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Cheikh Al Bouti: un érudit hors du commun

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  • Cheikh Al Bouti: un érudit hors du commun

    Al BOUTI : L'homme qu'il fallait abattre
    par Mourad Benachenhou

    La tragédie que vit actuellement le peuple syrien ne peut laisser nul d'entre nous indifférent, quoi que nous soyons réduits au rôle de spectateurs impuissants devant les actes de barbarie commis quotidiennement dans cette guerre civile, dont les tenants et les aboutissants n'ont rien à voir avec les intérêts de ceux qui sont directement engagés sur le terrain de ce vaste champ de la mort qu'est devenue la Syrie.

    Chacun des morts qui tombent sur ce champ ne représente qu'une unité abstraite qui s'additionne à d'autres unités pour donner les statistiques macabres diffusées à travers les médias internationaux.

    Et pourtant, derrière ces nombres se cachent des espoirs qui ne se transformeront jamais en actions, des rêves qui ne se réaliseront jamais, des idéaux qui perdent certains de leurs meilleurs défenseurs ; brefs des vies utiles brutalement interrompues alors qu'elles n'avaient pas encore donné tous leurs fruits.

    UN HOMME HORS DU COMMUN


    Parmi ces vies perdues, si précieuses que fut chacune d'entre elles, la vie de Muhammad Said Ramadan al- Bouti(1929-Jeudi 21 Mars 2013) mériterait de faire l'objet d'un développement qui dépasse évidemment le cadre d'un article de presse ; car Al Bouti fait partie de cette rare élite des hommes dont la pensée puissante et l'action diverse contribuent à changer le monde et à le rendre meilleur, même si l'on n'a pas encore pris suffisamment conscience de son apport à la revivification de l'Islam. Car les circonstances de sa mort tragique- le lieu de sa mort comme le nombre de ceux qui ont été tués avec lui- ne sont pas sans relation avec le combat qu'il a mené pendant plus d'un demi siècle pour que l'Islam affronte, sans se perdre, les défis du monde moderne.

    Al Bouti, par sa production intellectuelle est l'un des penseurs musulmans les plus originaux et les plus prolifiques de ces deux derniers siècles. A une vaste érudition qui couvrait tous les champs de la pensée islamique, il a ajouté une capacité d'analyse et de synthèse qui lui permis d'interpréter, sous un angle nouveau, les enseignements de l'Islam et de les intégrer dans une vision cohérente de cette religion, qui fait l'objet d'attaques violentes de la part de ses adversaires, qu'ils se réclament d'elle ou qu'ils la rejettent en gros et en détail.

    Al Bouti a écrit plus de 60 ouvrages qui révèlent une pensée profonde, le refus de se borner à répéter les commentaires des penseurs musulmans du passé et une érudition jamais mise à défaut, à laquelle s'ajoute le bon sens que dictent les circonstances de la vie moderne. Dans quel pays musulman les hommes de religion ne sont-ils pas contrôlés par les autorités politiques ?Les informations diffusées par la presse internationale, tous organes confondus, a surtout mis l'accent sur le fait qu'il était un des soutiens les plus fidèles du régime politique que la Syrie connait depuis 1963, et laissent croire qu'il a consacré toute sa vie et sa pensée à défendre ou à être le porte parole et l'idéologue officiel de ce régime. C'est là une présentation à la fois superficielle et malveillante de la vie de cet homme dont le seul but-et ses écrits le prouvent-a été de rappeler l'essence de l'Islam, qui n'est ni une idéologie de violence, ni une addition de rites sans signification, mais une religion qui vise à donner à l'homme une vision claire de sa place élevée dans la création divine et l'oblige à se conduire conforment à ce privilège que Dieu lui a donné parmi ses autres créations.

