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La tragédie des déplacés irakiens

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  • La tragédie des déplacés irakiens

    Grace à G Bush, les communautés chiites et sunnites en Irak ne cessent de s'affronter. Les déplacés, plus de ne savent plus où aller se réfugier et sont doublement vicitmes dans ce pays en feu et en sang. Etranger sur leur propre sol. En l'espace de quatre mois plus de 150 000 Irakiens ont dus fuir de leur domicile .

    En Irak, la guerre continue.

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    Coincé entre deux palmiers, le cabanon a été construit à la va-vite, avec les moyens du bord : des pierres pour les murs, un toit en taule, sous lequel la température avoisine les 55 degrés, et un vieux tapis en guise de porte. C'est dans cet abri improvisé au milieu d'un vaste terrain vague de Djaderiya, quartier chiite de classe moyenne, au coeur de la capitale irakienne, que Karim Radi, sa femme et ses quatre enfants, vivent «planqués» depuis trois mois. «On survit. On n'a pas le choix», dit-il.

    Trois mois déjà que la petite famille chiite, originaire de Latifiya, bastion de l'insurrection sunnite, au sud de Bagdad, a fui «l'enfer» par une matinée de printemps qui n'en avait pas la couleur. Ce jour-là, Karim Radi s'était enfin décidé, à contrecoeur, à aller vider sa boutique, car les menaces à l'encontre de la communauté chiite étaient devenues trop pesantes. Trop d'attaques ciblées, trop d'enlèvements, trop de pèlerins tués dans cette ville de transit qu'il faut traverser pour aller se recueillir, plus au sud, sur le tombeau de l'imam Ali, à Najaf, la cité chiite irakienne. Quand, à quelques mètres de ses yeux, une voiture piégée fit partir sa boutique en fumée, Karim Radi comprit qu'il avait déjà attendu trop longtemps.

    Au camp «Djaderiya», surnom donné à ce terrain vague, où s'entassent une vingtaine d'autres familles chiites, des hommes, des femmes et des enfants dévastés par le même genre de tragédie ont atterri, au cours de ces derniers mois, les valises vides et la tête remplie de cauchemars. Il y a les Nadji Kadhom, originaires d'al-Hurriya, enclave sunnite au nord de Bagdad, qui ont pris la fuite après avoir vu des hommes masqués abattre leurs voisins sous leurs yeux. Il y a les Hussein, débarqués du quartier mixte de Dora, duquel les chiites sont chassés comme des lapins. Et puis, il y a les Hassan Fayad, échappés de Youssefiya, un autre faubourg sunnite, à cause des lettres de menaces qui envahissaient leur boîte aux lettres.

    55% des déplacés ont moins de 15 ans


    Ces camps de «réfugiés internes», il en a poussé une dizaine à travers le pays, dont cinq à Bagdad, en quatre mois. Ils sont l'illustration de la guerre interconfessionnelle qui oppose la minorité sunnite, ancienne détentrice du pouvoir, à la majorité chiite (près de 60% de la population), dont les dirigeants occupent aujourd'hui des postes clés au sein du nouveau régime. Pour survivre, de nombreux chiites et sunnites fuient désormais les zones où les membres de leur communauté ne sont pas majoritaires. À Faludja, Latifiya, Baqubah, les chiites plient bagage. À Karbala, Najaf, Bassora, ce sont les sunnites qui s'en vont. Un peu partout, écoles, mosquées, parcs de loisirs et entrepôts ont été réquisitionnés pour abriter les populations.

    D'après les dernières données communiquées par la Mission d'assistance de l'ONU pour l'Irak (Unami), quelque 150 000 Irakiens ont fui leur domicile en quatre mois. En réalité, ce chiffre pourrait être largement supérieur, car il ne prend pas en compte les Irakiens qui se réfugient chez des membres de leur famille ou qui partent à l'étranger. «C'est une véritable tragédie humaine», s'alarme le docteur Saeed Hakki, à la tête du Croissant rouge irakien. «35% des déplacés sont des femmes, et 55% d'entre eux sont des jeunes de moins de 15 ans», dit-il.

    Pour faire face à la crise, les effectifs de son organisation humanitaire ne cessent de gonfler. Ils sont passés de 3 000, à la chute du régime de Bagdad, en avril 2003, à 100 000 aujourd'hui...

