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La sainte trouille

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  • La sainte trouille

    Bonjour, la révolution à moyen terme des pays arabes qui ont misé sur la défaite du Hezbollah est en marche.
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    Depuis la création de l’État d’Israël, il y a un peu moins de soixante ans, on en est à la sixième guerre israélo-arabe. Mais la dernière présente une singularité, qui ne restera pas sans conséquences : c’est la première fois qu’une guerre israélo-arabe se déroule sans… les Arabes.

    Sous le prétexte de libérer deux de ses soldats capturés par le Hezbollah, Israël pilonne le Liban, détruit ses infrastructures, massacre la population civile… Pendant ce temps, les gouvernements arabes regardent pudiquement ailleurs. Les jeux étaient faits dès le début de la crise, lorsque l’Arabie saoudite a dénoncé l’opération « aventuriste » de l’organisation chiite. Avec des nuances et des réticences, les autres pays arabes ont suivi. Israël mène donc sa guerre au Liban avec l’approbation presque naturelle des États-Unis, la compréhension résignée de l’Europe et l’absolution préalable des États arabes.

    Avant le début des hostilités, B.B.Y. avait stigmatisé par anticipation la « forfaiture » arabe (voir J.A. n° 2374, 9-15 juillet 2006). Plus diplomatiquement, Lakhdar Brahimi parlera pour sa part de « démission ». Des dirigeants arabes, on était en droit d’attendre qu’ils fassent ce que les États qui se respectent font en pareille circonstance : s’indigner, mobiliser le pays, dépêcher des émissaires, saisir le Conseil de sécurité… Bref, bouger, agir. À la deuxième semaine de la guerre, on n’a encore rien vu de tel. Pas l’ombre d’une action diplomatique concertée et forte.

    La nation arabe « du Golfe à l’Océan » s’est extraordinairement rétrécie depuis le 12 juillet. Elle se réduit désormais au Hezbollah, qui, seul avec Dieu, affronte Israël. La guerre décidée par Ehoud Olmert - ou, plus vraisemblablement, par ses généraux - est une guerre « optionnelle », une guerre qu’on n’est pas obligé de faire : Israël a sauté sur l’occasion d’un incident de frontière pour régler son compte au Hezbollah. De même, la démission arabe est un choix. Qui s’explique.

    Depuis le 11 septembre 2001, les dirigeants arabes, effrayés par le désarroi et la colère des Américains, s’imposent une extrême prudence. L’invasion de l’Irak et la chute de Saddam, qui est malgré tout l’un des leurs, ont exacerbé leur sainte trouille. Sur le conflit israélo-arabe, ils ont d’abord fait ce qu’il faut : lors du Sommet de Beyrouth, en 2002, ils ont offert de reconnaître l’État hébreu dans ses frontières de 1967, en échange de la rétrocession des territoires arabes occupés et de la création d’un État palestinien. Mais ils n’ont su que faire lorsque les Israéliens ont ignoré leur offre avec un mépris abyssal.

    La lâcheté n’étant pas bonne conseillère, il est à craindre que, dans la guerre libanaise, les Arabes aient fait le mauvais choix. Ne doutant pas d’une victoire foudroyante de Tsahal, ils se sont mis à l’écart pour éviter les balles perdues. Seulement voilà, ce n’est pas ce qui se passe sur le terrain : après dix jours de guerre, le Liban est cassé, mais pas le Hezbollah.

    Les généraux israéliens annoncent avoir détruit 50 %, voire 60 % des capacités militaires de l’adversaire. Or, dès le lendemain, une pluie de Katioucha s’abat sur les cités du Nord : 160 missiles, un record. À Jérusalem, on se déclare sûr de localiser le bunker souterrain où Hassan Nasrallah est censé se terrer. Puis, on largue un déluge de bombes (22 tonnes). Le chef du Hezbollah est certainement mort, à tout le moins blessé, assure-t-on. Or le cheikh apparaît sur Al-Jazira, interviewé par le chef du bureau de la chaîne qatarie à Beyrouth. Serein, sobre, modeste, mais résolu, il ne plastronne pas et on le croit d’autant plus volontiers quand il affirme réserver quelques « surprises » à Israël. Pas question, dit-il, de libérer les deux soldats en dehors d’un échange de prisonniers.

    À l’adresse des dirigeants arabes, il tient des propos au vitriol : « Nous ne vous demandons ni vos sabres ni vos cœurs, restez neutres, mais, de grâce, foutez-nous la paix » ; puis ajoute : « Je sais que vos femmes et vos enfants sont avec nous. » On relève aussi cette mise au point : « Le Hezbollah ne se bat pas au nom des Arabes. Mais l’issue de la guerre rejaillira sur le destin de tous : si nous perdons, tous les Arabes en pâtiront ; si nous l’emportons, ils en profiteront. »

    Décidément, cette sixième guerre ne ressemble à aucune de celles qui l’ont précédée. Pour une raison supplémentaire : l’utilisation à grande échelle de cette arme redoutable qu’est l’information. En 1967, lors de la guerre des Six-Jours, les Arabes n’avaient droit qu’à La Voix des Arabes, qui, à partir du Caire, diffusait une propagande tonitruante et grotesque qui faisait des ravages entre « le Golfe et l’Océan ». Aujourd’hui, c’est le temps de l’information avec Al-Jazira, qui a des reporters partout et dont chacun peut vérifier le professionnalisme.

    L’information change la donne. Sachant en direct ce qui se passe vraiment, la « rue arabe » pourrait s’animer et bousculer ceux qui, dans l’incompétence et l’indignité, tiennent le haut du pavé. Quand ? Dieu seul le sait. Les révolutions prennent leur temps. Si l’exactitude est la politesse des rois, l’inexactitude est celle des peuples.

    Par Hamid Barrada
    23 juillet 2006 Jeune afrique
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
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