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Le dernier témoin, Rachid Adjaoud

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  • Le dernier témoin, Rachid Adjaoud

    L’auteur dresse la liste des premiers moussebeline de Seddouk, ainsi que de tous les Français ayant résidé dans son village du début de la colonisation jusqu’à 1962. Rachid Adjaoud évoque également les grandes figures de notre Révolution.

    Qui mieux qu’un enfant de Seddouk et qui plus est a participé à la lutte de Libération nationale pour nous relater les événements qui ont émaillé cette région de Kabylie durant l’occupation ?

    Rachid Adjaoud raconte la vie quotidienne à Seddouk pendant la guerre. Il fouille dans sa mémoire et retrouve la trace d’anciens combattants toujours en vie, dans la région. Leur témoignage est livré aux lecteurs à l’exemple de celui de Si Youcef Mellah (pages 155 et 156). Ce dernier évoque les stratèges utilisés par les moudjahidine pour semer les soldats français. «Interdiction de fumer…, l’odeur du tabac pouvait être détectée et porter préjudice aux combattants de l’ALN durant les déplacements de nuit….

    Ordre avait été donné aux unités de l’ALN, arrivant dans un village en grand nombre, de prendre soin d’effacer les traces de pas, en faisant tracer par le dernier djoundi une branche d’olivier.» L’ancien militant met l’accent sur la manipulation de l’armée française : «Souvent, les habitants étaient rassemblés manu militari sur la place du village pour écouter le discours de propagande de l’officier. S’il y avait parmi les soldats un élément plus instruit que ses camarades, il était désigné comme instituteur. Il prenait en charge la scolarité des enfants du village.

    L’objectif est connu : «La France, grande et généreuse, est là pour vous protéger contre les fellagas et vous assurer que nos ancêtres sont aussi vos ancêtres, tous des Gaulois. Toutes ces actions de propagande étaient filmées par des journalistes à la solde des autorités coloniales.»

    Par ailleurs, l’auteur dresse la liste des premiers moussebeline de Seddouk ainsi que de tous les Français ayant résidé dans son village du début de la colonisation jusqu’à 1962. Rachid Adjaoud évoque les grandes figures de notre révolution : «J’ai gardé de Sétif le souvenir de la première tournée effectuée par siAmirouche, fin 1956. était en compagnie de si Hocine Salhi et l’un des trois frères Harani…» (P149).

    Né à Seddouk-Centre (wilaya de Béjaïa) le 2 février 1937 dans une famille modeste, Rachid Adjaoud prend très tôt conscience du système colonial. Membre du secrétariat du Congrès de la Soummam (1956), il est sollicité par le colonel Amirouche qui lui confie plusieurs missions.

    Rachid Adjaoud quitte l’ANP en mars 1964. Il assumera ensuite les fonctions de directeur des hôpitaux pendant une trentaine d’années.

    Membre du comité central du FLN, député de la wilaya de Béjaïa à l’APN pendant la deuxième législature, il quitte définitivement la vie politique en 2010 pour se consacrer à la rédaction de ses mémoires.

    SABRINAL- le soir

    LE DERNIER TÉMOIN, RACHID ADJAOUD, CASBAH. EDITIONS, 2012, 278 P.

  • #2



    Debout de gauche à droite : Mohand oul Hadj, Dr Benabid, Amirouche, Maitre youcef Benabid, Mohand Said Aïssani
    Accroupis : Mezai Hamid et Rachid Adjaoud
    Dernière modification par nacer-eddine06, 25 mars 2013, 23h46.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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    • #3
      Rachid Adjaoud raconte la bleuite

