Quand Rafik Khalifa signait des documents au nom de la République
Khalifa avait ses entrées partout en Algérie. Il était consacré meilleur manager de l’année. Il a même été décoré par le président de l’Assemblée nationale, Karim Younès. Il se rapprochait du président Bouteflika fraîchement élu à la tête de l’Etat algérien. Il financera, comme on verra plus loin, les actions de la diplomatie parallèle et ira jusqu’à signer des contrats au nom de la République algérienne. Il était pratiquement un super-ministre sans portefeuille. Il était à la fois craint et respecté.
Quelque 500 000 dollars ont été déboursés par Khalifa pour payer l’opération de lobbying engagée par le gouvernement algérien en vue de séduire l’administration, les membres du Congrès et les milieux d’affaires américains
Ce matin, mardi 2 avril, s’ouvre à Blida le procès de ce qu’il est convenu d’appeler, l’escroquerie du siècle. Il s’agit de l’affaire du golden boy algérien, Rafik Moumen Khalifa. Un jeune homme qui avait défrayé la chronique européenne en juin 2001 lorsqu’il avait damé le pion aux grandes enseignes du monde du sponsoring et de l’industrie, tels le japonais Sony ou la grande chaîne de parfumerie Marionnaud ou Orange, l’opérateur européen de téléphonie pour succéder au géant suédois Ericson comme sponsor maillot du club phocéen, l’Olympique de Marseille. Un illustre inconnu qui venait proposer la meilleure offre au richissime propriétaire de l’OM, feu Robert Louis Dreyfus pour que s’affiche sur la tunique des joueurs marseillais un nom typiquement arabe «KHALIFA» accolé à une abréviation anglaise «AIRWAYS». Le contrat portait sur un apport annuel de pas moins de 18 millions de Francs français (l’Euro n’existait pas encore) et mise à la disposition du club d’un Airbus pour une durée de cinq années.
Ce grand coup qu’il croyait avoir réussi, Khalifa le regrettera à jamais. Car en paraphant le contrat de l’OM, il attira sur lui l’attention des services secrets français. Du coup, il venait de signer l’acte final de son aventure. Une aventure énigmatique qui refuse encore de livrer tous ses secrets. Et ce ne serait pas une parodie de procès tenue en début de l’année 2007, qui réunit au banc des accusés 104 lampistes et 150 témoins dont trois ministres en fonction (juste de quoi jeter de la poudre aux yeux), qui réussira à faire toute la lumière sur une affaire qui a coûté au Trésor public algérien plus de deux milliards d’euros.
Réfugié à Londres, Rafik Khalifa, qui fait aussi l’objet d’une information judiciaire, en France, pour « banqueroute, abus de biens sociaux et blanchiment de capitaux », à la suite de la faillite en juillet 2003 de la compagnie aérienne Khalifa Airways, sponsor de l’OM, n’est pas non plus disposé à livrer les noms de ses protecteurs et parrains. Ces derniers le lui rendent bien puisqu’ils font tout pour empêcher son extradition en dépit de l’existence d’une convention entre l’Algérie et le Royaume-Uni.
En désespoir de cause, il fondait tous ses espoirs sur Ali Benflis
Pour répondre à ses accusateurs, Khalifa s’est muré dans un silence qui en dit long sur son déficit en matière d’arguments plausibles. En tout et pour tout, il effectua trois sorties médiatiques au moment où se tenait son procès à Blida. Elles étaient toutes décevantes. Dans les entretiens qu’il avait accordés à la chaîne qatarie Al Jazeera, au quotidien français Le Figaro et à un hebdomadaire arabophone algérien, Rafik Moumen Khalifa avait parlé pour ne rien dire. Il s’entêtait à affirmer que sa banque n’était nullement en faillite et tentait de faire glisser l’affaire sur le champ politique en inventant un règlement de compte entre lui et le président Bouteflika. Cette belle invention, Khalifa la doit à Ali Benflis, l’ex-secrétaire général du FLN et candidat malheureux à la présidentielle en 2004 qui avait transformé son PC de candidat en studio dédié à la chaîne KHALIFA NEWS qui émettait à partir de Londres. Une chaîne qui se lança corps et âme au service d’Ali Benflis avec le résultat qu’on connaît. Il avait cru en l’ex-Premier ministre car ce dernier bénéficiait du soutien de quelques généraux dont feu Mohamed Lamari, Khaled Nezzar, Fodil Cherif et quelques grosses cylindrées de la presse nationale. Les assurances données par les colonels Hocine Chiat et feu Hadj Zoubir faisaient ressortir que l’institution militaire jouait la carte Benflis. De quoi croire fermement aux chances de l’ancien directeur de campagne d’Abdelaziz Bouteflika en 1999.
RAK s’accrochait, alors, à Benflis présenté comme le candidat de l’Armée. A cette époque, le glas avait déjà sonné pour lui. Sa chaîne de télévision, qui émettait à partir de Paris, avait fermé. Sa compagnie aérienne battait de l’aile et la banqueroute pointait du nez.
