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La situation dans les hôpitaux de Beyrouth est critique

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  • La situation dans les hôpitaux de Beyrouth est critique

    Cet article a été écrit avant le cessez le feu mais reste d'actualité car le retour à la normale ne peut se faire du jour au lendemain, même avec la meilleure volonté du monde.

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    Elle s’appelle Israa Rimitti. Elle n’a que dix-sept ans. Sur son lit d’hôpital et sous l’énorme bandage qui recouvre son visage, Israa semble paisible dans son sommeil qui se prolonge, dans la salle des soins intensifs, depuis trois jours. A quoi peut rêver une jeune Libanaise de son âge ? Sûrement pas aux derniers instants de sa vie. Un instant éclair composé juste du vrombissement du moteur d’un AMK qui déchire le ciel avant que ce dernier ne lui «tombe» sur la tête. Le missile des sionistes lancé sur le quartier de Chiayah, dans la banlieue sud de Beyrouth a fait crouler la maison où habitait Israa. De sous les décombres où elle a eu le crâne fracassé, elle sera retirée ainsi que tous les membres de sa famille dont aucun n’a eu la vie sauve.

    Les «Israa» au Liban sont nombreuses. Comme Samah Chihab, la voisine de chambre d’Israa à l’hôpital publique Rafik El Hariri, qui, à neuf ans, a appris à taire sa souffrance. Samah est une enfant de Sour, ce village martyr qui a été réduit à néant par les raids de l’aviation israélienne. Elle sourit aux visiteurs tout au long de la visite mais ne dira pas mot. Son beau regard est encore plus sombre que la couleur de ses yeux. Elle le détourne en signe de refus de répondre aux questions, même celles de connaître son prénom. Sa propre mère ne parviendra pas à la convaincre de discuter avec nous. Samah préfère ne pas se rappeler ce jour où son jouet a été emporté par le souffle d’une explosion qui s’est produite à quelques mètres d’elle. Gravement atteinte, la petite a été évacuée de Sour vers Beyrouth, accompagnée de sa maman. Ses frères et sœurs, blessés à un degré moins important, ont été soignés dans l’hôpital de la région. Aujourd’hui, la maman de Samah ne peut plus retourner auprès de sa petite famille.

    Les routes sont coupées et les bombardements sont quasi permanents. Inquiète, cette maman endolorie affirme retourner à la première occasion à Sour : «Il faut que je revienne, mon village, complètement rasé, est coupé du monde. Il n’y a plus de vivres, d’eau ou de médicaments. Il faut que je sois auprès des miens.» N’a-t-elle pas peur des missiles israéliens ? «Allah ma’ana [Dieu est avec nous]. Les sionistes peuvent, certes, nous tuer, nous les femmes et les enfants, mais ils ne pourront jamais réduire notre résistance. Nous continuerons à les défier tous les jours.» Il s’agit là d’une réalité au Liban. Les Libanais défient les missiles. C’est le cas de le dire pour les habitants du quartier chiite de Chiayah qui a été bombardé à deux reprises sans que ses habitants l’évacuent totalement. Une douzaine de morts a été enregistrée lors du deuxième raid, dont un jeune d’à peine 15 ans, le frère aîné de M’hamed.

    M’hamed, lui, est un enfant de 13 ans qui a s’est vu emporter par le souffle de l’explosion d’un missile dans son quartier. Son frère, ses amis et voisins décèdent, lui, sera évacué d’urgence vers l’hôpital Al Yahat, un hôpital non loin de la banlieue sud qui accueille en général la communauté chrétienne. D’ailleurs, il aura fallu beaucoup insister pour rencontrer quelques blessés. A l’hôpital Rafik El Hariri, les difficultés sont moindres mais c’est à l’hôpital de la banlieue sud de Beyrouth, El Rasoul, que très peu de renseignements sont donnés. Pendant trois jours, une recherche infructueuse des blessés s’est poursuivie. Dans chaque hôpital, il est affirmé que les blessés ont déjà quitté l’institution hospitalière, qu’ils ont été orientés vers d’autres hôpitaux ou encore qu’étant sous embargo et coupé du monde, le Liban-Sud n’évacue plus ses blessés vers la capitale. S’il est vrai qu’une fois toutes les routes bombardées, il a été impossible d’évacuer les blessés et donc qu’il y a eu une baisse du flux, il est vrai aussi que les missiles israéliens ont continué à anéantir la banlieue sud de Beyrouth. Il aura donc fallu chercher longtemps avant de rencontrer Israa, Ahmed, Samah et d’autres, évacués de Sour et de Baalbek. Côté médicaments, il faut dire que les besoins diffèrent. Si, à Rafik El Hariri, le directeur adjoint de cet établissement, M. Bilal Misri, ne semble pas inquiet autant que pour la pénurie de fioul, à El Rassoul, la situation est tout autre.

    Pour M. Misri, les difficultés seront ressenties dans les semaines à venir si un cessez-le-feu n’est pas prononcé d’ici là. «Actuellement, nous commençons à manquer des produits pour la prise en charge des personnes dialysées ; pour le reste, nous tenons bon.» L’établissement Rafik El Hariri, qui a accueilli plus d’une centaine de blessés et a enregistré une vingtaine de décès, formule sa demande au ministère de la Santé pour le renouvellement de son stock étant donné qu’il s’agit d’un établissement public. «Nous n’avons pas connaissance de la gestion des aides qui parviennent de différents pays, seul le ministère de la Santé gère notre approvisionnement.» Pourtant, toutes ces aides acheminées vers Beyrouth sont gérées par un organisme national de sauvetage mis en place spécialement pour la gestion de toute l’opération d’aide et de collecte. Ce même organisme n’a pas, depuis le début de l’agression et l’arrivée de dons, envoyé une seule aide à l’hôpital El Rassoul El Aadhem, seul établissement encore fonctionnel (après la fermeture des hôpitaux Sahel et Bahmen) dans le sud du Liban, lieu de tout le désastre. Cette affirmation nous a été faite par le directeur de l’hôpital lui-même, M. Mahmoud Younes, qui ne demande pas sa part des aides mais explique que son établissement n’en a jamais reçu (sauf une aide parvenue directement de Norvège) et que «ce n’est pas de cette aide que nous avons besoin mais d’un soutien politique des Etats».

    A El Rassoul, rien ne manque pour l’instant : ni médecins ni médicaments. Le sentiment de résister et de narguer l’ennemi est très ressenti dans cet établissement «Même si l’ennemi bombarde, nous nous sommes préparés avec 16 lits souterrains et cela en plus des 150 lits». Le portrait de Hassan Nasrellah ou encore celui de Moktada Esadr sont partout à El Rassoul. C’est là l’établissement du Hezbollah, pris en charge par l’association de la Moukaouama. Dans cet établissement, il n’a pas été possible de rendre visiter aux blessés : à des «Israa», à des «Samah» ou encore à d’autres jeunes de la résistance. Mais, dans cet endroit, pas besoin de demander : résister est le leitmotiv de tous. C’est celui d’Israa qui à la voir, inerte dans son lit, paraît belle de par sa volonté. Celle qu’elle partage avec tant d’autres filles à Ghaza ou encore en Irak.

    Par La Tribune
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