      La « bleuite » a été une réponse à l’opération « Oiseau bleu » de Krim Belkacem qui a réussi en 1955 à enrôler 1500 soldats algériens, avec armes et bagages, dans les rangs de l’ALN.
      Les ministères des Moudjahidine et de la Défense nationale détiennent, avec exactitude, le nombre des personnes qui ont été épurées, a déclaré en exclusivité à notre rédaction Rachid Adjaoud membre du « comité d’épuration » qui a auditionné plusieurs personnes dans le cadre de la mise à plat de la « Bleuite », action psychologique de l’armée française, qui secoua dans les années 50 les maquis algériens. « Il fallait à tout prix passer à l’assainissement des rangs de l’ALN... », a expliqué M.Adjaoud, selon lequel, en dehors de ces deux entités, aucune autre institution ni autre témoin ne peut avancer un quelconque chiffre quant aux personnes touchées par cette épuration. En fait, Rachid Adjaoud, l’un des rédacteurs de la Déclaration du Congrès de la Soummam rejoint les partisans de l’ouverture des archives de la Défense nationale. Aussi, le témoignage de ce moudjahid a été émouvant. Les séquelles de la « Bleuite » sont toujours là et, sous certains rapports, la plaie est restée béante. Les plus avertis appellent à l’implication des acteurs principaux de la guerre de Libération aux fins de réécrire objectivement l’histoire de la Révolution algérienne.
      La Bleuite, Mellouza et la Nuit rouge de la Soummam sont autant d’affaires à élucider et qui continuent de susciter interrogations et questionnements de la part des historiens. La Kabylie était minée par les pièges de l’armée coloniale. La guerre battait son plein. Les services spéciaux coloniaux redoublaient d’efforts pour « pacifier » (terme employé par l’armée français) toute une région qui a symbolisé la guerre de Libération. Autant d’écrits tantôt glorifiant tantôt mystifiant ces hommes de la wilaya III historique ont été avancés. Rachid Adjaoud, qui était également un secrétaire très proche du colonel Amirouche et membre du secrétariat du Congrès de la Soummam, apporte de poignants témoignages sur la personne surnommée par l’armée coloniale le « Lion du Djurdjura ». M.Adjaoud remet les pendules à l’heure, remettant en cause les thèses qui ont été avancées sur la personne du colonel Amirouche, cité comme instigateur de sanglantes et « fratricides » épurations dans les rangs de la Wilaya III historique. « Le colonel Amirouche n’a aucune responsabilité avec les affaires de Mellouza ni avec celle de la Nuit rouge de la Soummam et la thèse de Ali Kafi est complètement fausse », affirme aujourd’hui Rachid Adjaoud.
      Le lieutenant Rachid Adjaoud tente par ailleurs, dans son témoignage vivant, d’élucider une des plus grandes affaires qui continuent de susciter les interrogations des historiens, la « Bleuite ». Cette machination diabolique était la création de Alain Léger, capitaine du 1er Régiment de parachutistes étrangers, passé maître dans l’art de la manipulation psychologique. En Indochine, le capitaine Léger a été un vrai simulateur des opérations réussies là où ses prédécesseurs ont échoué. Appelé en Algérie pour semer la zizanie dans les rangs de l’ALN, Alain Léger, monte son coup, qui a été éventé par des responsables de la Wilaya III historique et le réseau qu’il a mis en marche à partir d’Alger a été démantelé et la filière remontée. La disparition énigmatique du lieutenant politique Hocine Salhi a intrigué plus d’un parmi les effectifs de l’ALN y compris le colonel Amirouche. Se rendant à Aït Yahia Moussa pour enquête, le colonel Amirouche tombe nez à nez avec Rosa Tadjer recrutée à Alger, et qui était la pièce maîtresse du réseau. Ayant à peine échangé quelques phrases avec cette femme, notamment sur les circonstances de son recrutement, le colonel de la Wilaya III s’est rendu à l’évidence qu’un complot le visait lui et la wilaya qu’il commandait.
      Le pot aux roses est ainsi découvert, Rosa Tadjer accablée alors qu’elle faisait part d’une histoire déroutante. Selon Rachid Adjaoud - celui-là même qui procéda à l’arrestation de l‘espionne - Rosa Tadjer, surnommée « Matahari » a affirmé au colonel Amirouche qu’elle s’est évadée de la prison de Barberousse en escaladant ses grandes murailles pour rallier les rangs de l’ALN. Version qui, selon notre interlocuteur, ne peut tenir debout du moment que des hommes de grande valeur croupissent toujours dans la même prison sans pouvoir franchir ses fortifications géantes, ce qui fait douter de la thèse « rocambolesque » soutenue par cette femme. Ce qui, d’ailleurs a mis en éveil les doutes du colonel Amirouche qui a mis en l’échec tous les plans de déstabilisation de l’armée coloniale.
      De ce fait, plusieurs questions taraudaient et hantaient les esprits quant à la décision finale d’ assainir les rangs. Un « comité d’épuration » est ainsi mis sur place, conduit par Rachid Adjaoud et Hacène Mahiouz assistés de Hmimi Oufadel et Mohand Oulhadj.
      « Mohand Oulhadj a été très peiné par l’affaire de la "Bleuite" mais il fallait à tout prix épurer les rangs de l’ALN », justifie aujourd’hui Rachid Adjaoud. En fait, est-il indiqué, la « Bleuite » a été une réponse coloniale à l’opération « Oiseau bleu » de Krim Belkacem qui a pu mobiliser 1500 soldats algériens de l’armée coloniale en les enrôlant avec armes et bagages, dans les rangs de l’ALN en 1955.
      L’opération « Bleuite » menée par les services de l’action psychologique de l’armée française et les services secrets français avait pour objectif de disloquer l’ALN et le FLN. Rachid Adjaoud insiste sur le fait que le colonel Amirouche n’était d’aucune manière impliqué dans les affaires qui ont marqué la Wilaya III. Concernant l’affaire de l’attaque du village de Mellouza, selon l’ancien lieutenant politique de l’ALN, la Wilaya III était alors sous la direction de Mohamedi Saïd, Amirouche étant adjoint du commandant de la Wilaya III.
      Cette affaire, toujours sujette à controverses entre historiens, nécessite l’ouverture des archives pour en connaître le mot de la fin. Pour ce qui est de ce que l’on a désigné à l’époque sous le nom de « Nuit rouge » de la Soummam, cet épisode se résume, selon Rachid Adjaoud, à une affaire de moeurs, notre interlocuteur refusant d’aller plus avant, expliquant que son témoignage ne peut servir à grand-chose du fait qu’il n’était pas témoin oculaire de ces faits.
      Aït Ouakli OUAHIB
      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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      • #4
        The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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        • #5
          Rachid adjaoud, auteur du le dernier témoin

          Une mémoire sans concession
          L'ancien combattant participe à l'écriture de l'Histoire
          Rencontré lors de sa vente-dédicace à la librairie du Tiers-monde, Rachid Adjaoud, ancien secrétaire de la Wilaya III historique, directeur des hôpitaux durant une trentaine d'années, député à la deuxième législature et membre du Comité central du FLN et l'un des derniers compagnons encore en vie du colonel Amirouche, revient avec son ouvrage (mémoires) le dernier témoin scindé en deux tomes, sur les origines et les méandres de la Révolution algérienne et tout ce qu'elle implique comme sujets sensibles, à l'exemple de ce que recèlent la période 1945-1954, la Seconde Guerre mondiale et comment l'occupant a essayé de juguler le Mouvement national, l'origine des événements du 8 Mai 1945, la région de Seddouk (Béjaïa), la Wilaya III et la région de Sétif, les colonels Amirouche et Si El Haouès, le Congrès de la Soummam, la mort de son confrère Salhi Hocine qui, avec lui, a figuré dans le secrétariat de ce même Congrès.
          L'auteur évoquera aussi son enfance dans la Kabylie, les braves martyrs et frères, cheikh El Fodil El Ourtilani, cheikh Laïfa de Sétif, Saïd l'Indochine, Si Mohand Akli Naït Kaâbache, Arezki Laure, le médecin Benabid, des hommes légendaires, selon lui. Acteur et témoin, cet ancien officier de l'ALN ne se dit pas héros de la guerre de Libération nationale, mais proclame l'authenticité de ses documents et l'effort de partager son témoignage poignant avec les nouvelles générations et ce, à travers le rôle qu'il y a joué. L'auteur participe à l'écriture de l'histoire de notre révolution et dévoile certains aspects de la guerre qui sont longtemps demeurés obscurs. Enrichi de documents officiels, des lettres adressées notamment par Si Amirouche au Gpra, cartes, photographies et des fac-similés, qui consolideront l'apport historique de ses témoignages, nourrissant nécessairement l'histoire de l'avant, pendant et après la Guerre d'Algérie.

