Riadh Sidaoui, directeur du Centre arabe de recherches et d'analyses politiques et sociales :
«La Syrie est le théâtre d'une guerre économique mondiale»
Le journaliste, écrivain et politologue suisso-tunisien Riadh Sidaoui est le fondateur et directeur du Centre arabe de recherches et d'analyses politiques et sociales basé à Genève. Il est également rédacteur en chef de la revue Progressiste. Dans cet entretien, il décortique la crise en Syrie, théâtre de la guerre économique mondiale entre les puissances économiques occidentale et les économies émergentes et explique l'appui américain aux islamistes dans ce qu'on appelle le printemps arabe.
Le Temps d'Algérie : La Ligue arabe vient d'octroyer un siège permanent à l'opposition syrienne. Comment interprétez-vous
ce geste ?
Riadh Sidaoui : Sur le plan interne, nous constatons aujourd'hui que la Ligue arabe est l'otage de certains pays qui se sont octroyés la mission de propager la démocratie dans les pays arabes, alors qu'ils se trouvent être les pires dictatures. Les deux pays à la tête de la Ligue arabe que sont le Qatar et l'Arabie saoudite sont dépourvus de toute vie démocratique et sont en rupture totale avec les principes de démocratie, à savoir une tradition électorale, une vie syndicale, l'exercice des libertés d'expression et de pensée…
C'est ce qu'on appelle en sciences politiques des dictatures absolues. Sur le plan externe, la politique de la ligue arabe répond parfaitement aux intérêts des Etats-Unis. Le Qatar et l'Arabie saoudite sont les principaux alliés des Américains dans la région et ont, de tout temps, aidé les Américains à appliquer leur agenda. L'Arabie saoudite a financé les contrats (les éléments de la contre-révolution) en Amérique latine pour le compte de la CIA.
Cette dernière a besoin d'un budget énorme pour financer tous ses projets et a pu compter sur l'aide de son allié saoudien. C'est une situation surréaliste que de voir un tel acharnement de dictatures absolues en soutien à une opposition. Un acharnement qui a abouti, puisque les voix de l'Algérie et de l'Irak, qui ont émis des réserves, ou du Liban qui s'est abstenu sur la question ont été très minoritaires et sans impact.
Comment expliquer la position algérienne ?
La position algérienne est le résultat de l'héritage de la révolution algérienne. L'Algérie a adopté, depuis son indépendance, des positions en faveur du «fraternisme» arabe et sa politique insiste beaucoup sur la souveraineté des Etats et s'oppose donc à l'ingérence et aux interventions étrangères.
Cette position traduit-elle une prise de conscience par les autorités algériennes des réalités du «printemps arabe» ?
Beaucoup la disent elle-même menacée par cette vague de déstabilisation. C'est surtout le résultat de la culture de la révolution et une tradition issue du boumediénisme qui était très proche des mouvements nassérien et baâthiste. L'on s'est rendu compte que l’on était en face d'un mouvement mondial pour l'hégémonie américaine. Ce mouvement déploie tous les moyens possibles et se sert de tous ses outils, notamment de la Ligue arabe.
Il y a eu des tentatives de déstabilisation de l'Algérie par ces mêmes pays qui sont aujourd'hui à la tête de la Ligue. Outre un financement des groupes terroristes du GIA, ces pays ont procédé à un matraquage médiatique en faveur des groupes terroristes, notamment grâce aux grands titres de la presse comme Al Hayat et Charq El Awsat. Mais le rôle de l'armée algérienne a été déterminant dans cette tentative de déstabilisation du pouvoir algérien et de l'installation des islamistes au pouvoir.
Pourquoi cette propulsion des islamistes au pouvoir dans les pays arabes ?
Les clivages «progressiste» – à savoir la gauche arabe représentée par le boumediénisme (Algérie), le nassérisme (Egypte) et le baâthisme (Irak et Syrie) – et le clivage réactionnaire des monarchies du Golfe ne peuvent pas cohabiter.
Après le rayonnement du clivage progressiste, malgré ce qu'on peut lui reprocher, on assiste aujourd'hui à la revanche des réactionnaires arabes sur tout ce qui est progressiste ou qui peut être démocratique, grâce notamment à une hégémonie sur le champ médiatique arabe.
La crise syrienne, comme ce qu'on appelle le «printemps arabe», est donc un retour en force de la réaction arabe
Il y a un dynamisme interne au sein du peuple syrien en faveur de l'établissement d'un modèle démocratique solide, loin du modèle qatari ou saoudien. On ne peut pas le nier. Cependant, ce n'est nullement la transition démocratique qui est le but de l'acharnement diplomatique des têtes de la Ligue en faveur de l'actuelle opposition syrienne. Les forces étrangères, à leur tête le Qatar et l'Arabie saoudite, ont accordé pas moins de 20 milliards de dollars d'aide à l'opposition. Si on avait voulu aider le peuple syrien, cette somme aurait pu être investie dans la création de l'emploi et l'aide à la population.
Mais l'on vise la destruction de l'Etat syrien. C'est le baâthisme syrien qui est visé, comme l'a été le baâthisme irakien et le nassérisme égyptien. Ce sont ces modèles, malgré tout ce qu'on peut leur reprocher, qui sont visés afin de les détruire. On assiste cependant à une résistance interne et même externe face aux attaques étrangères émanant notamment de Turquie et du Liban malgré sa position officielle plus neutre. Les intérêts des puissances économiques mondiales se confondent et elles essaient, toutes, à travers leurs alliés, de défendre leurs intérêts.
