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MAROC: Les péripéties du business français au Maroc

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  • MAROC: Les péripéties du business français au Maroc

    La France bénéficie depuis l'indépendance du Maroc d'une position économique très privilégiée dans le royaume. Mais cette situation de quasi-monopole est remise en question depuis une décennie par l'ouverture de l'économie marocaine et... les appétits grandissants du business royal.

    La visite d'Etat qu'effectue François Hollande au Maroc à partir d'aujourd'hui, souhaitée par le Palais dès l'accession du socialiste à l'Elysée en mai 2012, est avant tout symbolique. Les dossiers économiques ont déjà fait l'objet d'une grand messe franco-marocaine en décembre dernier, en présence du Premier ministre français Jean-Marc Ayrault. Pour Rabat, inquiet d'un possible réchauffement des relations franco-algériennes, cette visite présidentielle au Maroc était perçue comme nécessaire suite au voyage du président français à Alger en décembre dernier.

    Le Maroc, atelier de l'Hexagone

    Les échanges commerciaux entre la France et le Maroc ont atteint 8 milliards d'euros en 2012 et sont plus beaucoup plus diversifiés qu'avec le voisin algérien. Au-delà des échanges agricoles (blé français contre agrumes et primeurs marocains) et l'envoi de machines, la France fournit au royaume du matériel de transport, du textile et des produits électriques et informatiques..., qui, une fois transformés localement, constituent en retour les principales exportations marocaines vers la France.

    Selon les données de l'Office des Changes, Paris est le partenaire commercial qui utilise le plus ces « réexportations », qui constituaient en 2010 près de 70% du total des exportations marocaines.

    Présence « privilégiée » depuis le Protectorat

    Mais la relation économique France-Maroc ne se limite pas aux échanges bilatéraux, loin de là. Grâce à une indépendance « négociée » et à la qualité des réseaux tissés depuis avec le Palais et la bourgeoisie marocaine, la France est restée jusqu'à aujourd'hui un acteur majeur de l'économie du royaume.

    Plus d'un millier d'entreprises françaises sont installées ici. Les multinationales du CAC40 sont présentes en masse dans les secteurs régulés et non-productifs (télécommunications, banques, assurance, transport, énergie, tourisme, etc.). Elles bénéficient de marges très confortables (Lafarge) et constituent même parfois de véritables vaches à lait (Maroc Télécom) dont les bénéfices sont plus souvent rapatriés dans l'Hexagone que réinvestis sur place.

    Aujourd'hui, le chiffre d'affaires des 20 premières sociétés marocaines à capitaux français représente plus de 10% du PIB du royaume.

    Top 20 des sociétés marocaines à capitaux français


    Sources : comptes annuels *2011 **2010

    Il serait faux cependant de croire que rien n'a changé ces dernières années. Car si officiellement les relations économiques France-Maroc restent « exceptionnelles », elles ont dû faire face à deux événements majeurs depuis la fin des années 90 : l'ouverture progressive de l'économie marocaine, et donc de la concurrence internationale, mais aussi l'affairisme effréné du nouveau souverain, qui s'est mis lui aussi à « pressurer » les secteurs les plus juteux de l'économie nationale.

    Relations tendues avec le Palais

    Le cas d'Auchan est à ce niveau assez révélateur. Le groupe français de distribution avait signé un accord en 2000 avec l'ONA pour s'implanter au Maroc en créantla chaîne de supermarchés Acima et en développant le réseau d'hypermarchés Marjane. La stratégie du patron de l'ONA à l'époque, Mourad Chérif, était de confier la gestion des sociétés contrôlées par la holding royale à des opérateurs étrangers expérimentés.

    Très vite, la direction d'Auchan a pourtant été confrontée aux « humeurs » du duo Majidi-Bouhemou, qui entendait imposer ses propres règles pour faire remonter « au patron » un maximum de cash. C'est ainsi qu'Auchan s'est retrouvé obligé de placer en tête de gondole de ses supermarchés uniquement les produits issus des autres filiales de l'ONA. Puis, en 2006, la holding royale a décidé unilatéralement d'augmenter le nombre de ses administrateurs au sein des filiales communes.

    Auchan a contesté la décision, contraire à l'accord signé en 2000, mais a été débouté par la justice marocaine. Ce qui fera dire au président du directoire d'Auchan à l'époque, Christophe Dubrulle : « Cette conclusion nous stupéfie littéralement. [...] je suis forcé d'en conclure que les protocoles d'accords internationaux signés par l'ONA semblent ne pas avoir de valeur au Maroc ». Le groupe français quittera le royaume l'année suivante.

    D'autres multinationales françaises comme Axa, Danone et Veolia ont subi les attaques du duo Majidi-Bouhemou entre 2005 et 2007. Les auteurs du livre « Le Roi prédateur » expliquent que ces patrons ont tous pointés au bureau de Jacques Chirac pour obtenir une médiation de l'Elysée.

    Concernant Axa, les dirigeants de la holding royale souhaitaient tout simplement racheter à moindre prix l'intégralité des parts de sa filiale marocaine. Face au refus du groupe français, ils ont finalement développé Wafa assurances, qui est devenu en quelques années seulement le n°1 du secteur...

    Les relations entre le Palais et les multinationales françaises ne se sont pas améliorées avec la fusion ONA-SNI en 2010, à l'issue de laquelle Axa, Danone et Lafarge ont été obligées de mettre la main à la poche pour maintenir leurs participations dans le nouvel ensemble. Le contrat signé fin 2010 par Alstom pour la fourniture des rames du futur TGV – un « cadeau » de Mohammed VI à Nicolas Sarkozy, annoncé fin 2007 – a enchanté l'industrie ferroviaire française mais n'a pas forcement rassuré les grands patrons de l'Hexagone quant à l'environnement des affaires au Maroc.

    Crise économique, Printemps arabe et nouveaux partenariats

    Le partenariat franco-marocain était donc « condamné » à évoluer. Les gestions déléguées ont été critiquées par la rue marocaine lors du 20 février, ce qui a précipité le départ de Veolia ; les banques de la place craignent l'arrivée annoncée de leurs homologues dites « islamiques » ; la faiblesse des PME françaises à l'export et la crise économique qui frappe l'Europe a permis à l'Espagne de récupérer des parts de marché au Maroc au détriment de la France. Pour la première fois, en 2012, Madrid a ainsi « soufflé » à Paris la place de premier fournisseur du royaume.

    Face à cet état de fait, la France a été contrainte de changer de fusil d'épaule. Place désormais aux « partenariats gagnant-gagnant », à la formation et aux investissements dans des secteurs où les entreprises françaises sont réellement compétitives (sans concurrencer le business royal) : transport, énergie, automobile, aéronautique, agro-alimentaire, etc. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les nombreux plans sectoriels lancés ces dernières années (Emergence, Azur, Maroc Vert, etc.) ont été littéralement épluchés par les autorités et entreprises des deux pays lors des dernières rencontres de haut niveau France-Maroc, sous la houlette des Conseillers du Commerce Extérieur Français (CCEF), afin de dégager les futures pistes de coopération...


    Lakome-Maroc



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