          L'Expression: Qu'évoque le titre de votre ouvrage, Le Dernier témoin?

          Rachid Adjaoud: Le Dernier témoin est la seule façon de dire que plus personne ne pourra raconter l'histoire de la colonisation et de la Guerre d'Algérie après moi, plus personne ne pourra raconter comment ont vécu les vieilles générations et parmi elles les témoignages de ma grand-mère qui me livrait déjà sa mémoire, à savoir comment est entrée la colonisation à la commune de Seddouk, et comment elle en est sortie. J'ai vécu le terrorisme aussi et ses menaces, j'ai vécu dans mon plus jeune âge le début de la Révolution et j'assiste encore, parmi les derniers survivants ce qu'est devenue l'Algérie. Le dernier témoin, parce que plus personne ne pourra raconter certains faits après moi à l'exemple des témoignages du docteur Ferri cités dans mon livre, intitulé Médecin en Berbérie. La mémoire également de l'esprit du Mouvement national à l'époque et beaucoup d'autres faits historiques.

          Vous parlez dans votre livre de votre enfance à Seddouk, de votre militantisme dès votre jeune âge. Quelles sont les messages essentiels de votre livre?

          C'est un livre qui retrace la période où je suis né, soit avant la guerre, afin de partager mes connaissances avec les jeunes lecteurs, ce que nous avons vécu avec le colonialisme, mais surtout les premiers hommes qui ont contribué au déclenchement de la Guerre d'Algérie et dont on parle si peu, si mal ou pas du tout.
          Ces premiers hommes qui ont fait germer l'idée de la Révolution et qui sont restés méconnus. Quant à nous, nous avons juste participé. Mais je parle aussi de la colonisation à travers le village de Seddouk. Mais le livre ne parle pas que du passé, mais de nos espoirs sur l'Algérie telle qu'on l'aurait souhaité devenir, de nos rêves aussi. Ce livre relate mon parcours de 1937 à 1955 et le second ouvrage. La Guerre de Libération retrace la lutte armée.

          De quelle nature étaient vos rapports avec le colonel Amirouche?

          Les rapports que j'entretenais avec le colonel Amirouche, étaient ceux de simple djoundi avec un officier supérieur, mais des relations fraternelles, non pas conjoncturelles, mais bien fraternelles, depuis que je l'ai connu, étant jeune, au Congrès de la Soummam jusqu'à la fin. Et j'ai été extrêmement blessé quand on a voulu porter atteinte à la notoriété et l'intelligence de Si Amirouche.
          On ne touche pas aux morts. Comment laisser faire de telles atteintes à la mémoire des hommes braves qui ont tout donné à leur pays. J'ai été au maquis avec le colonel Amirouche depuis 1956 jusqu'à son départ vers la Tunisie. Mais certaines personnes n'acceptent pas l'idée qu'une part importante de la révolution s'est jouée dans la Wilaya III. J'ai des souvenris et un grand respect envers les deux colonels, Amirouche et Si El Haouès qui tombèrent bravement au champ d'honneur.
          Par Amine Aït Hadi
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          • #6
            quelques détails :

            L'opération «Oiseau bleu» eut en effet comme conséquence d'armer de façon ultra-moderne la quasi-totalité des hommes de Krim Belkacem.
            L'histoire de l'opération «Oiseau Bleu», appelée aussi force K (K pour Kabylie), s'étend sur dix mois de fin novembre 1955 à septembre 1956. Sous les gouvernements généraux de Soustelle, puis de Lacoste. Elle explique le mystérieux silence de la Kabylie pendant près d'un an, l'absence presque totale d'opérations françaises d'envergure, alors que c'est la région tenue par le plus célèbre de tous les maquisards de Kabylie : Krim Belkacem

