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Pétrole et gaz, la bascule vers l’Asie

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  • Pétrole et gaz, la bascule vers l’Asie

    « L’Irak jouera dans les prochaines années un rôle pivot sur les marchés pétroliers ».

    Tim Gould, analyste à l’Agence internationale de l’énergie

    Vendredi 22 mars au Centre d’études et de recherches internationales de Sciences-Po



    « En 2035, 90 % des exportations de pétrole du Moyen Orient iront vers l’Asie, notamment le Japon, la Corée du sud, la Chine, l’Inde. Il s’agira d’une réorientation majeure des flux commerciaux «

    Tim Gould a une solide expérience du monde pétrolier. Dans les années 1990, il a beaucoup travaillé dans ce secteur en Russie et en Ukraine. Depuis cinq ans, il participe aux travaux de l’Agence internationale de l’énergie, une institution autonome de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). De passage à Paris, il a rappelé vendredi 22 mars devant des étudiants et des chercheurs les principales conclusions du World energy outlook 2012, l’analyse prospective que réalise chaque année l’AIE.



    « L’Irak pourrait doubler sa production d’ici 2020″

    Dix ans après l’invasion anglo-américaine de l’Irak, ce pays « pourrait doubler sa production de pétrole d’ici à 2020 et devenir en 2030 le deuxième exportateur mondial de brut« , a souligné Tim Gould. Toujours marqué par 25 ans de guerre, d’embargo, de destructions et de terrorisme, il pourrait rapidement retrouver une position de force sur l’échiquier énergétique mondial, alors que les exportations iraniennes de brut sont au plus bas du fait des sanctions américaines et européennes et que l’Arabie saoudite a du mal à soutenir son niveau d’exportation.

    « Des champs supergéants au sud de l’Irak »

    « Les difficultés sont nombreuses« , ajoute toutefois l’expert. « Le plus gros potentiel se trouve dans les champs supergéants du sud du pays, dans la région de Bassorah, où l’environnement politique n’est pas simple. En outre, il faut beaucoup d’eau pour exploiter un gisement. Or les aquifères ne sont pas suffisants. Il faudra donc acheminer de l’eau depuis le golfe persique ce qui représentera un investissement important« .

    « De vives discussions entre Bagdad et Erbil »

    « Il y a aussi des champs au nord, dans le Kurdistan, délaissé économiquement au temps de Saddam Hussein« , poursuit Tim Gould. « Aujourd’hui, beaucoup de compagnies internationales y investissent. Mais il y a de vives discussions entre Bagdad et Erbil, la capitale provinciale du Kurdistan, pour savoir qui doit contrôler les exportations : est-ce au niveau fédéral ou au niveau provincial« ? Le Kurdistan est tenté d’exporter pour son propre compte, s’assurant ainsi le contrôle des recettes.

    « Partout en Irak, un même problème se pose« , ajoute l’analyste. « Il faut réparer les infrastructures existantes et il faut que les administrations et les institutions du pays aient l’expertise technique et financière suffisante pour gérer les dossiers et les contrats« .

    « Les effets des sanctions sur l’Iran vont peser durablement »

    « Pour l’Iran, en revanche, il est trop difficile de faire des projections« , explique Tim Gould. « Les scénarios dépendent trop des événements politiques. Nous pensons que le contentieux sur le programme nucléaire iranien sera résolu sur le moyen terme. Mais l’Iran ne reviendra pas rapidement à son niveau moyen. Les effets des sanctions européennes et américaines vont peser durablement sur les capacités d’extraction du pays« .

    « Les États-Unis, bientôt premier producteur mondial d’hydrocarbures »

    « Les États-Unis, en revanche, vont s’imposer comme le premier producteur mondial d’hydrocarbures« , selon le World energy outlook cité par l’expert de l’AIE. « Après un creux dans la production de pétrole et de gaz au milieu des années 2000, celle-ci est repartie à la hausse. D’ici la fin de la décennie, les États-Unis seront le plus gros producteur de pétrole du monde, devant l’Arabie saoudite, et le plus gros producteur de gaz, devant la Russie« . Un scénario tempéré par certains experts mais la tendance, elle, n’est pas contestée.

    « Vendre ou garder son gaz, c’est la question »

    « Cette situation accroit fortement l’attractivité des États-Unis pour les industries hautement consommatrices en énergie« , souligne Tim Gould. « Le pays ne devrait plus avoir besoin d’importer du pétrole ou du gaz à l’horizon 2035. Il se pose même la question d’exporter. Vendre ou garder ce gaz : il y a un important débat interne. Aujourd’hui, les États-Unis n’ont pas d’infrastructure exportatrice adéquate mais un pays comme le Japon serait très intéressé« .

