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Christianismes disparus et proto-orthodoxes: Théologies des premières communautés chrétiennes.

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  • Christianismes disparus et proto-orthodoxes: Théologies des premières communautés chrétiennes.

    Christianismes disparus et proto-orthodoxes: Théologies des premières communautés chrétiennes.

    De nos jours dans le monde occidental, à l'age de la mondialisation et de la liberté de culte, différentes Eglises cohabitent dans des métropoles comme New York, Londres ou Paris: Catholiques romains, catholiques traditionalistes ou dissidents, protestants luthériens, réformés ou évangélistes, églises orthodoxes ou orientales représentants les diaspora russes, grecques, libanaises ou coptes. Et pourtant, ces Eglises ont au moins un point en commun, elles sont toutes les héritières d'une même théologie, d'un même courant de pensée au sein des Eglises primitive, la "proto-orthodoxie" qui s'imposera comme la religion officielle de l'Empire Romain. Or entre la vie et l'enseignement de Jésus le Galiléen et le triomphe, quoique non définitif à cette date, du christianisme "proto orthodoxe" au concile de Nicée, près de trois siècles se sont déroulés.

    Durant les trois premiers siècles de l'ère chrétienne, différentes communautés se réclamant toutes de l'enseignement de Jésus, d'une tradition apostolique (un enseignement transmis d'un apotre) mais divergeants sur des points aussi fondamentaux le nombre de divinités existantes, la nature divine ou humaine de Jésus, la place des ecrits Juifs antérieurs à l'enseinement de Jésus et la validité ou non de la loi mosaïque, la problématique du Mal. Le christianisme d'alors est infiniment plus divers que le christianisme actuel au moins au niveau de la théologie, à un point tel qu'il faudrait peut-etre se demander s'il ne faudrait pas parler de christianismes au pluriel.

    Je vais essayer de présenter quelques une de ces communautés, de leurs théologies et de leurs livres saints en me basant sur deux essais d'un spécialiste du nouveau testament et inventeur du terme "proto orthodoxie": Bart Ehrman (Misquoting Jesus & Lost Christianisities: The battle of faiths we never knew), lui même se basant sur leurs écrits tels que nous les connaissons aujourd'hui.

    Ces différentes philosophies de la doctrine de Jesus, qui ont parfois forgé les croyances de communautés organisées sont: l'ébionisme (ou judéo-chrisitanisme), proto orthodoxie, marcionisme et gnosticismes.

    Elements probables de la vie du Jésus historique:
    Il y a quasi-consensus historique sur le fait que Jésus de Nazareth ait vu le jour dans une famille juive de Galilée, probablement descendante de exilés Juifs de Babylonie retournés en terre d'Israël et installés en Galilée, nouvellement reconquise aux "païens" grecs. Comme la famille royale de Judée a été exilée en Babylonie, beaucoup des familles revenues en terre d'Israël avaient pour réputation d'etre de sang royal, descendantes du roi David d'ou devait venir le Messie, un roi-prophète juste et vertueux qui devait regner sur les Juifs à la fin de l'histoire, restaurer le royaume d'Israel (par la force selon beaucoup) et faire connaitre le dieu unique révélé à Israël à toutes les nations du monde.

    Il y a quasi consensus aussi sur le fait que Jésus, arrivé à l'age adulte devint prêcheur itinérant entouré de disciples, ce qui n'avait rien d'extraordinaire à l'époque (un autre prêcheur itinérant, de peu antérieur à Jésus appelé Hillel l'Ancien est une des grande figures du judaïsme rabbinique, il y avait aussi Jean le Baptiste dont Jésus a été disciple). Un des elements les mieux étayés par les diverses sources est que ce prêcheur avait une réputation de guérisseur et de faiseur de miracles ce qui, là encore, n'avait absolument rien d'extraordinaire pour l'époque (il y avait entre autres à cette époque un certain rabbin Honni faiseur de miracles pharisien, un certain Simon mage samaritain).
    Il se peut que du fait de son enseignement ou de son extraction royale, Jésus ait été considéré de son vivant par un certain nombre de ces disciples comme le Messie, le roi sauveur de la fin des temps. Il se peut aussi que lui même se soit désigné Messie de son vivant.

    Le fait est que cette carrière de prêcheur-faiseur de miracle-messie potentiel ait été relativement brève et s'acheva brutalement lors de son pèlerinage à Jérusalem pour la Paque juive. Les autorités politiques juives qui servent d'auxiliaires au pouvoir de l'occupant romain décident de son arrestation et de son élimination pour une raison ou pour une autre : Enseignement blasphématoire, craintes de troubles sociaux et politiques à une époque extrêmement tendue marquée par une occupation étrangère païenne (romaine) religieusement mal supportée et une paupérisation énorme de la paysannerie juive qui constitue la majorité de la population (à cause de la pression fiscale romaine entre autres).