            Tout commence par une mirifique « gamberge » du cabinet Soustelle. Cette Kabylie que Krim Belkacem a organisée depuis longtemps commence à bouger. des combats meurtriers sont livrés dans la vallée de la Soummam. La haute Kabylie va suivre. Il faut l'en empêcher.
            Alors pourquoi ne pas monter en Grande Kabylie un contre-maquis en utilisant des hommes sûrs, des super-harkis clandestins, qui lutteraient contre Krim en employant les mêmes armes? Aux membres de cette armée secrète on donnerait d'abord des mousquetons, puis des armes plus efficaces. Ces commandos clandestins se déplaceraient dans des zones soigneusement évitées par l'armée française et eux, des enfants du pays, sauraient bien débusquer ces maquisards que les unités classiques ne parviennent jamais à accrocher.
            Le Gouvernement général fait appel au service action du S.D.C.E. pour mettre le projet sur pied.
            Sur place, en Kabylie, on envoie Hachiche Tahar, un intelligent Kabyle, ami d'un commissaire principal parisien de la D.S.T. qui connaît fort bien Soustelle. Hachiche est chargé de monter l'opération sur le terrain: mettre sur pied un mouvement clandestin qui touchera tous les villages.
            L'homme se rend à Azazga dont il est originaire. Il va prendre tous ses repas chez Zaïded, un petit restaurateur, ancien responsable M.T.L.D. jusqu'en 1950, date à laquelle il a quitté le parti. Zaïded a huit enfants et s'occupe exclusivement de son commerce. Il est aux petits soins pour ce client régulier qui semble devenir une bonne pratique. Hachiche mange bien, boit bien. Le bon client. On bavarde. Et, bien sûr, on parle de la révolution.
            « Ici, c'est Krim qui tient le maquis? interroge Hachiche.
            - C'est ce qu'on dit, répond prudemment Zaïded.
            - C'est un assassin de femmes et d'enfants, ce Krim !
            - Eh, oui ! C'est lamentable tout ça.
            - Toi, tu es contre ces bandits ?
            - Bien sûr. Le peuple souffre.
            - Et ce sont eux qui sont contre le peuple. Moi aussi — tu sais je suis d'ici, je suis parti il y a longtemps — je voudrais que mon peuple soit heureux. Si tu veux, on pourrait faire quelque chose... Lutter contre eux. Mais pas comme les harkis et les G.M.P.R. '. Efficacement.
            Zaïded regarde à droite et à gauche. Personne ne s'occupe de leur conversation.
            «Tu es fou, répète-t-il, laisse donc ça à l'armée. Il y en a partout de l'armée, avec des armes, des chars, de l'argent qu'on n'a pas.
            - Mais l'armée, elle ne connaît notre Kabylie ni comme toi ni comme moi. L'armée, il lui faudra un hasard pour qu'elle tombe sur quelqu'un.
            - Et tu as mieux ?
            - Bien mieux. Je t'expliquerai. »
            II poursuivra sa conversation dans quelques jours lorsqu'il reviendra à Azazga. A Alger, il fait un rapport optimiste à ses chefs.
            Zaïded croit lui aussi avoir ferré une bonne prise! Car le restaurateur n'est pas le bon papa tranquille du couscous qu'il veut bien paraître. Depuis le 1er novembre 1954, il est en contact avec Krim, qu'il connaît depuis 1947. Il a même demandé à gagner le maquis, mais le chef kabyle lui a conseillé de rester en ville. Son restaurant sera une source de renseignements importants et éventuellement d'aide au F.L.N. Après sa conversation avec Hachiche, Zaïded prend contact avec Yazourène Mohamed, chef de la zone F.L.N. pour Azazga. «Il faut que tu mettes Krim au courant...» Et il lui raconte l'histoire. La réponse de Krim est formelle : «Marche dans son jeu. Essaye d'en savoir plus»
            Hachiche revient. Hachiche révèle son plan, sous le sceau du secret. Il aurait la possibilité de trouver des armes et de l'argent pour lutter contre ces «bandits». Et toi, tu pourrais trouver des hommes décidés ? »
            Et il lâche le morceau. Il s'agirait de recruter quelques dizaines d'hommes qui, continuant en apparence leurs activités, constitueraient une armée secrète n'agissant que le soir, tout comme les rebelles. Les résultats ne se feraient pas attendre!
            « Crois-tu pouvoir réunir des hommes de confiance ?
            - Bien sûr, répond Zaïded. Ici, je connais tout le monde.
            Le soir même, Krim est au courant de la proposition de Hachiche. Avec Mohammedi Saïd, il étudie le problème. Depuis que Ouamrane a pris la direction de l'Algérois, Krim a fait de Mohammedi Saïd son second. C'est Sadek qui lui a présenté Mohammedi Said.
            Lorsque Zaïded transmet lés propositions du Gouvernement général via Hachiche, Mohammedi Saïd émet un avis défavorable : « C'est dangereux. Je ne crois pas à ces histoires. » Mais Krim est très excité par le récit de Zaïded qui croit à la proposition. « Hachiche est décidé, explique Zaïded. Il a des garanties officielles. Il est en contact direct avec Ousmer. » Et Krim connaît Ousmer. Un des caïds kabyles. Celui-là il faudra un jour l'amener à aider le Front.
            «Alors il faut y aller à fond, décide Krim. Qu'est-ce qu'on risque? Acceptons et jouons le jeu! Il faut que nous fournissions nous-mêmes aux Français les hommes sûrs dont ils ont besoin.»
            Les troupes du leader kabyle sont de trois sortes. D'abord, les maquisards qui sont dans la clandestinité complète. Ensuite, les moussbilin, des sympathisants sûrs qui restent dans les villes et les villages, vaquant à leurs occupations mais qui fournissent refuges, caches et vivres aux maquisards et s'occupent des collectes de fonds. Enfin, les agents de liaison qui font la navette entre les différents maquis, les villes et les villages. Des hommes fiers et subtils, particulièrement sûrs et qui savent raconter des histoires qui «tiennent debout» en cas de contrôles militaires et policiers. Des hommes aux nerfs d'acier. C'est parmi eux que Krim va sélectionner les «troupes» de Hachiche.
            Quinze homme sont sélectionnés. Zaïded donne leurs noms à Hachiche, qui veut tout connaître d'eux : leur situation et même les numéros de leurs cartes d'identité. «Il faut que je remette tout cela à l'état-major secret d'Alger, confie Hachiche à Zaïded. L'inspecteur Ousmer ainsi que des civils et des militaires du cabinet Soustelle en font partie.» L'affaire « Oiseau bleu » est lancée.
            Ce n’est pas parce qu’on a des idées fondées sur la religion qu’on est terroriste, et ce n’est pas parce qu’on se prétend moderniste ou démocrate qu’on ne l’est pas. Mahiou FFS assassiné le 4/11/1994

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            • #7
              suite

              Il faut attendre. Les quinze hommes ont été prévenus du double jeu qu'ils vont mener. La moindre erreur leur serait fatale. Il faudra jouer serré. Hachiche les voit personnellement à son retour d'Alger. Il est satisfait du travail de Zaïded.