RAK n’avait plus pour seul espoir de sauver son holding qu’une victoire d’Ali Benflis, l’homme qui tomba dans les bras du golden boy au stade 5-Juillet, alors qu’il était Premier ministre, au grand étonnement de Gérard Depardieu et d’un grand nombre d’invités au match de football Algérie-Olympique de Marseille.
Malgré les menaces qu’il avait proférées au moment où son empire agonisait, RAK n’a pas donné un seul nom de ses protecteurs ni de ses mentors. D’ailleurs, en avait-il vraiment ou était-il si malin qu’il avait réussi à bluffer tout le monde y compris les hommes les plus puissants du régime ?
De leur côté, ses complices jugés en Algérie, eux non plus, n’ont rien révélé sur les véritables commanditaires de l’escroquerie du siècle. Ils se sont limités à citer quelques noms de ministres convoqués par le tribunal en qualité de témoins. Parmi ces derniers, certains avaient largement leur place au box des accusés. L’un d’eux, le secrétaire général de l’organisation, Abdelmajid Sidi Saïd, qui avait reconnu devant le tribunal avoir signé un faux document pour renflouer les coffres de la banque de Khalifa avec l’argent des assurés sociaux. Tout comme il reconnut d’autres forfaits qu’il dit avoir commis par ce qu’il a appelé « le pouvoir de l’habitude. » Il s’est dit « responsable mais pas coupable ». Ce témoin quittera le tribunal libre et sans la moindre inquiétude, à bord d’une limousine blindée. Il laissera derrière lui le secrétaire national de l’administration et des finances de la centrale syndicale, Abdelali Meziani la facture du « responsable mais pas coupable » par deux années de prison.
Il en est de même pour un agent de la Police des frontières exerçant à l’aéroport d’Alger d’où Khalifa sortait des sacs bourrés de dollars et d’euros à destination de la France. Ce policier reconnut avoir été corrompu par le milliardaire qui lui avait offert une voiture. Il ne sera pas non plus inquiété. Ce ne sont là que deux exemples parmi tant d’autres, qui relèvent parfois du burlesque, sur un procès dont le moins qu’on puisse dire était destiné à jeter de la poudre aux yeux pour éloigner les soupçons qui pesaient sur les véritables instigateurs de l’escroquerie du siècle. A aucun moment ne fut cité un seul haut responsable de l’appareil de l’Etat. Lorsque l’avocat général cite le nom du fils de l’ancien chef d’état major de l’armée algérienne, le général Mohamed Lamari, la presse- présente en force pourtant au tribunal- ne semblait pas prêter attention. C’était comme un lapsus qui ne méritait pas le moindre commentaire des journalistes présents.
Khalifa avait ses entrées partout en Algérie. Il était consacré meilleur manager de l’année. Il a même été décoré par le président de l’Assemblée nationale, Karim Younès. Il se rapprochait du président Bouteflika fraîchement élu à la tête de l’Etat algérien. Il financera, comme on verra plus loin, les actions de la diplomatie parallèle et ira jusqu’à signer des contrats au nom de la République algérienne. Il était pratiquement un super-ministre sans portefeuille. Il était à la fois craint et respecté.
Quelque 500 000 dollars ont été déboursés par Khalifa pour payer l’opération de lobbying engagée par le gouvernement algérien en vue de séduire l’administration, les membres du Congrès et les milieux d’affaires américains
Ce matin, mardi 2 avril, s’ouvre à Blida le procès de ce qu’il est convenu d’appeler, l’escroquerie du siècle. Il s’agit de l’affaire du golden boy algérien, Rafik Moumen Khalifa. Un jeune homme qui avait défrayé la chronique européenne en juin 2001 lorsqu’il avait damé le pion aux grandes enseignes du monde du sponsoring et de l’industrie, tels le japonais Sony ou la grande chaîne de parfumerie Marionnaud ou Orange, l’opérateur européen de téléphonie pour succéder au géant suédois Ericson comme sponsor maillot du club phocéen, l’Olympique de Marseille. Un illustre inconnu qui venait proposer la meilleure offre au richissime propriétaire de l’OM, feu Robert Louis Dreyfus pour que s’affiche sur la tunique des joueurs marseillais un nom typiquement arabe «KHALIFA» accolé à une abréviation anglaise «AIRWAYS». Le contrat portait sur un apport annuel de pas moins de 18 millions de Francs français (l’Euro n’existait pas encore) et mise à la disposition du club d’un Airbus pour une durée de cinq années.
Ce grand coup qu’il croyait avoir réussi, Khalifa le regrettera à jamais. Car en paraphant le contrat de l’OM, il attira sur lui l’attention des services secrets français. Du coup, il venait de signer l’acte final de son aventure. Une aventure énigmatique qui refuse encore de livrer tous ses secrets. Et ce ne serait pas une parodie de procès tenue en début de l’année 2007, qui réunit au banc des accusés 104 lampistes et 150 témoins dont trois ministres en fonction (juste de quoi jeter de la poudre aux yeux), qui réussira à faire toute la lumière sur une affaire qui a coûté au Trésor public algérien plus de deux milliards d’euros.