    UNE ERUDITION SANS FAILLE, UNE DROITURE MORALE SANS CALCULS

    Cette conception de l'Islam était fondée sur une connaissance quasi exhaustive tant du Saint Quran que de la vie du Prophète Mohammed, comme des Hadiths et des différents commentateurs du texte saint à travers les siècles, de même que des quatre écoles reconnues la Sunnah. Il ne s'est jamais agi, chez al Bouti, de se contenter de commenter les commentaires ou de reproduire les analyses faites par ses prédécesseurs, mais de revenir systématiquement aux textes et à leurs circonstances et de proposer des solutions aux problèmes de la vie moderne qui respectent les enseignements fondamentaux de l'Islam tout en permettant à l'individu de vivre sa vie de Musulman dans un contexte totalement différent de celui des siècles passé, et qui est en constant changement. Et ce n'est pas chez lui que l'on doit chercher la tentation d'utiliser et de manipuler son savoir au profit d'une cause qui est contraire à ses convictions religieuses.

    Retourner aux textes fondamentaux tout en restant ancré dans son siècle

    Il s'agissait pour al Bouti d'aller au-delà de la simple réinterprétation des obligations dictées par le texte sacré pour les adapter au monde moderne, comme l'ont fait d'autres penseurs musulmans, et de montrer qu'en fait cette gymnastique de remodelage des prescriptions n'était pas la voie à suivre pour que le Musulman soit à la fois un bon Musulman et un homme totalement intégré et à l'aise dans la société moderne et apte à prendre en charge les obligations sociales et de citoyen que cette société implique et impose.

    LE COMBAT CONTRE LE TOTALITARISME SALAFISTE

    Dans cet effort, non de rénovation, ni de modernisation de l'Islam , mais de simple enracinement des prescriptions religieuses dans un monde en mouvement, al Bouti s'est heurté à ceux qui pensent que la décadence qu'a connu le monde musulman a été provoqué par la rupture des Musulmans avec les pratiques des premiers Musulmans, et donc du Prophète et que la revivification de l'Islam passait par le retour à ses sources originales, c'est-à-dire le Quran et l'exemple du prophète tel qu'enregistré par l'histoire de sa vie.

    Ces « Salafistes » ne demandent rien d'autre que de rejeter toute l'histoire de l'islam depuis sa révélation et de ne considérer que sa phase historique initiale dont la simple reproduction assurerait le retour en force de la société musulmane sur la scène mondiale. Ces salafistes vont jusqu'à refuser les quatre écoles juridiques- Malékite, Hanafite, Hanbalite et Chafiite- et à remplacer leurs enseignements par ceux que donneraient exclusivement les théologiens ayant prouvé, par leurs enseignements, leur capacité à interpréter le texte sacré et les actes et paroles du Prophète.

    Al Bouti, qui a également traité longuement du danger que constitue le rejet des écoles de droit sunnites reconnues, consacre également tout un livre à réfuter le salafisme, dont il faut souligner qu'il se confond avec le wahabisme, et qu'il accuse de vouloir créer une nouvelle école qui se substituerait totalement aux quatre écoles sunnites actuelles.

    Dans cet ouvrage intitulé; « La salafiya, une ère bénite, historiquement limitée, pas une école islamique. » Il souligne «que les injonctions de la Charia ne sont pas toutes importantes ou permanentes, et que donc différentes interprétations peuvent en être faites. Il y a des jugements hypothétiques qui prennent en charge les transactions, les coutumes et les manières. Ces jugements sont ouverts à l'effort intellectuel -l'ijtihad.- Les désaccords fondée sur un effort intellectuel authentique concernant ces problèmes ne constituent ni un mal, ni une menace. Les salafistes doivent apprendre l'éthique de la divergence dans la jurisprudence islamique.» Al Bouti ajoute : « Nous ne voulons pas que les salafistes abandonnent leurs opinion sur l'effort intellectuel. Nous voulons seulement leurs rappeler qu'ils ne doivent pas se considérer comme les seuls représentants authentiques de l'Islam… mais nous n'excluons pas leurs opinions comme celles des autres de notre programme d'effort intellectuel que nous avons souligné ici » (1988, p. 258) Al Bouti par là combattait le totalitarisme salafiste représenté par le wahabisme, qui veut avoir le monopole exclusif de l'interprétation du Quran et éliminer toutes les écoles juridiques créées dans les deux premiers siècles de l'islam, et se donner le droit exclusif de rejeter ou d'accepter tel ou tel enseignement en provenance de l'ère qui a vu la révélation coranique.