    Le fait est que Jésus est arrêté, condamné à mort et exécuté à la fois par les autorités juives et romaines (qui exécutent systématiquement à l'époque tout prétendant à la messianité).
    Mais ces événements qui dans un premier temps prennent au dépourvu ces premiers disciples (tous Juifs, sans la moindre exception) n'ont pas entamé la foi de certains d'entre eux, parmi lesquels des récits de visions voir de résurrection physique (mais non unanimes et divergents selon les sources et "harmonisées" par les scribes qui ont recopié les quatre évangiles "canoniques") commencent à circuler.
    A partir de ce moment, il devint clair pour beaucoup que le Salut passait par Jésus, d'une manière ou d'une autre.

    Contexte religieux-politique:
    L'une des questions religieuses les plus fondamentales qui se posait aux Juifs de l'époque est la question de la Loi mosaïque et de ses différentes interprétations par des sectes concurrentes et au sein des mêmes sectes. Il était globalement évident pour tous les Juifs que la divinité unique s'était révélée à Moïse, et qu'il a ordonné à Israël de se conformer à des préceptes (à des obligations et à des interdits) contenues principalement dans les livres du Deutéronome et du Lévitique. Ces préceptes incluent une stricte "hygiène alimentaire", des lois tout aussi strictes sur le travail agricol et le repos du septième jour, une prohibition de l’idolâtrie, des "unions illicites" (adultère, homosexualité et mariage mixte) et de très importantes lois sur un culte dans un sanctuaire unique: Des sacrifices d'animaux, oblations et offrandes au Mont du Temple à Jérusalem, censés entre autres marquer physiquement l'expiation de la transgression, exécutés par un clergé de prêtres (Kohanim) et d'auxiliaires (Lewiim). Pour beaucoup de Juifs, le culte au Temple à Jerusalem avait une influence sur l'ordre et l’équilibre terrestre et cosmique, or à cause des divergences sur la Loi (et donc sur la tenue du culte), beaucoup s'opposaient aux "détails", à la manière dont le culte était effectivement exercé voir à la légitimité du haut clergé corrompu et soumis au pouvoir romain. Et cette "corruption du culte" causerait une catastrophe apocalyptique ou un bouleversement (annoncé par de précédents prophètes) dont l'occupation romaine est un des signes avant coureurs.
    Dernière modification par absent, 09 avril 2013, 15h57.

  • #2
    Ebionites ou Judéo Chrétien:
    Leur nom vient du mot hébreu "3ebyon" qui veut dire pauvre. Il se peut que ce nom leur soit venu de leur origine sociale, de l'enseignement de Jésus sur la richesse et la pauvreté ou de de leur régime alimentaire "pauvre". Pour leurs adversaires proto orthodoxes, ces hérétiques étaient "pauvres en compréhension". Pour cette secte, philosophie ou mouvement constitué d'héritiers proclamés Juifs (par la naissance ou la conversion) de Jésus, Jésus est un homme mortel né de l'union d'un homme et d'une femme choisi (certains diront "adopté" en tant que fils apparemment dans un sens allégorique) par le Dieu d'Israël pour sa droiture, sa conformité dans son comportement avec la Loi et son interprétation parfaite et définitive de la Loi de Moïse auquel tous ceux qui se prétendaient disciples de Jésus devaient adhérer. Le Salut ne vient ni de la mort, ni des souffrances, ni de la résurrection du Christ, mais par le fait de se conformer parfaitement et rigoureusement à son enseignement et son interprétation de Loi. Concernant le culte sacrificiel au Temple, celui ci qui était vicié de toute manière par l'ignorance ou la malveillance des prêtres, n'était plus nécessaire par le sacrifice du plus parfait des hommes sur le Croix ( ce sacrifice n'abolit pas la loi, ni rachète le pêché en lui même). Et étant donné que la quasi totalité des viandes consommées par les Juifs de Judée provenaient de bêtes sacrifiées au Temple de Jérusalem et que le sacrifice était aboli par le sacrifice de Jésus (et confirmé et rendu impossible par la destruction du Temple par les romains), il semble que les ebionites aient mis l'accent sur un régime alimentaire végétarien.

