La perspective d’élargir la mission de la Minurso pour englober la surveillance des droits de l’Homme dans les territoires occupés ne semble pas être du goût du royaume chérifien. Makhzen et opposition, pris de panique, tentent d’anticiper sur la décision du Conseil de sécurité des Nations unies, qui interviendra dans cinq jours, et de réagir d’une seule voix contre cette option revendiquée par plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme, surtout après le simulacre de procès de Gdim Izik.
Citant les verdicts prononcés lors de ce procès, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, avait lui-même indiqué que « le besoin d’un mécanisme indépendant, impartial, complet et prolongé de surveillance des droits de l’Homme, à la fois au Sahara occidental et dans les camps, est plus que jamais pressant ».
Réagissant à cette nouvelle situation, les autorités marocaines ne sont pas allées de main morte pour dénoncer un « complot contre la souveraineté nationale » du Maroc.
Le ministre délégué aux Affaires étrangères et à la Coopération, Youssef Amrani, a qualifié avant-hier de « ligne rouge » la création de tout mécanisme international de contrôle des droits humains dans « les provinces du sud du Royaume » et a écarté toute possibilité de négociation à ce propos.
Le Parlement marocain, avec ses deux chambres et toutes tendances politiques confondues, réuni en urgence avant-hier, a qualifié, lui aussi, de « grave menace à l’entité nationale qu’on ne peut négliger en aucune manière » et « une flagrante atteinte à la souveraineté nationale » la perspective de modification de la mission de la Minurso.
Et du côté de la classe politique, c’est l’unanimisme plat. Plateaux télés et déclarations médiatiques se succèdent pour crier au complot et dénoncer une « ingérence » dans les affaires internes du pays. A gauche comme à droite ou chez les islamistes, la réaction est quasi-identique. Pour l’USFP, cette initiative est un « plan-complot » visant à enterrer la résolution 1991 relative à la Minurso en lui attribuant des compétences qui « n’ont jamais fait l’objet d’un accord » entre toutes les parties. Son premier secrétaire, Driss Lachgar, a indiqué que sa formation « a eu le sentiment qu’un complot était ourdi contre l’intégrité territoriale du Maroc ».
Le Bureau politique de ce parti a décidé d’appeler à une réunion publique du Parlement pour condamner ce plan-complot et d’adresser un message clair à l’opinion publique internationale pour montrer que « les Marocains sont unis autour de cette question ». Même son de cloche du côté du Parti socialiste unifié, qui rejette, lui aussi, toute modification de la mission de la Minurso ou tout élargissement de ses compétences. Réagissant par la voix de sa secrétaire générale, Nabila Mounib, il a souligné que cette initiative est de nature à porter profondément atteinte à la souveraineté du Maroc qui ne peut en aucun cas être victime de la situation géopolitique dans la région. A ce propos, « les solutions portant atteinte à la souveraineté du Royaume sont inacceptables », a-t-elle déclaré. De son côté, Al Ahd Addimocrati, a également exprimé son refus de cette proposition en réitérant dans un communiqué, rendu public par son bureau politique, l’attachement du Maroc au respect des droits de l’Homme et à son intégrité territoriale. Plus royaliste, Al Ahd Addimocrati s’en prend à l’Algérie en l’accusant d’exactions sur les réfugiés sahraouis dans les camps de Tindouf. Se joignant au bal, l’Association marocaine de solidarité sahraouie en Europe (AMSSE) dénonce une tentative de « politiser » la mission de la Minurso.
Dans un communiqué repris par la MAP, elle appelle les Nations unies à traiter le dossier de la question du Sahara occidental avec « objectivité et réalisme », en accusant le Polisario d’être impliqué et responsable dans la crise au Sahel dans tout ce qui se passe dans cette région.
Puisant dans les vieilles rengaines du Makhzen datant du temps de la guerre froide, Talal Belrhiti, ancien consultant politique à Washington, dans une tribune publiée par le magazine américain The National Interest, accuse des groupes marxistes marocains financés par l’Algérie et la Libye d’être à l’origine de la création du Polisario et de la persistance de ce conflit pour faire payer au Maroc son alignement sur le monde dit « libre ».
C’est la faute à Kerry Kennedy et à Javier Bardem !