              « C'est toi qui sur place es chargé de l'affaire sous mon contrôle, annonce-t-il à Zaïded. C'est le départ d'un véritable mouvement clandestin que nous lançons. Je dois te dire que le grand état-major à Paris n'est pas au courant. A nous deux on peut réussir une affaire énorme !
              - Je t'ai déjà fourni quinze hommes, répond Zaïded, mais les moyens ?
              - Ils arrivent. Ne t'impatiente pas, ils arrivent. Et tu auras une bonne surprise. »
              La bonne surprise arrive le surlendemain. Zaïded reçoit à son restaurant la première livraison. Le transport ne se fait pas à bord d'un camion militaire qui serait trop voyant aux regards de la population et d'éventuels guetteurs du F.L.N. mais par une camionette qui distribuent l'Écho d'Alger! Zaïded reçoit des garants, des mousquetons, des mitraillettes. De quoi équiper de pied en cap une trentaine d'hommes. Les armes sont neuves. Dans leur emballage d'origine. Avec de la graisse en pagaille sur les culasses et le long des canons. Un gros paquet est Joint aux caisses. Deux millions en billets de 5 000! Zaïded distribue les armes, les munitions, l'argent, aux hommes du F.L.N. Hachiche ravi, ses chefs, dit-il, il faut continuer le recrutement.

              Les pseudo-membres de l'armée secrète doivent monter des opérations de nuit contre les fellaghas de Krim car il faut bien fournir quelques résultats! Alors on monte des embuscades bidons en accord avec le chef kabyle. On échange des coups de feu soigneusement tirés en l'air pour que le bruit des accrochages parvienne aux oreilles des sentinelles des postes militaires de la région. Les hommes de Hachiche brûlent beaucoup de cartouches. Il s'en tire en réalité beaucoup moins. La différence passe directemeez à Krim. Lorsque se développe le mouvement, des armes de guerre sont données aux maquis, en attendant que toute l'armée secrète, la force K comme on l'appelle maintenant à Alger, regagne en bloc les rangs de l'A.L.N. Mais de temps en temps, il faut laisser quelques morts sur le terrain pour «faire vrai» ; les rebelles emportent toujours leurs blessés. Ce sont les prisonniers M.N.A. des «troupes» de Bellounis qui vont faire les frais de la mise en scène «réaliste». On a abandonné ainsi quelques cadavres de M.N.A. fraîchement tués. Des hommes originaires de régions éloignées pour qu'aucun villageois kabyle ne puisse les reconnaître lorsqu'on expose leurs cadavres sur la place du village.

              Car maintenant l'opération « force K-Oiseau bleu » est grandiose. Plus de six cents hommes sont armés, équipés. C'est le succès en Kabylie. Au Gouvernement général évoque même le «dernier quart d'heure». En effet, Krim, qui s'occupe de plus en plus d'Alger, a suspendu toute opération dans sa zone. Chez Amirouche, en basse Kabylie, on se bat, dans l'Aurès, on se bat, dans l'Algérois, on se bat. En Grande Kabylie rien. A part quelques poteaux sciés et quelques «traîtres» abattus. L'opération armée secrète marche à fond. Cela marche tellement bien qu'un certain sentiment de suspicion saisit les compagnons de Krim Belkacem.

              Abane et Ouamrane trouvent cela bizarre. Krim a beau raconter son histoire avec preuves à l'appui, cela semble curieux. Car l'armée française ne fait aucun ratissage dans les zones et les villages « contrôlés » par l'armée secrète. Si d'aventure une patrouille passe par un de ces secteurs, les hommes de Zaïded ont des papiers accompagnés d'un numéro secret à fournir au commandant de l'opération. Et très vite l'opération est interrompue pour « ne pas entraver la marche et le travail de l'organisation clandestine » A Azazga, Port-Gueydon, Tizi et une partie de la région de Michelet sont tenus par les 1 500 hommes de l'armée secrète. Car ils sont maintenant 1 500, armés d'une façon ultra-moderne. Aux mousquetons des débuts ont succédé garants, MAT 49 et même fusils-mitrailleurs. Les résultats sont probants pour Alger. Les «partisans» abattent de temps en temps un «F.L.N.» (en réalité un messaliste) et surtout en Grande Kabylie, c'est la paix! Pas un vrai combat !
              Ce n’est pas parce qu’on a des idées fondées sur la religion qu’on est terroriste, et ce n’est pas parce qu’on se prétend moderniste ou démocrate qu’on ne l’est pas. Mahiou FFS assassiné le 4/11/1994

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              • #8
                Suite

