Les couples maghrébiens explosent: On divorce toujours parce que l’autre a tort, sauf vous, bien sûr…
Par Omar Abdelkhalek
À l’étranger, le malheur n’arrive jamais seul, le divorce coïncide souvent avec la période difficile, pour la plupart d’entre eux durant les premières années de l’émigration, au moment même où ils souffrent de l’éloignement familial, de l’isolement et des affres de l’exclusion.
Les hommes endurent plus que les femmes. En plus des problèmes d’adaptation, ils affrontent la rébellion des épouses et des enfants. Une nouvelle étape commence pour tout le monde, semée d’embûches au cours de laquelle ils cherchent dans la douleur de nouveaux repères de stabilité qui leur permettent de s’accrocher en vain au rêve américain.
Pour certains, c’est dans le drame de la séparation qu’ils traversent les rudes épreuves de l’intégration. Une période difficile et déprimante dosée de stress, d’autant plus qu’avec du recul, elle nous dresse des bilans surprenants et contradictoires. Simple exemple parmi d’autres : avec tout ce qu’un immigrant endure, c’est dans le camp des privilégiés et des personnes aisées, originaires du pays d’accueil que le taux de suicide est parfois le plus élevé.
Depuis 1992, l’O.N.U. vante la qualité de vie en Amérique du Nord et place le Canada à la tête des pays où il fait bon de vivre. Durant neuf ans, elle a régné sur l’Indice de Développement Humain, IDH, avant d’être supplanté par la Norvège. Dans le récent rapport des Nations Unies publié au mois de septembre 2005,
le Canada a perdu plusieurs places et se trouve au cinquième rang, derrière trois pays européen : la Norvège, l’Islande et le Luxembourg. Le Canada est un pays immense et cosmopolite qui fait partie du G7, un passé propre, de grands espaces inhabités et des richesses inexploitées. La majorité des nouveaux arrivants pensent que la qualité de vie est meilleure qu’ailleurs. Ils débarquent avec des projets encombrants.
Travailler avec l’idée du retour, faire beaucoup d’argent et obtenir au bout de trois ans, le passeport Canadien qui leur ouvre toutes les frontières. Ils consacrent une partie importante de leur économie pour bâtir une maison ou s’offrir un commerce au pays natal quant a d’autres envoient beaucoup d’argent à leurs familles et se privent de choses essentielles.
D’ici, ils investissent pour là-bas et au bout de deux lustres, ils se rendent compte qu’ils sont très attachés au pays d’accueil.
Les couples se mettent dans une situation financière difficile, propice aux conflits conjugaux. Une fois sur le sol américain, le rêve croise la réalité du vécu quotidien.
La nouvelle comptabilité échappe aux instruments d’analyse sur lesquels, l’immigrant a fondé son projet d’émigration. Parmi les surprises qui les attendent sont la non reconnaissance des diplômes, de l’expérience de travail
à l’étranger et le retrait du nom de l’époux de l’identité de sa femme.
Yasmina, 32 ans, avait vendu tous ses bijoux et remit ses économies à son conjoint avant de quitter son pays natal. « Une fois au Canada, lors d’une querelle, confie-t-elle, il m’a dit : ferme ta gueule, c’est grâce à moi que tu es ici et si tu n’es pas contente, la porte ! Ses propos ont mis le feu dans ma tête, c’était impossible d’éteindre l’incendie ensemble, il fallait que je parte. Je ne pouvais plus le supporter ». Le cas de Yasmina n’est malheureusement pas une exception. En fait, 60 % des couples étrangers explosent dans les cinq premières années suivant leur arrivée au Canada. En terme de pourcentage, les Maghrébins sont bien placés. Ce n’est pas vraiment une surprise.
Il suffit de regarder autour de soi pour s’en rendre compte. Les agents de l’immigration ne cachent plus la vérité aux nouveaux arrivants qui assistent aux séances d’informations du ministère de l’immigration du Québec. Les témoignages ne manquent pas,
mais la plupart des gens que j’ai rencontrés refusent que leurs noms soient publiés et leurs histoires racontées. Ces histoires, la plupart sont connues de tous, mais personne ne semble vouloir réagir. Rahmani Belgacem, professeur au HEC, a été parmi les premiers à soulever le problème auprès des autorités.
