterrestres. C’était la rencontre de deux époques historiques.”
    Une image forte apparaît dans le film : peu avant l’invasion, des officiers irakiens exposent le matériel qu’ils vont utiliser pour lutter contre les “occupants” par la technique de la guérilla. Les armes de la contre-offensive de la grande armée de Saddam ? Des clous, des lance-pierres, des arcs, des flèches. On se frotte les yeux pour y croire. Aurait-on donc vécu une guerre absurde, disproportionnée, pour ne pas dire honteuse ? Des drones et des bombardiers contre des sarbacanes ?
    On a tout dit sur Saddam le dictateur, sur ses délires mégalomaniaques, sa cruauté sans bornes, mais, malgré l’horreur qu’il inspirait aux démocraties occidentales, il n’était qu’un David face au Goliath américain. Autre signe de ce déséquilibre troublant : la fuite éperdue des généraux, des officiers irakiens dès les premières frappes sur la capitale dans leurs régions natales respectives. A l’exception du clan Hussein, tous avaient anticipé la victoire certaine des Etats-Unis. Tous savaient que l’armée irakienne était une armée de pacotille, à bout de souffle, démobilisée, et, qu’au fond, la plupart de ses officiers n’avaient qu’une hâte : en finir avec Saddam. Derrière les images de feux d’artifice sur Bagdad diffusées dans les journaux télévisés durant toute la guerre, qui pouvaient nous faire croire à un conflit quasi virtuel, il y avait ce trou noir, cette béance : l’histoire d’un pays mort-vivant, mis à genou par trente-cinq années de dictature et qui attendait un sauveur venu du ciel.
    Dans la nuit du 17 mars 2003, des bombardiers furtifs F-117 Nighthawk commencèrent leur travail en larguant leurs bombes GBU-27 sur le palais présidentiel de Saddam Hussein. La victoire militaire fut fulgurante. Mais les stratèges du Pentagone oublièrent un détail : l’existence du peuple irakien. C’est la force de ce film de nous le rappeler, sans tomber pour autant dans un antiaméricanisme primaire. On ne peut s’empêcher de penser, au terme de ce documentaire, que l’Irak fut, pour l’armée américaine un formidable terrain d’expérimentation de ses nouveaux matériels de guerre. Mais à quel prix ?
    Serge Raffy


    source : nouvelobs
    " Je me rend souvent dans les Mosquées, Ou l'ombre est propice au sommeil " O.Khayaâm
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