                !
                Krim a placé auprès de Zaïded un des hommes en qui il a le plus confiance. Il s'agit de Makhlouf Mohamed, d'Aït-Ouanèche. C'est lui qui a le contact direct avec les Français. C'est lui qui réclame des armes, des munitions surtout. Car tout se fait maintenant sur une grande échelle. C'est un commandant de la zone militaire de Tizi qui, à bord de sa 203, apportera lui-même avec deux hommes « en mission secrète » des boîtes de cartouches. Il dépose les colis à la porte même d'une maison isolée d'Aït-Ouanèche où se trouve Krim Belkacem, qui le verra empiler les caisses au bord du chemin. C'est une mission « top secret ». L'état-major de Paris ne sait rien.
                Zaïded est maintenant chargé de savoir si Hachiche ne voudrait pas établir une liaison avec les messalistes de Bellounis. La réponse de Hachiche apporte la confirmation que désiraient les chefs F.L.N. : «Ne vous occupez pas de Bellounis, il travaille en liaison avec le commissaire Gonzalès.» Ce que l'aventure extraordinaire du «général» Bellounis confirmera au-delà de toute imagination.
                Zaïded recueille d'autres confidences de Hachiche qui, devant le succès de l'opération, se prend pour un chef de guerre. Il pense, confie-t-il sous le sceau du secret à Zaïded, pouvoir dans quelque temps se retourner contre ses anciens alliés et discuter à son propre compte. Car le Gouvernement général, séduit par les résultats obtenus, serait prêt à étendre l'expérience à toute l'Algérie! Hachiche ne se sent plus d'orgueil, d'ambition. Il se voit déjà, retournant ses troupes contre les Français, discuter d'une possible indépendance! Quelques mois plus tard, Bellounis éprouvera lui aussi la même tentation.
                Mais l'affaire va se gâter. Sur deux plans. D'abord du côté F.L.N. En août 1956, c'est le congrès de la Soummam ou Krim est sommé par ses compagnons de «récupérer» ses troupes et de lancer la Grande Kabylie dans le combat à outrance. L'affaire pourrait mal tourner.
                En suite du côté français, on commence a avoir des soupçons sur cette minifique force K! Le remarquable commandant de la Z.O.K. (zone opérationnelle de Kabylie), le général Olié, est plein de méfiance devant cette opération des Services spéciaux. Il veut contrôler directement la force K. Pour cela, on Choisit un spécialiste des renseignements : le capitaine Hentic.
                Spécialiste du noyautage de maquis en Indochine, Hentic «goûte» du Kabyle. Il fait connaissance des commandos force K. Il a des doutes sans être certain de rien.

                Hentic a analysé la situation. Si vraiment c'est un coup fourré, la bagarre va être terrible: éliminer 1 500 hommes équipés et entraînés comme les meilleurs éléments de l'armée française, et connaissant parfaitement le terrain, ce ne sera pas du gâteau.
                Il faut accrocher à tout prix pense Hentic. La première nuit les hommes descendent trois maquisards en armes sur lesquels ils sont tombés par hasard. Deuxième nuit: rien. Le vide. Troisième nuit, ils arrivent dans une zone où leurs «amis» force K devraient se trouver. Pourtant les hommes du 11e « choc » se font « allumer ». Pas de dégâts. Ils contactent les forces K. «Oui, disent les Kabyles de Zaïded, il y a une petite bande de fells dans le coin.»
                Une petite bande! Le commando se fait accrocher de toutes parts.
                Le message est envoyé: « Sommes accrochés à plusieurs reprises. Région prétendument pacifiée entièrement aux mains des rebelles puissamment armés. On nous tire au F.M. »
                - Pourquoi tirez-vous au F.M. dans cette région?
                - Mais on ne tire pas. Ce sont les fells en face qui nous arrosent
                - Pas possible. Il n'y en a presque plus et ils n'ont pas de F.M.
                - Eh ! viens y voir, Ducon! » L'état-major du 11e intervient.
                « Ça suffit. Essayez d'obtenir confirmation de ce que vous avancez et prévenez immédiatement Hentic et la 25e division alpine. »
                Le lieutenant monte deux autres embuscades. Mêmes résultats. Plus de doute, la région est tenue par le F.L.N.! Retour immédiat.
                Et Hentic croit vivre un cauchemar. Les militaires classiques ne le croient pas. Tous les rapports concordent: la région est débarrassée des fellaghas. En outre, il est impossible que le F.L.N., s'il y en avait encore, soit armé de fusils mitrailleurs. Hentic et son commando sont mis à l'écart de l'opération. Ils font des opérations héliportées parfaitement étrangères à l'opération K. Ils sont éjectés. Pas pour longtemps. Fin août, on les rappelle d'urgence :
                « Filez sur la route d'Azazga. Le 151e d'infanterie est tombé dans une embuscade.
                - Alors il y aurait à nouveau des fells ? ironise Hentic.
                - C'est peut-être les commandos K!»
                L'armée n'est plus très sûre de ses commandos kabyles, qui maintenant sont sans cesse en opération dans le djebel! Les hommes du 11e «choc» arrivent à la rescousse. Ils tombent sur le 151e. Dans quel état ! Ils trouvent l'armée dans ce qu'elle a de plus horrible. L'armée dépassée, sans chef, sans réflexes! Trente-cinq hommes sont au tapis. L'embuscade a parfaitement réussi. C'est un sergent-chef qui a sauvé le reste de la troupe. Trente-cinq morts! Les survivants sont démoralisés, tournent en rond. Sur place, le commando Hentic trouve quantité de douilles de mousquetons.
                «Du mousqueton, ça ne vous rappelle rien ?»
                Eh bien, malgré les trente-cinq morts, ça ne rappelle rien du tout: « C'est impossible que nos Kabyles aient déserté. »
                Et les forces K font plus fort, ils se proposent de passer devant. Ils se font donner des armes supplémentaires, des cartouches et des fusées blanches.
                « Dès qu'on les repère, on tire la fusée blanche et vous arrivez. »
                On attend. Les chasseurs alpins sont excités. On les tient. La fusée blanche. En avant.
                Et ayant soigneusement monté leur embuscade les hommes de la force K ajustent les petits chasseurs qui, confiants, tombent dans le piège. Quarante morts! Et pendant ce temps, le commando Hentic est à Tigzirt sans rien faire. Sur l'ordre de la 25e division alpine!
                C'est la fin des commandos K. Krim a donné à ses hommes l'ordre de regagner en bloc les rangs de l'A.L.N. officielle. La décision a été prise au congrès de la Soummam. Les forces K prennent le maquis dans la forêt de Tamgout au moment où la 25e division alpine allaient les équiper de mortiers! Avant de disparaître Zaïded et ses hommes révèlent la supercherie à Hachiche et le suppriment de trois balles dans la poitrine.
                Les masques sont jetés, L'opération Oiseau bleu est fini.
                Ce n’est pas parce qu’on a des idées fondées sur la religion qu’on est terroriste, et ce n’est pas parce qu’on se prétend moderniste ou démocrate qu’on ne l’est pas. Mahiou FFS assassiné le 4/11/1994