C’est l’un des arguments avancés par le patron du think-tank marocain Amadeus, Brahim Fassi Fihri, fils du conseiller royal et ex-chef de la diplomatie marocaine Taïeb Fassi Fihri, envoyé, ces jours-ci, à la tête d’une délégation en mission vers les grandes capitales, dont Moscou et Pékin. Pour un peu, le Palais royal marocain, en plein émoi devant ce qu’il croit être un « lâchage » de Washington, se transformerait en organisation anti-impérialiste. C’est la faute à Kerry Kennedy, Javier Bardem, mais aussi Susan Rice, la « méchante » qui aurait ourdi le texte prévoyant que la Minurso s’occupe également de la surveillance des droits de l’Homme au Sahara occidental et dans les camps de réfugiés de Tindouf. John Kerry, le nouveau secrétaire d’Etat, est également suspecté de chercher un « rééquilibrage » en faveur de l’Algérie contrairement à Hillary Clinton beaucoup pro-marocaine.
C’est aussi une partie de l’explication fournie par Brahim Fassi Fihri qui qualifie le projet de résolution sur la prolongation du mandat de la Minurso, présenté par les Etats-Unis, le 9 avril dernier, au « Groupe des Amis sur la question du Sahara » (composé des membres permanents du Conseil de sécurité et de l’Espagne), « d’évolution inquiétante dans la gestion de ce dossier par la première puissance mondiale ». Un changement de « position » qui, écrit le fils du conseiller royal, « contredit près de 40 années de neutralité positive vis-à-vis des arguments du Royaume ». Tout cela parce que les Etats-Unis préconisent que la Minurso, qui comme son nom l’indique, est destinée à organiser le référendum d’autodétermination au Sahara occidental sans arriver à le faire. La Minurso est devenue, par la volonté des Etats-Unis, une mission de surveillance du cessez-le-feu. Dans les faits, elle a donc « gelé » le conflit sans le résoudre, une situation qui profite au Maroc, dont le jeu a consisté à gagner du temps.
Les Etats-Unis n’innovent pas, les Organisations des droits de l’Homme ont toujours défendu l’idée que les missions des Nations unies avaient, par nature et par respect de la charte, une obligation de surveiller la situation des droits de l’Homme.
On peut supposer, éventuellement, que les Etats-Unis recherchent à travers la mise en place d’un mécanisme international de surveillance des droits de l’Homme à « libérer » les sociétés civiles et faire bouger les lignes dans un dossier figé depuis des décennies. Mais cela n’explique pas l’état de panique qui a saisi le palais marocain. Celui-ci a décrété carrément la mobilisation politique générale et a convoqué les forces politiques pour « réitérer le consensus national ».
Dans un style très parti unique et avec souvent des outrances verbales, en direction de l’Algérie, l’initiative américaine est décriée comme une atteinte à la souveraineté. Des ONG se sont même fait le devoir « patriotique » de s’adresser au secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, pour affirmer que les droits de l’Homme sont protégés et font l’objet de leur « attention ». Dans cet élan patriotique hystérique, garder l’esprit libre relève de la gageure et du courage.
C’est le cas de l’AMDH (association marocaine des droits de l’homme) qui, comme HumanRights Watch ou Amnesty International, a salué cette extension du rôle de la Minurso à la surveillance des droits de l’Homme. « Tout mécanisme de surveillance onusien des droits de l’Homme ne peut être que bénéfique, aussi bien au Sahara que dans les camps de Tindouf », a souligné avec une cohérence implacable, Khadija Ryadi présidente de l’AMDH. L’association est attaquée de toute part, les moins « excessifs » l’accusent d’être des « trotsko-léninistes » ! Le Palais royal anti-impérialiste et les « trotsko-léninistes », cela donne une idée du climat délirant. Le Makhzen n’y va pas de main morte.
Des voix cependant se font entendre au milieu de cette hystérie pour souligner qu’il n’y a rien d’anormal à ce que les Nations unies se mêlent des droits de l’Homme. Le site Lakome souligne d’ailleurs le caractère contreproductif de la démarche officielle marocaine. « Il apparaît donc que par cette réaction, Rabat a coupé le ‘’cheveu de Mouaouia’’ avec les Etats-Unis, et qu’il ne lui reste comme seul recours que la position que prendra la France ; et comme il est peu probable que Paris entre en confrontation directe avec Washington en lui opposant son veto, la France devrait se contenter d’alléger les termes de la résolution à venir.» Mais au Palais, on ne pense plus. On n’a les yeux que sur Kerry Kennedy et Javier Bardem.