    Comme le wahabisme est associé à un projet politique qu'il n'est pas besoin de rappeler ici, al Bouti n'a jamais fait partie de ceux dont la pensée é été diffusé par les puissants moyens de communication que les pétrodollars permettent aux dynasties wahabites de contrôler.

    LE JIHAD : UN EFFORT NON-VIOLENT POUR REPANDRE L'ISLAM

    De plus, pour ajouter à cette remise en cause, fondée sur une analyse du texte coranique comme de la Sira Nabawiya, El Bouti a donné une présentation du jihad qui n'allait pas dans le sens adopté par le wahabisme, et qui lui permettait de le manipuler au gré de ses intérêts politiques autant que matériel. Dans un traité intitulé : « le Jihad en Islam, Comment l'Interpréter et le Pratiquer »il rejette le Jihad comme moyen violent pour changer les équilibres sociaux.

    Il proclame avec force que le jihad a pour but essentiel de lutter contre les crimes qui portent préjudice au bon ordre dans la société, à savoir le brigandage, le vol et la défense de la paix civile. Il souligne que ce ne peut être un moyen de lutter contre l'incroyance et appuie avec force le respect de «l'aya» coranique qui proclame qu'il n'est pas permis d'utiliser la violence pour forcer les gens à se convertir à l'Islam.

    Il réfute le droit des « jihadistes » autoproclamé d'excommunier les dirigeants politiques ou les musulmans qui n'adhèrent pas à leur conception étroite et rétrograde de l'islam.

    Il reconnait, cependant, que le jihad était de caractère offensif au temps du Prophète, mais que cela se justifiait par la nécessité de sauvegarder l'Islam contre ses ennemis.

    Dans le temps présent, le jihad doit, selon lui, se comprendre comme la voie d'expansion de la communauté musulmane par l'appel à l'Islam fondé sur le dialogue et la persuasion douce, sans appel à la coercition , de quelque nature qu'elle soit, ou la menace d'utilisation de la violence.

    De plus, Al Bouti rappelle que le jihad dans sa conception classique est un acte collectif qui ne peut être proclamé que par une autorité étatique en vue de la défense de la communauté musulmane menacée.

    Le jihad n'est pas un acte personnel et nul n'est tenu pour comptable à titre individuel de ne pas s'engager dans le jihad qui n'est pas décidé par les autorités étatiques sous lesquelles il est placé.

    A suivre ...
    Dernière modification par absent, 28 mars 2013, 16h08.

  • #2
    Suite et fin

    Mais le jihad personnel, c'est-à-dire le comportement exemplaire que le Musulman doit adopter pour donner une bonne image de l'Islam et contribuer à son expansion est évidemment encouragé par Al Bouti.

    NE PAS UTILISER L'ISLAM POUR GAGNER LES BIENS MATERIELS ET LA PUISSANCE POLITIQUE DE CE MONDE

    On sait que le jihad est un concept qui a fait l'objet de manipulations qui n'ont rien de religieux et dont l'objectif était la prise du pouvoir par un groupe utilisant la violence totale pour arriver à ses fins.

    Al Bouti rejette de manière in-ambigüe toute tentative d'utiliser l'Islam à des fins matérielles et a toujours maintenue une certaine méfiance à l'égard de l'Islam politique, bien que fortement inspirée par la doctrine des Frères Musulmans, dont il est resté proche pendant toute sa vie sans avoir jamais rejoint les rangs de cette organisation militante.

    PAS DE FATWAS SPECIFIQUES AUX MINORITES MUSULMANES

    Dans sa lutte contre les tendances totalitaires du salafisme, qui n'est qu'un autre nom pour le wahabisme , al Bouti a vivement critiqué également la tentative de cette secte musulmane d'accaparer le contrôle religieux de la communauté :musulmane en Europe par l'instauration d'une association chargée de délivrer des fatwas destinées à prendre en charge les problèmes rencontrés par cette communauté dans l'exercice de sa foi dans un contexte laïc et culturel peu propice à L'Islam.