Le fossé est profond et pendant qu’on cherche des solutions, les coupables sont déjà désignés : « Al Maktoub » et le choc culturel partagent la responsabilité. Pour en savoir plus,
je me suis adressé à des organismes communautaires, à des avocats et aux personnes concernées par les problèmes conjugaux, certains ont accepté de parler, par contre, plusieurs ont refusé de s’adresser à leur communauté, sous prétexte qu’il ne fallait pas frustrer le pays d’accueil.
C’est une « catastrophe » selon Mohamed Boudjemline, directeur de l’agence matrimoniale ALIA, soulignant qu’il est urgent de se pencher sur ce problème ». En lançant ALIA, il a reçu par la suite plusieurs coups de fil provenant de personnes stressées.
« Je me suis retrouvé parfois dans des situations difficiles auxquelles je n’étais pas préparé. Pour mieux servir notre communauté, nous sommes en train de développer d’autres services, entre autres, une ligne verte où les gens, confrontés aux problèmes conjugaux, peuvent consulter gratuitement psychologues et avocats ».
L'intervention de l'Imam, de la mosquée Abou Bakr Essedik, n'a pas surpris les fidèles le dimanche 4 mai 2003 lorsqu'il a déclaré qu'il y a un grand problème lié au divorce. Entre midi et 17h00, dit-il,
quinze personnes sont venues me voir pour le divorce, c'est trop ! ». Bénévole, Farid Mékideche a été témoin de plusieurs cas et son expérience est riche d'enseignements. Depuis 17 ans, plusieurs couples se sont séparés dans son entourage. Au début, confie-t-il, « je ne comprenais pas ce qui se passait, mais il fallait intervenir rapidement auprès des familles. La médiation était difficile, mais nécessaire.
Sur les 12 cas où j'ai eu à intervenir, un seul s'est soldé par un échec ». L'homme d'affaires montréalais, avait pensé former un comité de sages pour intervenir dans les affaires délicates touchant la communauté, mais il a été confronté à plusieurs obstacles.
Il reconnaît lui-même que c'est difficile de convaincre les gens du bien fondé de son projet, cependant il ne désespère pas, en compagnie d'un Imam, il a rendu visite à une femme séparée, le but étant d'offrir des services de médiation pour elle et son époux.
Mais l'accueil a été mouvementé :
« Après les présentations, dit-t-il,
la femme a menacé d'appeler la police si on ne repartait pas tout de suite ».
Alors l'Imam m'a dit : « Je n'ai rien à faire ici, j'ai fait ce que je devais faire, nous partons maintenant ».
De leur côté, les associations communautaires se battent seules pour apporter un peu de réconfort aux personnes en difficulté. La plupart de ces associations, comme le Centre Culturel Algérien, le Regroupement des Marocains au Canada (RMC),
le Regroupement des Algériens au Canada (RAC) ou encore les Services Sociaux à la Famille Musulmane du Québec (SSFMQ) sont privées de financement, elles vivent de dons.
D'autre part, les services gouvernementaux concernés par le divorce et la séparation ne sont efficaces qu'à travers les instruments de comptabilité qui leur permettent de fournir chaque année, des chiffres classés et répertoriés par catégories d'âge.
Une fois les statistiques complétées, elles sont disponibles sous forme de tableaux et schémas et mises à la disposition des spécialistes.
Dans ses conclusions sur le divorce au Canada (2002), Anne Marie Ambert, Ph.D. de l'Université de York à Toronto, explique que « les statistiques sur le divorce sont difficiles à comprendre et, par conséquent, souvent mal interprétées ».
De plus, les autorités administratives offrent peu de solutions si ce n'est l'aide juridique aux assistés sociaux à laquelle certains avocats n'accordent aucun crédit. Quant à la médiation, elle reste à l'approbation des deux parties et a peu de chance d'aboutir.