Écrit par Boudjemaâ Medjkoun et Lena Azizi
reporters.dz
Citant les verdicts prononcés lors de ce procès, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, avait lui-même indiqué que « le besoin d’un mécanisme indépendant, impartial, complet et prolongé de surveillance des droits de l’Homme, à la fois au Sahara occidental et dans les camps, est plus que jamais pressant ».
Réagissant à cette nouvelle situation, les autorités marocaines ne sont pas allées de main morte pour dénoncer un « complot contre la souveraineté nationale » du Maroc.
Le ministre délégué aux Affaires étrangères et à la Coopération, Youssef Amrani, a qualifié avant-hier de « ligne rouge » la création de tout mécanisme international de contrôle des droits humains dans « les provinces du sud du Royaume » et a écarté toute possibilité de négociation à ce propos.
Le Parlement marocain, avec ses deux chambres et toutes tendances politiques confondues, réuni en urgence avant-hier, a qualifié, lui aussi, de « grave menace à l’entité nationale qu’on ne peut négliger en aucune manière » et « une flagrante atteinte à la souveraineté nationale » la perspective de modification de la mission de la Minurso.
Et du côté de la classe politique, c’est l’unanimisme plat. Plateaux télés et déclarations médiatiques se succèdent pour crier au complot et dénoncer une « ingérence » dans les affaires internes du pays. A gauche comme à droite ou chez les islamistes, la réaction est quasi-identique. Pour l’USFP, cette initiative est un « plan-complot » visant à enterrer la résolution 1991 relative à la Minurso en lui attribuant des compétences qui « n’ont jamais fait l’objet d’un accord » entre toutes les parties. Son premier secrétaire, Driss Lachgar, a indiqué que sa formation « a eu le sentiment qu’un complot était ourdi contre l’intégrité territoriale du Maroc ».
Le Bureau politique de ce parti a décidé d’appeler à une réunion publique du Parlement pour condamner ce plan-complot et d’adresser un message clair à l’opinion publique internationale pour montrer que « les Marocains sont unis autour de cette question ». Même son de cloche du côté du Parti socialiste unifié, qui rejette, lui aussi, toute modification de la mission de la Minurso ou tout élargissement de ses compétences. Réagissant par la voix de sa secrétaire générale, Nabila Mounib, il a souligné que cette initiative est de nature à porter profondément atteinte à la souveraineté du Maroc qui ne peut en aucun cas être victime de la situation géopolitique dans la région. A ce propos, « les solutions portant atteinte à la souveraineté du Royaume sont inacceptables », a-t-elle déclaré. De son côté, Al Ahd Addimocrati, a également exprimé son refus de cette proposition en réitérant dans un communiqué, rendu public par son bureau politique, l’attachement du Maroc au respect des droits de l’Homme et à son intégrité territoriale. Plus royaliste, Al Ahd Addimocrati s’en prend à l’Algérie en l’accusant d’exactions sur les réfugiés sahraouis dans les camps de Tindouf. Se joignant au bal, l’Association marocaine de solidarité sahraouie en Europe (AMSSE) dénonce une tentative de « politiser » la mission de la Minurso.
Dans un communiqué repris par la MAP, elle appelle les Nations unies à traiter le dossier de la question du Sahara occidental avec « objectivité et réalisme », en accusant le Polisario d’être impliqué et responsable dans la crise au Sahel dans tout ce qui se passe dans cette région.
Puisant dans les vieilles rengaines du Makhzen datant du temps de la guerre froide, Talal Belrhiti, ancien consultant politique à Washington, dans une tribune publiée par le magazine américain The National Interest, accuse des groupes marxistes marocains financés par l’Algérie et la Libye d’être à l’origine de la création du Polisario et de la persistance de ce conflit pour faire payer au Maroc son alignement sur le monde dit « libre ».
C’est la faute à Kerry Kennedy et à Javier Bardem !