    Al Bouti a rejeté la notion de « minorité musulmane » à laquelle s'adressait cette association et a souligné qu'il fallait que les Musulmans se considèrent comme des citoyens à part entière des pays non musulmans où ils vivent , et qu'ils ne pratiquent de l'Islam que ce qui ne portait en rien préjudice à leurs droits et obligations de citoyens, et qu'ils doivent s'abstenir de toutes exigences légales ou autres pouvant conduire à la réduction de leurs droits de citoyens dans des sociétés démocratiques.

    Il a conclu que ceux des Musulmans qui ne se sentaient pas à l'aise dans ces sociétés devaient être logiques avec eux-mêmes et revenir dans le pays musulman d'origine plutôt que de tenter de changer la société d'accueil.

    En conclusion

    Il n'y a pas un sujet d'actualité qu'Al Bouti n'a pas abordé, y compris la place des femmes dans la société musulmanes, sujet auquel il a consacré un traité, y compris le SIDA et d'autres maux sociaux qui n'épargnent pas la société musulmane. Ici il ne s'est agi que de traiter des sujets qui ont sans doute abouti à la décision d'exécution publique de Al Bouti.

    Cette exécution, qui n'a rien de fortuit ou d'accidentel, et qui, malgré son caractère barbare, a été saluée et justifiée par les médias habitués à s'ériger en donneurs de leçons à la communauté musulmane et en critiques de l'Islam.

    A se demander si certains ont développé une conception du terrorisme salafiste « juste, » qui couvre et justifie les actes de terrorisme commis contre les ennemis de leurs intérêts !

    Al Bouti, qui fondait toutes ses conceptions sur une connaissance profonde de l'Islam, était un adversaire dangereux pour les salafistes qui tentent, sous différentes formes et en utilisant différentes stratégies suivant le pays et les circonstances, d'imposer leur interprétation de l'Islam, essentiellement pour sauvegarder leur pouvoir et leurs richesses.

    Ont-ils profité des évènements dramatiques actuels pour taire sa voix de non-violence et de rationalité, le liquider, et assassiner en même temps quarante et un innocents, dont son petit fils, et jeter l'effroi dans les rangs de ceux qui rejettent le sectarisme salafiste violent si contraire à l'esprit et la lettre de l'Islam ?

    Est-ce une simple hypothèse qui n'est fondée sur rien de tangible?

    Les prêches sous forme d'oraison funèbre qui ne sont pas animés de l'esprit musulman de miséricorde et de respect dû aux morts ne semblent pas démentir la théorie qu'Al Bouti a été victime d'une liquidation planifiée qui n'a que des relations lointaines avec son soutien au régime syrien actuel, et dont les motivations doivent être trouvées dans ses positions vis-à-vis du sectarisme salafiste.

    Le Quotidien d'ORAN
    Dernière modification par absent, 28 mars 2013, 16h09.

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    • #3
      Avis du Cheikh AlBouti et ses arguments concernant la rébellion

      Avis du Cheikh Al Bouti et ses arguments concernant la REBELLION ARMEE

      Wallah c'est la sagesse bi ainiha !



      Résumé de la vidéo

      - la rébellion armée par la force est interdite s'il n'y a pas de preuves de mécréance évidente (koufr bawa7) du dirigeant

      - est permise à la base par des moyens pacifiques, mais si l'analyse de la situation montre que cela engendrera plus de mal, alors cela n'est pas permis pour empêcher ce mal. (le principe de préférer le moindre mal).

      - a ajouter aux arguments juridiques son analyse géostratégique qui a aussi son importance car il faut toujours contextualiser : il était convaincu que ces événements allaient être manipulés de l'extérieur par les pays occidentaux alliés à Israel, de par l'existence depuis des années d'analyses néo-cons qui préconisent un changement de régimes dans plusieurs pays ( Syrie, Irak, Iran, Libye, Algérie , Venezuela ...), ainsi qu'un nouveau morcellement des pays en petit territoires pour les affaiblir encore plus ...

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