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Bentoumi: De Gaulle ne voulait pas transférer le pouvoir aux vainqueurs de la guerre

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  • Bentoumi: De Gaulle ne voulait pas transférer le pouvoir aux vainqueurs de la guerre

    Le N°1 du Journal offficiel de l’Algérie indépendante, daté du 8 juillet 1962, commence par la «proclamation de l’indépendance» en 3 documents.

    Le premier document est la proclamation des résultats du référendum d’autodétermination du 1er juillet 1962 qui a lieu le
    5 juillet 1962 à 10h30. Bizarrement, sur le procès-verbal dont j’ai été cosignataire, la date indiquée est celle du 3 juillet 1962.

    Cette date confirme celle du 3 juillet 1962 de la lettre du président de la République française, Charles de Gaulle, adressée au président de l’Exécutif provisoire de l’Etat algérien, prenant acte des résultats du référendum et transférant les compétences afférentes à la souveraineté de le territoire des anciens départements français d’Algérie à l’Exécutif provisoire de l’Etat algérien.
    La même date est mentionnée sur le troisième document constitué par la lettre du président de l’Exécutif provisoire de l’Etat algérien, Abderrahmane Farès, qui prend «acte de la reconnaissance, par la république française, de l’indépendance de l’Algérie».

    La question de la substitution de la date du 3 juillet 1962 à celle réelle du 5 juillet 1962 se pose.

    En vérité la date du 3 juillet 1962 est celle des résultats qui émanaient du territoire algérien et non celle des résultats définitifs du référendum. Au motif que ces résultats ne pouvaient être modifiés par ceux émanant des Algériens et électeurs ayant voté à l’extérieur du territoire algérien, le général de Gaulle a anticipé la transmission des attributs de la souveraineté en Algérie à l’Exécutif provisoire.Il a ainsi voulu, d’une part éviter que l’indépendance de l’Algérie ne coïncide et, donc, n’annule celle du 5 juillet 1830, date de la prise d’Alger.

    D’autre part, il a entendu éviter la transmission de la souveraineté au véritable vainqueur. Une chose est certaine, c’est que le dépouillement des bulletins de vote des Algériens, confiée à la Commission centrale du référendum d’autodétermination, n’a été, en fait, terminé que le 4 juillet 1962.

    Etant, personnellement, au sein de la commission responsable et organisateur de ce dépouillement, j’avais fait appel au volontariat du personnel algérien des divers services de l’Exécutif provisoire, aux éléments du FLN présents au «Rocher Noir» (Actuellement, Boumerdès) et, surtout, au concours des Scouts musulmans algériens sous la direction de leur commissaire national de l’époque, Mohamed Derrouiche.

    En accord avec ce dernier, et malgré les sollicitations des journalistes présents en masse, nous avons décidé de ne pas divulguer les résultats de notre dépouillement. Ce n’est qu’après ces résultats qui devaient compléter les résultats déjà parvenus des départements d’Algérie que les résultats définitifs seraient connus.

    Notre souci et notre volonté en tant que militants, partagé par tous les Algériens présents, était que l’indépendance de l’Algérie soit proclamée le 5 juillet, date que nous avons toujours vécu comme une journée de deuil, étant celle du début de la conquête de l’Algérie.

    J’affirme que les résultats tels qu’ils figurent sur le procès-verbal de la Commission centrale du référendum d’autodétermination au Journal officiel N°1 de l’Etat algérien n’ont été effectivement proclamés que le 5 juillet 1962 à 10h30.

    D’ailleurs, les autorités françaises ont immédiatement descendu le drapeau français et ont enlevé le mât sur lequel il flottait.


    Les Scouts musulmans ont, alors, immédiatement, avec les matériaux trouvés dans les chantiers qui existaient en nombre à «Rocher-Noir», improvisé un mât sur lequel a été hissé le drapeau algérien au cours d’une cérémonie officieuse entre militants.


    A la demande de Derrouiche Mohamed, j’ai réquisitionné des voitures mises à la disposition de la Commission centrale du référendum car il voulait réaliser un vœu, celui d’être le 1er Algérien à faire flotter le drapeau algérien sur le bâtiment du Gouvernement algérien.

    Nous partîmes en direction d’Alger et nous pûmes voir les voitures et autres objets que les Pieds-Noirs brûlaient le long de la route moutonnière (Actuelle avenue de l’ALN). Arrivés au «GG», nous pénétrâmes par la porte du commissariat de police où se trouvaient quelques «martiens» qui ne firent aucune objection à notre entrée dans le bâtiment quand nous leur exhibâmes nos laissez-passer de l’Exécutif provisoire pour les résidants de «Rocher-Noir». L’immense bâtiment était désert. Des documents étaient épars à tous les étages comme nous pûmes le constater. Nous prîmes l’ascenseur pour monter au dernier étage et accédâmes à la terrasse où se trouvait un grand mât. Derrouiche sortit un petit drapeau d’un mètre environ. Il grimpa le long du mât qui basculait dangereusement. Il réussit à le fixer et descendit.

