De temps à autre, fusent des cris d’orfraie de “modernistes” effarouchés par le salafisme, tantôt rampant, nous disent-ils, tantôt rugissant, mais sûrement conquérant.
Le pouvoir leur répond avec la même émotion, feignant de s’inquiéter de l’occupation des mosquées par cet islam, qui serait plus menaçant parce que plus radical. Et à tout le monde de faire semblant d’être averti de ce qu’est le salafisme, de le redouter et de le dénoncer.
Il y aurait, donc, une charia soft, compatible avec les libertés susceptibles d’être revendiquées par tout démocrate qui se respecte, et une autre, “salafiste”, qu’il faudrait craindre et combattre.
Pourtant, c’est bien dans mon journal, démocrate, que l’on peut lire, dans son édition d’hier, ce passage : “Couper une seule main ou exécuter un seul assassin réconfortera la société tout entière, car les assassins sont un mal qui, si on ne l’éradique pas, se propage à tout le corps, comme un microbe. L’éducation islamique, la vraie, est donc nécessaire.”
L’appel à couper la main vient du chef d’une institution qui, pour n’être pas républicaine, est une institution de la République : le Haut-Conseil islamique. Et au mufti d’ajouter : “Dieu sait que, sans l’application du qessas (vengeance), il n’y a ni stabilité ni quiétude.”
En fait, le qessas, c’est la loi du talion, et le président de la commission officielle des fetwas dans notre pays – toujours dans Liberté – la justifie en ces termes : “C’est pourquoi nous souhaitons que nos gouvernants se réfèrent à Dieu, mais appliquer la peine de mort dans le cas de l’assassinat des enfants seulement ne peut se faire tant l’islam est indivisible.”
On ne lâche pas l’affaire : outre le fait de servir à justifier la loi du talion, le supplice des gamins de la cité Ali-Mendjeli est invoqué pour appeler à la généralisation de la peine de mort à tous les homicides. Il n’est pas, ici, question de critiquer la fetwa sur son fond, puisque la question est justement dans le choix de la source de droit. Mais si la charia est, comme on le disait au contrat de Rome, “la loi légitime”, le débat se déplace, de ce fait, au profit des seuls ulémas, muftis et autres exégètes. Et à la pensée positive de retourner, alors, à son statut de pensée profane, non concernée.
L'affrontement entre salafisme et autres doctrines “réformées” devenant un débat entre tenants de la charia. Nous quittons donc le contexte républicain. Mais ne reste-t-il pas à le quitter franchement ? Parce qu’un choix politique se doit d’être assumé par un pouvoir, comme par ceux qui s’en accommodent ou s’en réjouissent. Car il faut que cesse cette confusion qui fait que l’on appelle un système de législation théocratique une république.
Pis, l’on ne nous dit même pas quelle devrait être notre référence ultime : la fetwa ou la loi ? Car, enfin, dans un débat qui concerne la fonction de la justice pénale, il n’est pas sans nous incomber de poser les termes de ce même débat. Et le pouvoir, aujourd’hui, n’a le courage, ni d’aller dans un sens ni dans l’autre.
Au lieu de brandir le spectre, certainement dangereux, du salafisme, il faudrait commencer par nous indiquer et nous clarifier l’alternative. Un petit cours officiel de jurisprudence “pour les nuls” que nous sommes. Mais même pour cela, il faudrait du courage.
Mustapha Hammouche- Liberté
Le pouvoir leur répond avec la même émotion, feignant de s’inquiéter de l’occupation des mosquées par cet islam, qui serait plus menaçant parce que plus radical. Et à tout le monde de faire semblant d’être averti de ce qu’est le salafisme, de le redouter et de le dénoncer.
Il y aurait, donc, une charia soft, compatible avec les libertés susceptibles d’être revendiquées par tout démocrate qui se respecte, et une autre, “salafiste”, qu’il faudrait craindre et combattre.
Pourtant, c’est bien dans mon journal, démocrate, que l’on peut lire, dans son édition d’hier, ce passage : “Couper une seule main ou exécuter un seul assassin réconfortera la société tout entière, car les assassins sont un mal qui, si on ne l’éradique pas, se propage à tout le corps, comme un microbe. L’éducation islamique, la vraie, est donc nécessaire.”
L’appel à couper la main vient du chef d’une institution qui, pour n’être pas républicaine, est une institution de la République : le Haut-Conseil islamique. Et au mufti d’ajouter : “Dieu sait que, sans l’application du qessas (vengeance), il n’y a ni stabilité ni quiétude.”
En fait, le qessas, c’est la loi du talion, et le président de la commission officielle des fetwas dans notre pays – toujours dans Liberté – la justifie en ces termes : “C’est pourquoi nous souhaitons que nos gouvernants se réfèrent à Dieu, mais appliquer la peine de mort dans le cas de l’assassinat des enfants seulement ne peut se faire tant l’islam est indivisible.”
On ne lâche pas l’affaire : outre le fait de servir à justifier la loi du talion, le supplice des gamins de la cité Ali-Mendjeli est invoqué pour appeler à la généralisation de la peine de mort à tous les homicides. Il n’est pas, ici, question de critiquer la fetwa sur son fond, puisque la question est justement dans le choix de la source de droit. Mais si la charia est, comme on le disait au contrat de Rome, “la loi légitime”, le débat se déplace, de ce fait, au profit des seuls ulémas, muftis et autres exégètes. Et à la pensée positive de retourner, alors, à son statut de pensée profane, non concernée.
L'affrontement entre salafisme et autres doctrines “réformées” devenant un débat entre tenants de la charia. Nous quittons donc le contexte républicain. Mais ne reste-t-il pas à le quitter franchement ? Parce qu’un choix politique se doit d’être assumé par un pouvoir, comme par ceux qui s’en accommodent ou s’en réjouissent. Car il faut que cesse cette confusion qui fait que l’on appelle un système de législation théocratique une république.
Pis, l’on ne nous dit même pas quelle devrait être notre référence ultime : la fetwa ou la loi ? Car, enfin, dans un débat qui concerne la fonction de la justice pénale, il n’est pas sans nous incomber de poser les termes de ce même débat. Et le pouvoir, aujourd’hui, n’a le courage, ni d’aller dans un sens ni dans l’autre.
Au lieu de brandir le spectre, certainement dangereux, du salafisme, il faudrait commencer par nous indiquer et nous clarifier l’alternative. Un petit cours officiel de jurisprudence “pour les nuls” que nous sommes. Mais même pour cela, il faudrait du courage.
Mustapha Hammouche- Liberté
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