«La Syrie est le théâtre d'une guerre économique mondiale»
Le journaliste, écrivain et politologue suisso-tunisien Riadh Sidaoui est le fondateur et directeur du Centre arabe de recherches et d'analyses politiques et sociales basé à Genève. Il est également rédacteur en chef de la revue Progressiste. Dans cet entretien, il décortique la crise en Syrie, théâtre de la guerre économique mondiale entre les puissances économiques occidentale et les économies émergentes et explique l'appui américain aux islamistes dans ce qu'on appelle le printemps arabe.
Le Temps d'Algérie : La Ligue arabe vient d'octroyer un siège permanent à l'opposition syrienne. Comment interprétez-vous
ce geste ?
Riadh Sidaoui : Sur le plan interne, nous constatons aujourd'hui que la Ligue arabe est l'otage de certains pays qui se sont octroyés la mission de propager la démocratie dans les pays arabes, alors qu'ils se trouvent être les pires dictatures. Les deux pays à la tête de la Ligue arabe que sont le Qatar et l'Arabie saoudite sont dépourvus de toute vie démocratique et sont en rupture totale avec les principes de démocratie, à savoir une tradition électorale, une vie syndicale, l'exercice des libertés d'expression et de pensée…
C'est ce qu'on appelle en sciences politiques des dictatures absolues. Sur le plan externe, la politique de la ligue arabe répond parfaitement aux intérêts des Etats-Unis. Le Qatar et l'Arabie saoudite sont les principaux alliés des Américains dans la région et ont, de tout temps, aidé les Américains à appliquer leur agenda. L'Arabie saoudite a financé les contrats (les éléments de la contre-révolution) en Amérique latine pour le compte de la CIA.
Cette dernière a besoin d'un budget énorme pour financer tous ses projets et a pu compter sur l'aide de son allié saoudien. C'est une situation surréaliste que de voir un tel acharnement de dictatures absolues en soutien à une opposition. Un acharnement qui a abouti, puisque les voix de l'Algérie et de l'Irak, qui ont émis des réserves, ou du Liban qui s'est abstenu sur la question ont été très minoritaires et sans impact.
Comment expliquer la position algérienne ?
La position algérienne est le résultat de l'héritage de la révolution algérienne. L'Algérie a adopté, depuis son indépendance, des positions en faveur du «fraternisme» arabe et sa politique insiste beaucoup sur la souveraineté des Etats et s'oppose donc à l'ingérence et aux interventions étrangères.
Cette position traduit-elle une prise de conscience par les autorités algériennes des réalités du «printemps arabe» ?
Beaucoup la disent elle-même menacée par cette vague de déstabilisation. C'est surtout le résultat de la culture de la révolution et une tradition issue du boumediénisme qui était très proche des mouvements nassérien et baâthiste. L'on s'est rendu compte que l’on était en face d'un mouvement mondial pour l'hégémonie américaine. Ce mouvement déploie tous les moyens possibles et se sert de tous ses outils, notamment de la Ligue arabe.
Il y a eu des tentatives de déstabilisation de l'Algérie par ces mêmes pays qui sont aujourd'hui à la tête de la Ligue. Outre un financement des groupes terroristes du GIA, ces pays ont procédé à un matraquage médiatique en faveur des groupes terroristes, notamment grâce aux grands titres de la presse comme Al Hayat et Charq El Awsat. Mais le rôle de l'armée algérienne a été déterminant dans cette tentative de déstabilisation du pouvoir algérien et de l'installation des islamistes au pouvoir.
Pourquoi cette propulsion des islamistes au pouvoir dans les pays arabes ?
Les clivages «progressiste» – à savoir la gauche arabe représentée par le boumediénisme (Algérie), le nassérisme (Egypte) et le baâthisme (Irak et Syrie) – et le clivage réactionnaire des monarchies du Golfe ne peuvent pas cohabiter.
Après le rayonnement du clivage progressiste, malgré ce qu'on peut lui reprocher, on assiste aujourd'hui à la revanche des réactionnaires arabes sur tout ce qui est progressiste ou qui peut être démocratique, grâce notamment à une hégémonie sur le champ médiatique arabe.
La crise syrienne, comme ce qu'on appelle le «printemps arabe», est donc un retour en force de la réaction arabe
Il y a un dynamisme interne au sein du peuple syrien en faveur de l'établissement d'un modèle démocratique solide, loin du modèle qatari ou saoudien. On ne peut pas le nier. Cependant, ce n'est nullement la transition démocratique qui est le but de l'acharnement diplomatique des têtes de la Ligue en faveur de l'actuelle opposition syrienne. Les forces étrangères, à leur tête le Qatar et l'Arabie saoudite, ont accordé pas moins de 20 milliards de dollars d'aide à l'opposition. Si on avait voulu aider le peuple syrien, cette somme aurait pu être investie dans la création de l'emploi et l'aide à la population.
Mais l'on vise la destruction de l'Etat syrien. C'est le baâthisme syrien qui est visé, comme l'a été le baâthisme irakien et le nassérisme égyptien. Ce sont ces modèles, malgré tout ce qu'on peut leur reprocher, qui sont visés afin de les détruire. On assiste cependant à une résistance interne et même externe face aux attaques étrangères émanant notamment de Turquie et du Liban malgré sa position officielle plus neutre. Les intérêts des puissances économiques mondiales se confondent et elles essaient, toutes, à travers leurs alliés, de défendre leurs intérêts.
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