    Le problème des déplacés s'est, en fait, aggravé depuis l'attentat commis, en février, contre le sanctuaire chiite de Samarra et les représailles qui s'en suivirent. D'un côté, des groupuscules sunnites s'attaquent à des mosquées, des marchés et des civils chiites. De l'autre, des chiites se réclamant des forces de l'ordre torturent et tuent, sans merci, des sunnites, qu'ils arrêtent souvent en pleine nuit.

    «Nous vivons sous la dictature de l'ombre», se lamente Mahdi Hamadi, 57 ans, un professeur de français de confession chiite. «Sous Saddam, on savait qu'il fallait se méfier des services de renseignements. Aujourd'hui, les chiites doivent se méfier de certains sunnites, et les sunnites de certains chiites», dit-il. Le mois dernier, il a dû quitter précipitamment, avec sa mère, ses frères et leurs enfants, la maison familiale de 600 mètres carrés située à Ghazaliya, un autre quartier mixte à majorité sunnite, à l'ouest du Tigre. Une enveloppe, déposée au petit matin devant la porte, ne leur a pas laissé le choix : «Vous avez trois jours pour partir. Sinon, vous êtes morts», disait la lettre, accompagnée d'une balle. «On a emporté le strict minimum : quelques valises, un réfrigérateur, la cuisinière. Par peur, on n'a même pas prévenu les voisins. Dans ce genre de circonstance, vous ne pensez qu'à une chose : sauver votre peau», dit-il, encore sous le choc. Pour lui, quitter cette maison, c'est laisser derrière lui les rares derniers bons souvenirs du Bagdad prospère de sa jeunesse.

    En 2005, quelque 650 000 Irakiens ont quitté le pays

    «Cette maison, dit-il, c'était la fierté de la famille. Je l'avais construite en 1975, après mon retour de France, où j'avais étudié», souffle-t-il. À l'époque, les autorités de Bagdad offraient, dans le quartier de Ghazaliya, des terrains à prix modique aux jeunes diplômés. «On l'appelait «le quartier des qualifiés». Vous y croisiez des médecins, des professeurs, des étrangers. C'était un quartier très en vue, avec de grandes villas et de beaux jardins. Aujourd'hui, l'ambiance y est tellement tendue que personne n'ose s'y aventurer», regrette-t-il. Après avoir quitté à nouveau l'Irak, en 1983, après l'exécution, par les hommes de Saddam, d'un de ses frères, accusé d'être communiste, Mahdi Hamadi avait retrouvé la villa familiale, il y a un an et demi, avec un brin d'espoir. «Aujourd'hui, souffle-t-il, je regrette d'être revenu. La situation ne fait qu'empirer. J'en suis malade». S'il en a les moyens, dit-il, il choisira à nouveau l'exil. Sur la seule année 2005, plus de 650 000 Irakiens ont déjà quitté le pays.

    Tous les quartiers mixtes à majorité sunnite, situés dans la partie ouest de la capitale sont devenus des «zones interdites» pour les chiites. À l'inverse, les rares sunnites qui habitent Sadr City, le faubourg chiite, s'en vont aussi, sous la menace. À tel point que le Tigre, qui traverse Bagdad du nord au sud, est en train de faire office de ligne de démarcation entre quartiers sunnites et chiites, à l'image de la Ligne verte séparant, à Beyrouth, zone chrétienne et zone musulmanes pendant la guerre civile libanaise, dans les années 1980.

    Partout, les exemples de discrimination pullulent. «Le jour où j'ai vu ma voisine chiite interdire à sa petite fille de jouer avec mon fils, en le traitant de «terroriste sunnite», j'ai compris qu'il fallait mieux partir», confie Omar Rashid, un ingénieur sunnite. «À l'époque, les mariages mixtes étaient fréquents. Une de mes soeurs a, par exemple, épousé un sunnite», se souvient Hussein Jassin, chiite originaire de Dora, dont la famille vient de déménager à Zafarania, où leur communauté est majoritaire. «J'ai fini par couper le contact avec mon beau-frère, car à chaque fois qu'on se voyait, ça chauffait trop. Malheureusement, on n'arrive plus à se comprendre», dit-il. Quand, il y a quelques mois, on lui a proposé un poste d'enseignant à Erbil, au Kurdistan irakien, la seule enclave de prospérité au nord du pays, il n'a pas hésité une seconde. «À Bagdad, j'avais l'impression d'être devenu un étranger dans ma propre ville. Là-bas, je respire», confie Hussein Jassin.

    Par Le figaro
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