    « Les prix du gaz aux États-Unis, cinq fois plus bas qu’en Asie »

    « Sur le marché du gaz, on constate une divergence forte des prix entre trois grands marchés : les États-Unis, l’Europe et l’Asie« , souligne-t-il. « À cause du développement de l’exploitation du gaz de schiste, les prix aux États-Unis sont trois fois plus bas qu’en Europe et cinq fois plus bas qu’en Asie -Pacifique. Cela devrait pousser à davantage d’interconnexions . »

    « La Chine et l’Inde, de plus en plus dépendantes des marchés mondiaux »

    « Jusqu’à présent, les pays de l’OCDE sont restés les plus gros consommateurs d’hydrocarbures« , poursuit l’expert. « Mais c’est sur le point de changer. La Chine et l’Inde vont passer devant. Ces deux pays vont être de plus en plus dépendants des marchés mondiaux. Ils seront de plus en plus soucieux de la stabilité des pays producteurs et de la sécurité des routes maritimes, notamment au détroit de Formose et au détroit de Malacca. Pour le moment, ce sont les États-Unis qui jouent le rôle de gendarme mais Pékin et New Delhi voudront sans doute développer leurs propres capacités de contrôle« .

    La tournée de Xi Jinping en Chine

    Alors que le nouveau président chinois Xi Jinping effectue actuellement une tournée d’une semaine en Afrique (Tanzanie, Afrique du sud, Congo-Brazzaville), Tim Gould rappelle que la Chine a massivement investi pour sécuriser ses approvisionnements dans des pays africains où la situation est tendue, comme le Soudan et le Tchad. « La Tanzanie et le Mozambique figure figureront dans les prochaines années parmi les nouveaux pays exportateurs« , souligne-t-il.

    « La Chine veut multiplier les prises de participation dans certains pays de l’OCDE »

    « Depuis deux ou trois ans, la Chine s’attache aussi à multiplier les prises de participation dans certains pays de l’OCDE, comme le Canada, les États-Unis et l’Australie« , rappelle-t-il. « Dans ces cas-là, c’est surtout pour accéder à des technologies de point et à de l’expertise. La Chine voudrait développer l’exploitation d’hydrocarbures dans ses régions occidentales, mais l’eau est un problème. Le pouvoir doit décider quelle part des ressources aquifères il consacre à l’énergie, au détriment d’autres secteurs comme l’agriculture ou la consommation courante« .

    « L’énergie fossile va rester dominante »

    « Sous la pression des pays émergents, la demande mondiale d’énergie va en tout continuer à augmenter fortement : + 33% entre 2010 et 2035« , prévient Tim Gould. « C’est la hausse prévue dans notre scénario central, fondé sur les politiques annoncées par les différents gouvernements. L’énergie fossile va rester dominante. Elle représente aujourd’hui 81% de la consommation totale d’énergie. En 2035, nous serons encore à 75%. Et ce alors que 1,3 milliard de personnes sont encore sans accès direct à l’électricité« .

    « L’objectif de contenir la hausse des températures à +2°C est sur le point d’être manqué »

    « Nous savons d’ores et déjà que le monde est prêt de manquer son objectif de contenir la hausse globale des températures à +2°C d’ici 2030« , ajoute l’expert. « On peut le déduire à partir des infrastructures déjà existantes, dont la durée de vie est connue, sauf accident. Les émissions futures de CO2 sont ainsi déjà inscrites – on pourrait dire stockées- dans le système de production actuel. Dès 2017, si on poursuit la tendance actuelle, il sera pratiquement acquis que l’on enregistrera la hausse de 2°C en 2025. Tout ce qui se construira après 2017 viendra pousser encore plus loin la hausse« .

    « Améliorer rapidement l’efficacité énergétique »

    « Le seul moyen d’enrayer cette évolution serait d’améliorer rapidement l’efficacité énergétique, grâce à des politiques volontaristes« , assure Tim Gould. « C’est l’option la plus utile, celle qui est la meilleure pour l’économie et qui a le plus fort impact sur les émissions de CO2. On estime que deux tiers du potentiel d’ici 2035 n’a pas été libéré. L’industrie a bien progressé, ainsi que le secteur des transports. En revanche, le secteur de l’habitation est à la traîne. Pourquoi ça bloque ? À cause du coût des travaux. Mais si l’effort était fait, on économiserait l’équivalent de la production de pétrole de l’Arabie saoudite! »
    POSTÉ PAR JEAN-CHRISTOPHE PLOQUIN
    LACROIX
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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