Par Omar Abdelkhalek
À l’étranger, le malheur n’arrive jamais seul, le divorce coïncide souvent avec la période difficile, pour la plupart d’entre eux durant les premières années de l’émigration, au moment même où ils souffrent de l’éloignement familial, de l’isolement et des affres de l’exclusion.
Les hommes endurent plus que les femmes. En plus des problèmes d’adaptation, ils affrontent la rébellion des épouses et des enfants. Une nouvelle étape commence pour tout le monde, semée d’embûches au cours de laquelle ils cherchent dans la douleur de nouveaux repères de stabilité qui leur permettent de s’accrocher en vain au rêve américain.
Pour certains, c’est dans le drame de la séparation qu’ils traversent les rudes épreuves de l’intégration. Une période difficile et déprimante dosée de stress, d’autant plus qu’avec du recul, elle nous dresse des bilans surprenants et contradictoires. Simple exemple parmi d’autres : avec tout ce qu’un immigrant endure, c’est dans le camp des privilégiés et des personnes aisées, originaires du pays d’accueil que le taux de suicide est parfois le plus élevé.
Depuis 1992, l’O.N.U. vante la qualité de vie en Amérique du Nord et place le Canada à la tête des pays où il fait bon de vivre. Durant neuf ans, elle a régné sur l’Indice de Développement Humain, IDH, avant d’être supplanté par la Norvège. Dans le récent rapport des Nations Unies publié au mois de septembre 2005,
le Canada a perdu plusieurs places et se trouve au cinquième rang, derrière trois pays européen : la Norvège, l’Islande et le Luxembourg. Le Canada est un pays immense et cosmopolite qui fait partie du G7, un passé propre, de grands espaces inhabités et des richesses inexploitées. La majorité des nouveaux arrivants pensent que la qualité de vie est meilleure qu’ailleurs. Ils débarquent avec des projets encombrants.
Travailler avec l’idée du retour, faire beaucoup d’argent et obtenir au bout de trois ans, le passeport Canadien qui leur ouvre toutes les frontières. Ils consacrent une partie importante de leur économie pour bâtir une maison ou s’offrir un commerce au pays natal quant a d’autres envoient beaucoup d’argent à leurs familles et se privent de choses essentielles.
D’ici, ils investissent pour là-bas et au bout de deux lustres, ils se rendent compte qu’ils sont très attachés au pays d’accueil.
Les couples se mettent dans une situation financière difficile, propice aux conflits conjugaux. Une fois sur le sol américain, le rêve croise la réalité du vécu quotidien.
La nouvelle comptabilité échappe aux instruments d’analyse sur lesquels, l’immigrant a fondé son projet d’émigration. Parmi les surprises qui les attendent sont la non reconnaissance des diplômes, de l’expérience de travail
à l’étranger et le retrait du nom de l’époux de l’identité de sa femme.
Yasmina, 32 ans, avait vendu tous ses bijoux et remit ses économies à son conjoint avant de quitter son pays natal. « Une fois au Canada, lors d’une querelle, confie-t-elle, il m’a dit : ferme ta gueule, c’est grâce à moi que tu es ici et si tu n’es pas contente, la porte ! Ses propos ont mis le feu dans ma tête, c’était impossible d’éteindre l’incendie ensemble, il fallait que je parte. Je ne pouvais plus le supporter ». Le cas de Yasmina n’est malheureusement pas une exception. En fait, 60 % des couples étrangers explosent dans les cinq premières années suivant leur arrivée au Canada. En terme de pourcentage, les Maghrébins sont bien placés. Ce n’est pas vraiment une surprise.
Il suffit de regarder autour de soi pour s’en rendre compte. Les agents de l’immigration ne cachent plus la vérité aux nouveaux arrivants qui assistent aux séances d’informations du ministère de l’immigration du Québec. Les témoignages ne manquent pas,
mais la plupart des gens que j’ai rencontrés refusent que leurs noms soient publiés et leurs histoires racontées. Ces histoires, la plupart sont connues de tous, mais personne ne semble vouloir réagir. Rahmani Belgacem, professeur au HEC, a été parmi les premiers à soulever le problème auprès des autorités.