    Nous nous mîmes au garde-à-vous pendant quelques minutes. Il s’assit et se mit à pleurer. Je me surpris à le faire également. Il se tourna vers moi et me dit : «Bentoumi, tu es témoin que c’est moi le premier qui ai accroché le drapeau algérien sur le GG.»
    Pour nous, comme pour tous les Algériens, «le GG» était le symbole de l’autorité française honnie en Algérie.

    Pour revenir à la question de la date de l’indépendance de l’Algérie, je voudrais souligner une première évidence. C’’est que la lettre du général de Gaulle datée du 3 juillet 1962 ne mentionne nullement le mot «indépendance» bien que le but du référendum était que l’Algérie devienne un Etat indépendant.

    Cela révèle la répulsion du président de la République française à utiliser ce terme, s’agissant de ce qu’il persiste à considérer dans sa lettre comme «d’anciens départements français d’Algérie». Par ailleurs, il faut noter que pour lui, le transfert de souveraineté est fait à l’Exécutif provisoire de l’Etat algérien, organisme fantoche ou paravent alors qu’il sait, pertinemment, que le seul véritable représentant du peuple algérien qui a imposé l’indépendance de l’Algérie est le FLN-ALN et qu’il a dû négocier avec son dépositaire, le Gpra.
    Evidemment les artifices juridiques ont leur utilité pour sauver la face des vaincus.

    Le N°1 du Journal officiel daté du 26 octobre 1962, dans sa 8e partie, permet de constater que la république algérienne démocratique et populaire est née, apparemment, d’un processus juridique respectueux de l’Etat de droit. En effet, au départ, a été organisé, le 20 septembre 1962, un référendum qui, en principe, devait permettre au peuple algérien de se doter d’une assemblée nationale constituante dont les attributions et la durée étaient déterminées.
    Dans une deuxième étape et après l’élection de cette assemblée, le président de l’Exécutif provisoire de l’Etat algérien, dans une lettre mandatée, a transmis les pouvoirs qui lui ont été dévolus par les Accords d’Evian et objets de la lettre du président de la République française datée du 3 juillet 1962, à savoir «les compétences afférentes à la souveraineté sur le territoire algérien, au président de l’assemblée nationale constituante.
    Enfin, par un message du président du gouvernement provisoire de la république algérienne, Benyoucef Benkheda, à destination de l’Assemblée nationale, lui a transmis les attributs de la souveraineté extérieure, un des attributs de la souveraineté que le Gpra a exercé. Dans ce message, il a tenu à souligner que «les Accords d’Evian (négociés par le Gpra) ont admis l’indépendance de l’Algérie, l’intégrité du territoire national et la souveraineté de l’Etat algérien en dedans et en dehors. Le 25 septembre 1962, l’Assemblée nationale constituante proclame :

    - Une République algérienne démocratique et populaire après un débat au cours duquel furent proposées et rejetées d’autres propositions de formulation.
    - Déclare qu’en tant qu’organisme représentatif du peuple algérien, elle est la seule dépositaire et gardienne de la souveraineté nationale à l’intérieur et à l’extérieur.
    Après avoir adopté, le 26 septembre 1962, une résolution fixant les modalités de désignation du gouvernement, elle approuve la nomination des membres du gouvernement proposés qui fera l’objet d’un secret historique car portant le numéro 62/1.
    Ainsi fut institué le premier gouvernement algérien ayant autorité sur tout le territoire algérien et représentatif du peuple algérien issu d’une élection dont personne, ni à l’intérieur, ni à l’extérieur, n’a contesté la transparence et la validité bien que les électeurs aient eu à voter sur des listes uniques, présentées par le FLN, les candidats ayant été présentés, pour la plupart, par leurs wilayas ou ayant eu l’agrément de ces dernières. C’est ainsi que fut une assemblée qui était, au départ, pluraliste. Outre les partisans du gouvernement, même certains opposants lui apportèrent leurs voix ou s’abstinrent lors de la première séance mais manifestèrent leurs opinions lors des débats qui suivirent jusqu’à … l’instauration du régime autoritaire.

    Amar Bentoumi, Avocat, ancien bâtonnier, ancien ministre de la Justice

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    Contribution parue le 16 octobre 2012

    LaTribune.
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