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                • #9
                  Khally

                  des nouvelles d ousmer

                  notre ami avucuc semblait detenir des infos de premieres mains
                  The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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                  • #10
                    Les iflissen et l'opération «oiseau bleu»‎

                    ...

                    En novembre 1955 le territoire et les hommes des Iflissen, les Ait Zouaou tout ‎particulièrement, se trouvèrent impliqués comme théâtre et acteurs d'une ‎opération où s'affrontèrent politiques, services secrets, soldats français et ‎combattants algériens, et dont l'objectif de géostratégie et d'ethno-politique ‎devait se solder par un spectaculaire retournement. Cette opération a reçu le ‎nom de code «Oiseau bleu». Il semble bien que l'exécution en ait été engagée par ‎la D.S.T., chargée de guetter l'occasion favorable pour tenter une manœuvre ‎d'intoxication. En Kabylie, elle aurait eu, pensait-on, de grandes chances de ‎succès et devait permettre de briser des maquis dont le développement ‎commençait à donner quelque inquiétude.‎
                    Un inspecteur de la D.S.T., d'origine kabyle, Ousmeur, se trouva à cette époque,‎en position de rendre service à un autre kabyle de ses connaissances, dans une « affaire de mœurs» m'a-t-on dit. Cet homme, Tahar Achiche, personnage ‎difficile à cerner et controversé, offrait l'avantage d'être débiteur de ‎l'inspecteur qui le cautionnait, et de disposer de relations dans la région ‎d'Azagza, dans les milieux supposés susceptibles de ralliement à la France, voire ‎même de s'opposer au jeune F.L.N.. Le but avoué était la constitution d'un ‎maquis rival du F.L.N. susceptible de déconsidérer celui-ci dans la région et de ‎susciter des ralliements. Il semble que l'affaire, bien enclenchée par la D.S.T., ‎soit ensuite passée sous le contrôle des services spéciaux de l'armée.‎
                    Les recrutements vont bon train dans le courant de 1956, en même temps que les livraisons d'armes, de munitions, de fonds. L'opération paraît être un ‎succès.‎

                    C'est une période de grande tranquillité pour toute cette région de la Kabylie maritime et du haut Sebaou. L'armée française laisse les mains libres à cette ‎nouvelle «organisation» clandestine et en protège les membres. De temps à ‎autre les cadavres de «saboteurs» qui attestent de la loyauté des nouvelles ‎recrues sont livrés à l'autorité française. Chacun des engagements de cette ‎‎«force K» est suivie d'une nouvelle distribution de caisses de munitions et ‎d'argent.‎ Une dernière «cérémonie de ralliement» aurait eu lieu pendant l'été 1956 (le‎ 16 septembre, m'a affirmé un témoin), en présence du général Olié, du ‎capitaine Paris, du capitaine Montblanc commandant le secteur des Iflissen, et, ‎d'après le témoignage d'un militaire français, de l'ethnologue Jean Sender. ‎Après un méchoui, des armes sont solennellement remises aux «responsables de ‎secteur» de cette milice que l'on ceint alors, symbole évident de leur ‎ralliement, d'une écharpe tricolore (selon des témoignages locaux). Le théâtre ‎choisi pour cette manifestation aurait été Agouni Gourhane, là où la route ‎moderne de Tizi Ouzou à Dellys (par Makouda et Tigzirt) franchit la ligne de ‎crêtes de la chaîne côtiêre, sur le territoire des Ait Ouaguennoun, les voisins ‎immédiats des Iflissen.‎ A cette date 850 armes, mousquetons surtout mais aussi fusils Garant et ‎pistolets mitrailleurs, une grande quantité de munitions, des jumelles et 84 ‎millions de francs avaient été distribués et l'on aurait songé à doter cette ‎force de mortiers.‎

                    Mais qui étaient ces soi-disant «ralliés»? Parmi eux, (mais oui bien sûr!), de nombreux Iflissen : ils furent 113 à être embauchés dans cette aventure dont ‎‎30 de Taourirt n'ait Zouaou et Ighil Boussouil et 39 pour le seul village d'Iguer ‎n'Salem.‎

                    Le capitaine de parachutistes Hentic, du « 1 Ie choc», ancien de la guerre ‎d'Indochine, et l'ethnologue J. Sender auraient émis les premiers soupçons ‎quant à la «loyauté» des recrues d'« Oiseau bleu». Soupçons qui auraient été ‎fondés, pour J. Sender, sur le fait que «les hommes des commandos K ne sont ‎pas du tout originaires des douars qui, d'après eux, les ont vu naître» (Courrière ‎‎1969 : 258), affirmation reprise par Horne (1980 : 266). Or j'ai pu contrôler ‎personnellement les identités des participants Iflissen : ils étaient bien tous ‎habitants des villages qu'ils donnaient comme domicile. Des erreurs mineures, ‎sur un tract du F.L.N., estropient quelques patronymes, des noms de villages et ‎leurs attributions à des circonscriptions communales; elles sont aisément ‎rectifiables. Ainsi Omar Toumi d'Iguer n'Salem (Iflissen) est inscrit : «Retoumi ‎Amar, Iguersafène (Port Gueydon)» (qui reçoit une mitraillette).‎