C’est l’un des arguments avancés par le patron du think-tank marocain Amadeus, Brahim Fassi Fihri, fils du conseiller royal et ex-chef de la diplomatie marocaine Taïeb Fassi Fihri, envoyé, ces jours-ci, à la tête d’une délégation en mission vers les grandes capitales, dont Moscou et Pékin. Pour un peu, le Palais royal marocain, en plein émoi devant ce qu’il croit être un « lâchage » de Washington, se transformerait en organisation anti-impérialiste. C’est la faute à Kerry Kennedy, Javier Bardem, mais aussi Susan Rice, la « méchante » qui aurait ourdi le texte prévoyant que la Minurso s’occupe également de la surveillance des droits de l’Homme au Sahara occidental et dans les camps de réfugiés de Tindouf. John Kerry, le nouveau secrétaire d’Etat, est également suspecté de chercher un « rééquilibrage » en faveur de l’Algérie contrairement à Hillary Clinton beaucoup pro-marocaine.
C’est aussi une partie de l’explication fournie par Brahim Fassi Fihri qui qualifie le projet de résolution sur la prolongation du mandat de la Minurso, présenté par les Etats-Unis, le 9 avril dernier, au « Groupe des Amis sur la question du Sahara » (composé des membres permanents du Conseil de sécurité et de l’Espagne), « d’évolution inquiétante dans la gestion de ce dossier par la première puissance mondiale ». Un changement de « position » qui, écrit le fils du conseiller royal, « contredit près de 40 années de neutralité positive vis-à-vis des arguments du Royaume ». Tout cela parce que les Etats-Unis préconisent que la Minurso, qui comme son nom l’indique, est destinée à organiser le référendum d’autodétermination au Sahara occidental sans arriver à le faire. La Minurso est devenue, par la volonté des Etats-Unis, une mission de surveillance du cessez-le-feu. Dans les faits, elle a donc « gelé » le conflit sans le résoudre, une situation qui profite au Maroc, dont le jeu a consisté à gagner du temps.
Les Etats-Unis n’innovent pas, les Organisations des droits de l’Homme ont toujours défendu l’idée que les missions des Nations unies avaient, par nature et par respect de la charte, une obligation de surveiller la situation des droits de l’Homme.
On peut supposer, éventuellement, que les Etats-Unis recherchent à travers la mise en place d’un mécanisme international de surveillance des droits de l’Homme à « libérer » les sociétés civiles et faire bouger les lignes dans un dossier figé depuis des décennies. Mais cela n’explique pas l’état de panique qui a saisi le palais marocain. Celui-ci a décrété carrément la mobilisation politique générale et a convoqué les forces politiques pour « réitérer le consensus national ».
Dans un style très parti unique et avec souvent des outrances verbales, en direction de l’Algérie, l’initiative américaine est décriée comme une atteinte à la souveraineté. Des ONG se sont même fait le devoir « patriotique » de s’adresser au secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, pour affirmer que les droits de l’Homme sont protégés et font l’objet de leur « attention ». Dans cet élan patriotique hystérique, garder l’esprit libre relève de la gageure et du courage.
C’est le cas de l’AMDH (association marocaine des droits de l’homme) qui, comme HumanRights Watch ou Amnesty International, a salué cette extension du rôle de la Minurso à la surveillance des droits de l’Homme. « Tout mécanisme de surveillance onusien des droits de l’Homme ne peut être que bénéfique, aussi bien au Sahara que dans les camps de Tindouf », a souligné avec une cohérence implacable, Khadija Ryadi présidente de l’AMDH. L’association est attaquée de toute part, les moins « excessifs » l’accusent d’être des « trotsko-léninistes » ! Le Palais royal anti-impérialiste et les « trotsko-léninistes », cela donne une idée du climat délirant. Le Makhzen n’y va pas de main morte.
Des voix cependant se font entendre au milieu de cette hystérie pour souligner qu’il n’y a rien d’anormal à ce que les Nations unies se mêlent des droits de l’Homme. Le site Lakome souligne d’ailleurs le caractère contreproductif de la démarche officielle marocaine. « Il apparaît donc que par cette réaction, Rabat a coupé le ‘’cheveu de Mouaouia’’ avec les Etats-Unis, et qu’il ne lui reste comme seul recours que la position que prendra la France ; et comme il est peu probable que Paris entre en confrontation directe avec Washington en lui opposant son veto, la France devrait se contenter d’alléger les termes de la résolution à venir.» Mais au Palais, on ne pense plus. On n’a les yeux que sur Kerry Kennedy et Javier Bardem.
Écrit par Boudjemaâ Medjkoun et Lena Azizi
reporters.dz
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