    Livres et croyances ebionites:
    Le canon (l'ensemble des livres tenus pour saints) se composait bien évidement de ce que d'autres chrétiens appelleront plus tard, l'Ancien Testament, c'est à dire la Thorah de Moïse dont la loi était tenu pour valable, les Prophètes (écrits attribués à des prophètes entre la mort de Moïse et la fin du premier exil), et d'autres œuvres littéraires et liturgiques en circulation (tels les Psaumes attribués à David, le livre de Daniel, Ruth, Esther, Job, Macchabées, Siracide) dont certains seront canonisés par le judaïsme rabbinique et d'autres rejetés. En plus des écrits "purement juifs", les ebionites avaient un evangile c'est à dire un récit racontant la vie de Jésus qui appuie leur point de vue. L'Evangile des ebionites ne nous est pas parvenu directement mais des extraits significatifs nous sont cités par les polémistes proto orthodoxes qui l'ont rejeté et qui ont accusé les ebionites d'avoir falsifié celui de Matthieu. Cet evangile serait globalement similaire à celui de Matthieu (peut etre rédigé depuis une source commune) mais différerait en omettant la naissance virginale de Jésus (qui serait fils de Josèphe, descendant du roi David) et par certains détails notamment le rejet du sacrifice et le végétarisme: Des citation de Jésus refusant de manger l'agneau de Paque, une autre qui met en garde contre le sacrifice, Jean Baptiste qui se nourrit de "pain et du miel" au lieu des "sauterelles et du miel" de la version canonique (le copiste grec n'a eu qu'une lettre à "corriger"). Comme dans la version orthodoxe de Matthieu, Jésus insiste sur la non abolition de la loi et s'engage dans des polémiques avec les rabbins sur l'interprétation correcte de la Loi (ce qui confirme sa non abolition).
    Dernière modification par absent, 09 avril 2013, 15h57.

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    • #3
      Marcionistes ou anti-judaïsants :

      Marcionistes ou anti-judaïsants :


      Si les ebionites et d'autres sectes judéo-chrétiennes ont constitué un pôle du christianisme primitif,
      les marcionistes ont constitué le pôle opposé. Si les ebionites ont cru que le Dieu de Jésus était le même que celui d'Abraham, de Moïse, le créateur de l'univers, pour les marcionistes, Jésus lui même est une divinité totalement étrangère au dieu des Juifs qui n'est plus le Dieu unique. Si les ebionites se croient tenus de se soumettre à une Loi divine, écrite dans la Thorah et dont Jésus est l'exemple suprême à suivre en terme de soumission à cette Loi, pour les marcionistes, la Loi du dieu des Juifs est à rejeter pour le Salut de l’âme. Si les ebionites se sont considérés et perçus comme chrétiens et juifs (de conversion ou de naissance) à la fois et n'ont sans doute jamais accepté de contradiction entre les deux termes, les marcionistes se considéraient comme des Gentils convertis à la religion de Jésus.


      Entre Jésus et Marcion, Saint Paul :
      Saint Paul (mort vers 67) est peut être le personnage le plus étrange de l'histoire du christianisme primitif dont les épîtres (antérieurs à tous les évangiles connus) sont considérés comme les plus anciens textes du Nouveau Testament à nous être parvenus, ce qui leur confère une grande valeur historique.
      Selon ses propres écrits, Paul lui même n'a jamais connu Jésus de son vivant. Jésus lui est apparu en vision des années après sa crucifixion lorsque Paul lui même, fervent Juif pharisien (secte juive qui deviendra le judaïsme rabbinique) était un persécuteur des premiers chrétiens. Après sa conversion et une rencontre avec les premiers leaders chrétiens à Jérusalem (Jacques le Juste et Saint Pierre), il se donne pour mission de répandre la bonne nouvelle parmi toutes les nations de «l'univers» c'est à dire de l'Empire Romain. Se déplaçant de ville en ville, il commence à prêcher dans la synagogue locale ou son message rencontre peu de succès chez les Juifs et il finit par en être systématiquement chassé pour son enseignement hérétique. Cependant, il réussit à convertir quelques Juifs et beaucoup plus encore, des Gentils (des non Juifs) à qui il apporte la Bonne Nouvelle du Salut par Jésus revenu de l'Hadès, le royaume des morts. Le grand «fait d'arme» de Paul qu'il est peut être le premier à accomplir et qui aura des répercussions énormes sur le christianisme est qu'il exempt ses convertis Gentils de se soumettre à la loi de la Thorah et notamment, à la circoncision qui, dans l'antiquité gréco-romaine, suscitait le dégoût et l'horreur chez Gentils, et qui aurait dissuadé bien des hommes adultes attirés par le monothéisme (les «craignants Dieu» ou «Justes parmi les Nations» dans les sources juives) de se convertir au judaïsme. Il est très difficile de se faire une idée définitive et catégorique de l'opinion exacte de Paul sur la Loi. Il semble que pour lui, celle ci soit devenue inutile pour le Salut de l'âme depuis la venue de Jésus, qu'elle ne sert qu'à mettre en évidence l'incapacité de l'homme à se libérer de la transgression même s'il pense que les Juifs qui continuent à l'observer (et lui même en fait peut-être partie) ont un certain mérite. Ce qui est certain, c'est qu'il dissuade ses disciples Gentils de l'observer et qu'à ce sujet, il se heurte à Saint-Pierre, celui sur lequel Jésus aurait fondé son Eglise. Qui plus est, dans des églises (communauté chrétienne) fondées au fur et à mesure des pérégrinations de Paul, des crises éclatent au sujet de la Loi, auquel il répond en envoyant des épîtres mettant en garde la communauté locale contre les «faux enseignants» qui comme lui prêchent au nom de Jésus, qui «déforment l’Évangile» en incitant les chrétiens à se soumettre à la Loi. Ces mots sont même plus durs vis à vis de ces adversaires là (qui se considèrent pourtant comme aussi bon chrétiens que lui) qu'envers les païens ou envers les Juifs qui ne reconnaissent pas Jésus.