Le fossé est profond et pendant qu’on cherche des solutions, les coupables sont déjà désignés : « Al Maktoub » et le choc culturel partagent la responsabilité. Pour en savoir plus,
je me suis adressé à des organismes communautaires, à des avocats et aux personnes concernées par les problèmes conjugaux, certains ont accepté de parler, par contre, plusieurs ont refusé de s’adresser à leur communauté, sous prétexte qu’il ne fallait pas frustrer le pays d’accueil.
C’est une « catastrophe » selon Mohamed Boudjemline, directeur de l’agence matrimoniale ALIA, soulignant qu’il est urgent de se pencher sur ce problème ». En lançant ALIA, il a reçu par la suite plusieurs coups de fil provenant de personnes stressées.
« Je me suis retrouvé parfois dans des situations difficiles auxquelles je n’étais pas préparé. Pour mieux servir notre communauté, nous sommes en train de développer d’autres services, entre autres, une ligne verte où les gens, confrontés aux problèmes conjugaux, peuvent consulter gratuitement psychologues et avocats ».
L'intervention de l'Imam, de la mosquée Abou Bakr Essedik, n'a pas surpris les fidèles le dimanche 4 mai 2003 lorsqu'il a déclaré qu'il y a un grand problème lié au divorce. Entre midi et 17h00, dit-il,
quinze personnes sont venues me voir pour le divorce, c'est trop ! ». Bénévole, Farid Mékideche a été témoin de plusieurs cas et son expérience est riche d'enseignements. Depuis 17 ans, plusieurs couples se sont séparés dans son entourage. Au début, confie-t-il, « je ne comprenais pas ce qui se passait, mais il fallait intervenir rapidement auprès des familles. La médiation était difficile, mais nécessaire.
Sur les 12 cas où j'ai eu à intervenir, un seul s'est soldé par un échec ». L'homme d'affaires montréalais, avait pensé former un comité de sages pour intervenir dans les affaires délicates touchant la communauté, mais il a été confronté à plusieurs obstacles.
Il reconnaît lui-même que c'est difficile de convaincre les gens du bien fondé de son projet, cependant il ne désespère pas, en compagnie d'un Imam, il a rendu visite à une femme séparée, le but étant d'offrir des services de médiation pour elle et son époux.
Mais l'accueil a été mouvementé :
« Après les présentations, dit-t-il,
la femme a menacé d'appeler la police si on ne repartait pas tout de suite ».
Alors l'Imam m'a dit : « Je n'ai rien à faire ici, j'ai fait ce que je devais faire, nous partons maintenant ».
De leur côté, les associations communautaires se battent seules pour apporter un peu de réconfort aux personnes en difficulté. La plupart de ces associations, comme le Centre Culturel Algérien, le Regroupement des Marocains au Canada (RMC),
le Regroupement des Algériens au Canada (RAC) ou encore les Services Sociaux à la Famille Musulmane du Québec (SSFMQ) sont privées de financement, elles vivent de dons.
D'autre part, les services gouvernementaux concernés par le divorce et la séparation ne sont efficaces qu'à travers les instruments de comptabilité qui leur permettent de fournir chaque année, des chiffres classés et répertoriés par catégories d'âge.
Une fois les statistiques complétées, elles sont disponibles sous forme de tableaux et schémas et mises à la disposition des spécialistes.
Dans ses conclusions sur le divorce au Canada (2002), Anne Marie Ambert, Ph.D. de l'Université de York à Toronto, explique que « les statistiques sur le divorce sont difficiles à comprendre et, par conséquent, souvent mal interprétées ».
De plus, les autorités administratives offrent peu de solutions si ce n'est l'aide juridique aux assistés sociaux à laquelle certains avocats n'accordent aucun crédit. Quant à la médiation, elle reste à l'approbation des deux parties et a peu de chance d'aboutir.
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