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Débat sur la transition énergétique : vous pouvez répéter la question ?

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  • Débat sur la transition énergétique : vous pouvez répéter la question ?

    Le débat sur la transition énergétique se poursuit. Comment ça, vous n'aviez pas remarqué ?

    Le ministère de l'écologie a pourtant publié début mars un document intitulé "Socle de connaissances"[URL/http://www.transition-energetique.gouv.fr/sites/default/files/dnte-socle-de-connaissances.pdf]ICI[/URL], afin de nourrir les réflexions. Sur 92 pages, un seul et bref paragraphe traite de la question du pic de production des énergies fossiles :

    "Il pourrait par exemple, selon l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN), se situer vers 2015-2025 pour le pétrole, 2025-2045 pour le gaz et 2100 pour le charbon. Le développement actuel de l’extraction d’énergies fossiles dites « non conventionnelles », telles que les gaz de schistes ou le pétrole off-shore profond, représente une réponse de court à moyen terme. Ces énergies non conventionnelles peuvent transformer le pic en « plateau », voire repousser très sensiblement le pic, sans pour autant modifier le caractère épuisable de ces ressources."

    Et c'est tout. "Repousser très sensiblement le pic" ? Jusqu'à quand, et à quelles conditions ? A vous de deviner.

    Comme avec le rapport Besson sur l'énergie en 2050 publié par le précédent gouvernement, les pouvoirs publics restent bien peu enclin à se mouiller sur LA question dans laquelle réside la plus impérative nécessité de la transition énergétique.


    La plateforme de BP responsable de la marée noire du golfe du Mexique en 2010 détenait le record de profondeur pour un forage. AP.


    Les sources de brut non-conventionnelles et extrêmes peuvent-elles "repousser très sensiblement" le pic de production de l'or noir ? Voyons voir un peu ça. Que nous disent de la validité de cette assertion lapidaire les derniers événements sur la planète pétrole ?

    Le boom des huiles de schiste aux Etats-Unis ne saurait durer au-delà de 2020, estime pour l'heure l'administration Obama. Le New York Times vient de rendre public de nombreux documents confidentiels montrant le scepticisme dont les pétroliers font preuve, en interne, vis-à-vis de la pérennité du boom des sources américaines d'hydrocarbures dites "compactes", qualifié à l'occasion de "système de Ponzi".

    Au large de Rio de Janeiro, le développement des ressources de brut offshore ultra-profond n'a pas suffit à compenser la baisse de 2 % la production brésilienne enregistrée l'an dernier. Ce pétrole offshore, découvert en 2007, ne fournit pour l'heure que 7 % des extractions du Brésil. Il reste "diablement complexe à exploiter" pour la compagnie nationale Petrobras, lourdement endettée, et qui voit ses "champs plus anciens, qui furent prodigieux, fournir moins de pétrole", souligne une enquête publiée cette semaine par le New York Times.

    En Algérie, "il n'existe presque plus d'expert" pour soutenir que le pays "peut, dans un horizon humain, revenir et dépasser son niveau de production atteint entre 2005 et 2007", rapporte le quotidien El Watan. Depuis 2007, les extractions algériennes ont reculé de 14 %, de 2 millions de barils par jour (Mb/j) à 1,7 Mb/j en 2012. Le quotidien algérien de référence met en doute la capacité du développement attendu des huiles et gaz de schiste à inverser la tendance.

    Au Gabon, il n'est pas garanti que les 2 milliards de dollars que Total investit dans le re-développement du champ offshore "Anguille" permette d'interrompre son "déclin naturel" (selon l'expression du service de communication du groupe pétrolier français). La production de brut de l'autre ex-colonie française riche en hydrocarbures a atteint un pic en 1997 à 0,37 Mb/j. Bon an mal an, elle parvient à se maintenir autour de 0,24 Mb/j depuis 2003 (- 35 % par rapport à 1997). Mais pour combien de temps ?

    En Azerbaïdjan, la chute de la production se poursuit, et elle est brutale : - 10,6 % en février 2013, par rapport à février 2012. Dans la Caspienne, au large du plus vieux pays pétrolier de la planète, BP est pour l'heure incapable de stopper la baisse des extractions du champ offshore ultra-complexe Azeri-Chirag-Guneshli, lancé il y a seulement une décennie.

    Au Brésil, en Algérie ou en Azerbaïdjan, comme dans la quasi totalité des pays pétroliers, la consommation domestique de brut, elle, continue à s'accroître. Pour nous autres Européens, le problème est tout autant, sinon plus, celui du déclin des capacités d'exportations de brut que celui du déclin de la production globale.

    En Grande-Bretagne, il est loin d'être certain que la campagne de prospection au large des îles des Shetlands dans laquelle se lancent plusieurs majors puisse permettre de stopper la poursuite de la décroissance rapide de la production offshore. Cette production offshore n'était plus que de 0,7 Mb/j en octobre 2012, contre 2,8 Mb/j l'année du pic, en 1999 !

    Le déclin des champs norvégiens et britanniques de la mer du Nord (unique source conséquente d'hydrocarbures en Europe occidentale) est l'une des causes principales de la perte du quart de la production des cinq principales majors depuis 2004 [exclusivité 'Oil Man'].

    Au Canada, qui grâce aux sables bitumineux de l'Alberta, constitue la plus solide source de développement futur des pétroles non-conventionnel, le prestigieux hebdomadaire MacLean's a consacré une longue enquête au "cauchemar logistique" qui entrave l'accroissement promis de l'extraction de ces pétroles lourds. Barack Obama se prépare sans doute à autoriser la construction du très polémique pipeline Keystone XL, capable d'apporter une partie de la solution à ce "cauchemar". En attendant, un train transportant du pétrole d'Alberta a déraillé aux Etats-Unis le 28 mars.

    En Arctique, enfin, horizon ultime de développement des pétroles non-conventionnels et extrêmes, les dernières nouvelles ne sont pas meilleures. Shell a renoncer à forer au large de l'Alaska en 2013. Après une succession de déboires, dont l'échouage de l'une de ses plateformes au cours d'une tempête en janvier, la compagnie Shell vient d'annoncer le départ du responsable de la prospection au pôle Nord. Au Groenland, après l'échec des récents forages offshore, le nouveau gouvernement gèle jusqu'à nouvel ordre l'attribution de tout nouveau permis de prospection. Enfin en Russie, Vladimir Poutine vient de rouvrir la porte à BP, après la lui avoir violemment claquée au nez, dans l'espoir de voir le groupe pétrolier londonien, franchement aux abois, se risquer aux côtés d'Exxon dans une périlleuse, coûteuse et incertaine campagne de prospection dans les eaux situées au nord de la Sibérie, campagne à laquelle le français Total a renoncé en 2012.

    Ma pierre au débat sur la transition énergétique : les derricks ne montent pas jusqu'au ciel, attention.

    (L'Agence internationale de l'énergie anticipe le déclin à court ou moyen terme d'un grand nombre de pays producteurs importants qui ne figurent pas parmi ceux cités ici.)
    par Matthieu Auzanneau
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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