      Marcion, l'ultra paulinien :
      Marcion voit le jour dans à Sinope en Asie mineur vers l'an 85 (actuelle Turquie) une des cités de l'Empire ou existe déjà une communauté chrétienne. Il voit le jour dans une famille chrétienne non juive à l'époque ou celles ci ne sont qu'une minorité négligeable parmi les population de l'Empire, son père serait même l’évêque (le chef d'une communauté chrétienne résidant dans une cité) de la ville. Extrêmement marqué par les épîtres de Paul qui circulent déjà parmi les communautés chrétiennes, celui-ci n'en radicalise pas moins les enseignements. Pour Marcion, Paul est le maitre-Apotre, le seul à avoir véritablement compris le message de Jésus. Après avoir été incompris par les apôtres de son vivant, Jésus serait apparu en vision à Paul après sa montée au ciel. Pour Marcion, Jésus en tant que maître de Paul, par son enseignement fondé sur la compassion et l'amour, par ses polémiques avec les pharisiens et les docteurs de la loi peut être, ne peut avoir le moindre rapport avec le dieu des Juifs. Marcion ne nie pas l'existence du dieu des Juif ni l'authenticité de leurs Thorah, il la lit au contraire d'une manière «littérale». Pour Marcion, le dieu des Juifs est une sous divinité qui a pour attribut la justice rigoureuse, créatrice d'un monde matériel imparfait, injuste et rempli de souffrance et de malheur, qui exige des sacrifices sanglants, une obéissance absolue et n'hésite pas à punir des nations entières (l'humanité par le déluge, les sept nations de Canaan, Sodome et Gomorrhe et même Israël) en cas de transgression de ses commandements qui, selon la vision de Saint Paul, ne font justement que mettre en évidence la transgression inévitable par la nature humaine. En plus de cette sous divinité créatrice du monde et révélée à Moïse existerait le Père Céleste, un dieu spirituel, qui a pour attribut la compassion et non la justice rigoureuse, qui n'a pas crée le monde matériel et qui n'a fait qu'apparaître à l'image (une illusion) d'un homme, Jésus le Nazaréen. Ce dieu spirituel inconnu de l'humanité avant son apparition sous la forme de Jésus aurait essayé de libérer des âmes humaines du demiurge (le dieu créateur vénéré par les Juifs) en l’apaisant par un ultime et parfait sacrifice sanglant. De ce fait, ce dieu spirituel de compassion et d'amour aurait racheté les âmes de ceux qui croiraient en lui, en son sacrifice.


      Livres marcionistes :
      Marcion se proposera de reconstituer le véritable Evangile (récit de la venue de Jésus) en se fondant sur l'Evangile de Luc, revu et corrigé selon sa vision des epitres de Paul. Il rejettera catégoriquement la Bible juive (venant d'un mauvais Dieu) ou tout autre Evangile qui ne font que témoigner de l'incompréhension que Jésus a suscité parmi ses premiers apôtres lors de son bref passage terrestre. Marcion sera l'inventeur des expressions «Nouveau Testament » et « Ancien Testament » et verra une opposition irréconciliable entre les deux, et poussera ses adversaires contemporains (qui deviendront les chrétiens orthodoxes) à définir leur propre canon pour la première fois.
      Contrairement aux ebionites qui sont monothéïstes, des proto orthodoxes qui définiront, très difficilement, le dogme de la trinité en continuant à se considérer comme monothéistes, Marcion croit en (au moins) deux divinités totalement distinctes, une divinité créatrice du monde matériel imparfait et une divinité libératrice de ce monde.
      Dernière modification par absent, 10 avril 2013, 09h19.

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