                    Le plus étonnant est que ces hommes n'avaient pas hésité à fournir leur ‎véritable identité exposant dangereusement leurs familles et leurs villages aux ‎représailles. Car l'affaire avait été, en fait, utilisée par le F.L.N.. Ahmed Zaïded, ‎le restaurateur d'Azazga à qui Tahar Achiche s'était adressé, avait, certes, ‎appartenu au M.L.T.D., avec Amar Ouamrane, mais il était devenu militant ‎F.L.N., toujours aux côtés du même Ouamrane qui fut responsable de la Kabylie ‎avec Krim Belkassem avant de commander l'Algérois à dater de l'été 1955. De ‎sorte que, dès le début, Krim Belkassem, alors commandant de la région de ‎Kabylie, avait donné son accord à condition que l'opération soit contrôlée et ‎dirigée par le responsable du F.L.N. pour le secteur d'Azazga, Mohamed ‎Yazouren : propriétaire d'une petite entreprise de mécanique à Azazga, il ‎deviendra, dans l'A.L.N., le colonel Si Said, plus connu localement sous le surnom ‎de «Vreruch» (son propre fils participa à l'opération et y fut tué). M. Yazouren ‎désigna donc lui-même les agents recruteurs parmi ses hommes de confiance.

                    ‎Aux Iflissen, ce fut Omar Toumi (1/4/14-1958) ancien cantonnier, revenu au ‎village paternel d'Iguer n'Salem, après avoir passé son enfance loin des villages, ‎qualifié de «bon militant» par son chef M. Yazouren. Il commença à recruter ‎parmi les hommes que l'on appelait déjà imsebblen «volontaires», «agents de ‎liaison», hommes restés dans les villages d'où ils renseignaient et ravitaillaient ‎les maquis. Mais les hommes des Iflissen posèrent leurs conditions : la tête de ‎leur caïd Ait Abdallah d'Ifalkane et celle de leur chambet « garde champêtre» : ‎Baouche de Tizi-Temlalt (à l'ouest des Iflissen). Il y eut ceux-ci aux Iflissen, il y eut aussi l'agha Buglil des Agribs, d'autres encore. Les soi-‎disant «saboteurs» qui furent livrés aux autorités françaises étaient en fait des ‎‎«traîtres» au F.L.N., tués à l'aide de fusils de chasse et transportés dans une ‎autre région afin de ne pas être reconnus. Il est possible que le capitaine Hentic ‎et/ou J. Servier aient craint que le résultat de cette opération ne soit à ‎l'opposé des intentions politiques qui avaient suscité son lancement. Il n'en reste ‎pas moins qu'aux Iflissen tout particulièrement l'initiative de sa conclusion est ‎revenue au F.L.N.

                    Le 30 septembre 1956 une embuscade fut tendue par les ‎hommes d'Omar Toumi, près de son village d'Iguer n'Salem, à des éléments de ‎l'armée appelés en renfort par le signal convenu (une fusée blanche) en cas de ‎présence ou d'attaque des «rebelles». La bataille fut meurtrière. Après cet ‎engagement révélateur, les nouveaux membres de l'A.L.N. «sortirent» (telle est ‎l'expression locale) véritablement des villages pour rejoindre, par delà l'irhzer ‎Guizetzou, les hauteurs boisées qui forment la partie nord de la longue serre ‎des Ait Jennad qui ferme, à l'est, le territoire des Iflissen. Là était Agouni ‎Zidoud «le plateau des palombes» Conscients d'avoir été trompés et ne pouvant ‎laisser impunie cette «trahison» qui renforçait la «rebellion», les officiers de ‎l'armée française mobilisèrent toutes les troupes disponibles sur place et, avec ‎le concours des paras du fameux 1 Ie choc, le renfort du 3e R.P.C. de Bigeard, ‎et aussi le Ie R.P.C., la 25e division alpine, etc., une offensive en règle fut ‎déclenchée non seulement sur terre, par pilonnages d'artillerie, mais aussi par ‎des bombardements aériens et maritimes. Auparavant,le village d'Iguer ‎n'Salem, celui d'Omar Toumi, à proximité immédiate de l'embuscade, eut le ‎triste privilège d'être un des premiers de toute la région à être brûlé et rasé. ‎On compta beaucoup de morts de part et d'autre, au moins 130 côté F.L.N.,aux ‎dires de témoins locaux, peut-être davantage encore dans les rangs français?‎

                    Le F.L.N. publia, dès le début d'octobre 1956, un tract de trois feuillets recto-‎verso qui, sous l'intitulé : «Le peuple français comprendra-t-il enfin que ses ‎gouvernants le mènent à l'abîme» dénonce toute l'affaire et donne la liste ‎nominative de 264 «patriotes armés», avec, pour chacun, le type d'arme ‎attribué, et le groupe de recrutement.‎

                    A dater d'octobre 1956, ce fut, dans cette région, la guerre généralisée avec ‎‎«ratissages», napalm, zones interdites, regroupements. La plus grande partie du ‎territoire des Ait Zouaou devint ainsi «territoire de chasse» pour des ‎‎«commandos de chasse». En 1970, il restait aux Iflissen, 10 combattants ‎‎(moudjahidin) vivants, alors que l'on avait recensé 720 membres de l'A.L.N., ‎combattants et auxiliaires, dont 41 femmes. A cette même date et pour cette ‎même et seule A.P.C. (commune) de 6 000 habitants, il y avait 900 pensions de ‎veuves.‎


                    ...
                    D'après Camille Lacoste-Dujardin
                    Dernière modification par Pangeen, 30 mars 2013, 13h27.

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