Réfugié à Londres, Rafik Khalifa, qui fait aussi l’objet d’une information judiciaire, en France, pour « banqueroute, abus de biens sociaux et blanchiment de capitaux », à la suite de la faillite en juillet 2003 de la compagnie aérienne Khalifa Airways, sponsor de l’OM, n’est pas non plus disposé à livrer les noms de ses protecteurs et parrains. Ces derniers le lui rendent bien puisqu’ils font tout pour empêcher son extradition en dépit de l’existence d’une convention entre l’Algérie et le Royaume-Uni.
En désespoir de cause, il fondait tous ses espoirs sur Ali Benflis
Pour répondre à ses accusateurs, Khalifa s’est muré dans un silence qui en dit long sur son déficit en matière d’arguments plausibles. En tout et pour tout, il effectua trois sorties médiatiques au moment où se tenait son procès à Blida. Elles étaient toutes décevantes. Dans les entretiens qu’il avait accordés à la chaîne qatarie Al Jazeera, au quotidien français Le Figaro et à un hebdomadaire arabophone algérien, Rafik Moumen Khalifa avait parlé pour ne rien dire. Il s’entêtait à affirmer que sa banque n’était nullement en faillite et tentait de faire glisser l’affaire sur le champ politique en inventant un règlement de compte entre lui et le président Bouteflika. Cette belle invention, Khalifa la doit à Ali Benflis, l’ex-secrétaire général du FLN et candidat malheureux à la présidentielle en 2004 qui avait transformé son PC de candidat en studio dédié à la chaîne KHALIFA NEWS qui émettait à partir de Londres. Une chaîne qui se lança corps et âme au service d’Ali Benflis avec le résultat qu’on connaît. Il avait cru en l’ex-Premier ministre car ce dernier bénéficiait du soutien de quelques généraux dont feu Mohamed Lamari, Khaled Nezzar, Fodil Cherif et quelques grosses cylindrées de la presse nationale. Les assurances données par les colonels Hocine Chiat et feu Hadj Zoubir faisaient ressortir que l’institution militaire jouait la carte Benflis. De quoi croire fermement aux chances de l’ancien directeur de campagne d’Abdelaziz Bouteflika en 1999.
RAK s’accrochait, alors, à Benflis présenté comme le candidat de l’Armée. A cette époque, le glas avait déjà sonné pour lui. Sa chaîne de télévision, qui émettait à partir de Paris, avait fermé. Sa compagnie aérienne battait de l’aile et la banqueroute pointait du nez.
RAK n’avait plus pour seul espoir de sauver son holding qu’une victoire d’Ali Benflis, l’homme qui tomba dans les bras du golden boy au stade 5-Juillet, alors qu’il était Premier ministre, au grand étonnement de Gérard Depardieu et d’un grand nombre d’invités au match de football Algérie-Olympique de Marseille.
Malgré les menaces qu’il avait proférées au moment où son empire agonisait, RAK n’a pas donné un seul nom de ses protecteurs ni de ses mentors. D’ailleurs, en avait-il vraiment ou était-il si malin qu’il avait réussi à bluffer tout le monde y compris les hommes les plus puissants du régime ?
De leur côté, ses complices jugés en Algérie, eux non plus, n’ont rien révélé sur les véritables commanditaires de l’escroquerie du siècle. Ils se sont limités à citer quelques noms de ministres convoqués par le tribunal en qualité de témoins. Parmi ces derniers, certains avaient largement leur place au box des accusés. L’un d’eux, le secrétaire général de l’organisation, Abdelmajid Sidi Saïd, qui avait reconnu devant le tribunal avoir signé un faux document pour renflouer les coffres de la banque de Khalifa avec l’argent des assurés sociaux. Tout comme il reconnut d’autres forfaits qu’il dit avoir commis par ce qu’il a appelé « le pouvoir de l’habitude. » Il s’est dit « responsable mais pas coupable ». Ce témoin quittera le tribunal libre et sans la moindre inquiétude, à bord d’une limousine blindée. Il laissera derrière lui le secrétaire national de l’administration et des finances de la centrale syndicale, Abdelali Meziani la facture du « responsable mais pas coupable » par deux années de prison.
Il en est de même pour un agent de la Police des frontières exerçant à l’aéroport d’Alger d’où Khalifa sortait des sacs bourrés de dollars et d’euros à destination de la France. Ce policier reconnut avoir été corrompu par le milliardaire qui lui avait offert une voiture. Il ne sera pas non plus inquiété. Ce ne sont là que deux exemples parmi tant d’autres, qui relèvent parfois du burlesque, sur un procès dont le moins qu’on puisse dire était destiné à jeter de la poudre aux yeux pour éloigner les soupçons qui pesaient sur les véritables instigateurs de l’escroquerie du siècle. A aucun moment ne fut cité un seul haut responsable de l’appareil de l’Etat. Lorsque l’avocat général cite le nom du fils de l’ancien chef d’état major de l’armée algérienne, le général Mohamed Lamari, la presse- présente en force pourtant au tribunal- ne semblait pas prêter attention. C’était comme un lapsus qui ne méritait pas le moindre commentaire des journalistes présents.
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