Annonce

Réduire
Aucune annonce.

ONU : Lettre au Conseil de sécurité au sujet du Sahara occidental

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • ONU : Lettre au Conseil de sécurité au sujet du Sahara occidental

    Àl’attention de: tous les membres du Conseil de Sécurité de l’ONU
    Objet: Renouvellement du mandat de la MINURSO

    Madame l’Ambassadrice, Monsieur l’Ambassadeur,

    Human Rights Watch exhorte le Conseil de Sécurité, lorsqu’il votera ce mois-ci sur le renouvellement de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), à en élargir le mandat pour y inclure la tâche de surveiller la situation des droits humains au Sahara occidental et dans les camps de réfugiés administrés par le Front Polisario près de Tindouf, en Algérie.

    Nous saluons la déclaration du Secrétaire général Ban Ki-moon dans son rapport sur la situation au Sahara occidental publié la semaine dernière : « Comme les violations des droits de l’homme n’ont apparemment pas cessé, la surveillance indépendante, impartiale, complète et constante de la situation des droits de l’homme au Sahara occidental et dans les camps devient plus que jamais une nécessité primordiale. »

    De même le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, Juan Mendez, dans son rapport sur le Maroc et le Sahara occidental publié le mois dernier, concluait que « la région tout entière tirerait profit de l’établissement d’un mécanisme régional intergouvernemental de surveillance des droits de l’homme, robuste, comme une mesure importante visant à instaurer la confiance et qui peut contribuer à améliorer la situation en ce qui concerne le respect des droits de l’homme ».

    Les mécanismes actuels de surveillance des droits humains au Sahara occidental ne répondent pas aux critères évoqués par le Secrétaire général et par le Rapporteur spécial. Ces objectifs seraient plus sûrement atteints en élargissant le mandat de la MINURSO pour y inclure l’observation des violations des droits humains commises par toutes les parties en présence.

    La résolution 1979 du Conseil de Sécurité, adoptée le 27 avril 2011, a accueilli favorablement deux initiatives marocaines sur la question des droits humains : la création du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), avec une antenne envisagée au Sahara occidental, et l’engagement de garantir que toutes les Procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme de l’ONU qui visiteraient le Maroc puissent avoir accès au Sahara occidental.

    Ces initiatives marocaines, quoique bienvenues, sont loin de constituer la surveillance « indépendante, impartiale, complète et constante » de la situation actuelle des droits humains à laquelle appelle le Secrétaire général.

    Le CNDH a ouvert deux bureaux au Sahara occidental. Il y a entrepris un certain nombre d’activités relatives aux droits humains et peut recevoir des plaintes de citoyens. Pourtant, outre le fait que le CNDH est une institution nationale du Maroc, dont l’ONU ne reconnaît pas la souveraineté sur le Sahara occidental, cette institution n’assure pas de surveillance régulière et étendue des conditions des droits humains au Sahara occidental et n’émet pas de rapports sur le sujet.

    Les initiatives du Maroc ne changent pas la situation fondamentale : au Sahara occidental, les gens continuent à souffrir du fait que leurs droits sont bafoués (voir l’Annexe, « Événements récents causant l’inquiétude de Human Rights Watch »). Les autorités continuent à soumettre à des formes de répression variées les Sahraouis qui prônent l’auto-détermination de la région ou qui dénoncent les violations des droits humains par le Maroc : notamment l’emprisonnement à l’issue de procès non équitables, les passages à tabac, la privation du droit de se rassembler pacifiquement, de créer des associations et de s’exprimer librement.

    Pour ce qui est des mécanismes de l’ONU relatifs aux droits humains, le Maroc a coopéré avec l’experte indépendante de l’ONU dans le domaine des droits culturels, qui a passé une journée au Sahara occidental lors d’une visite en septembre 2011, et avec le Rapporteur spécial sur la torture, qui en septembre 2012 a accompli une visite d’une semaine au Maroc et au Sahara occidental.

    Même si ces visites au Sahara occidental effectuées par des représentants des mécanismes thématiques de l’ONU sont des événements positifs qui devraient se poursuivre, elles sont par nature brèves et rares, et n’auront jamais la valeur d’une surveillance générale et régulière.

    Le mandat élargi de la MINURSO devrait inclure la tâche de surveiller la situation des droits humains non seulement au Sahara occidental, mais aussi dans les camps de réfugiés sahraouis situés de l’autre côté de la frontière, en Algérie, dont les habitants vivent de façon relativement isolée.

    Ces dernières années, la surveillance de la situation des droits humains ainsi que les enquêtes et les rapports sur le sujet sont devenus partie intégrante des missions de maintien de la paix de l’ONU dans le monde, ce qui a profité à l’ensemble des objectifs de l’ONU dans des pays tels que la République Démocratique du Congo, la Côte d’Ivoire, le Liberia, l’Afghanistan et le Soudan du Sud. La future présence d’une mission de maintien de la paix de l’ONU au Mali, telle qu’imaginée par un projet de résolution élaboré par la France, engloberait aussi un important mandat sur le plan des droits humains. Une surveillance impartiale assurée par l’ONU a tendance à empêcher les parties en présence de dénaturer les allégations de violations des droits humains pour servir leurs stratégies politiques. Elle dissuade les abus et contribue à ce que des comptes soient rendus – autant de facteurs essentiels pour promouvoir la stabilité et les solutions politiques.

    Nous conseillons donc vivement au Conseil de Sécurité de mettre fin à cette situation anormale dans le cadre de laquelle la MINURSO – pratiquement l’exception parmi les missions modernes de maintien de la paix - est dépourvue d’un mandat de surveiller les violations des droits humains et d’en rendre compte.

    Nous vous remercions pour l’attention que vous voudrez bien porter à notre demande.

    Veuillez agréer, Monsieur l’Ambassadeur, Madame l’Ambassadrice, l’expression de notre haute considération.

    Sarah Leah Whitson
    Directrice exécutive
    Division Moyen-Orient et Afrique du Nord

    Philippe Bolopion
    Directeur auprès des Nations Unies

  • #2
    Annexe – Événements récents suscitant les préoccupations de Human Rights Watch

    Human Rights Watch reste inquiète de la qualité et de l’indépendance des jugements rendus par les tribunaux marocains lorsqu’il s’agit de juger des activistes sahraouis. Le 17 février, le Tribunal militaire de Rabat a reconnu coupables l’ensemble des 25 civils sahraouis qui étaient jugés pour complot et pour des violences ayant entraîné la mort de plusieurs policiers qui démantelaient, en 2010, un campement de protestataires dressé par des Sahraouis à Gdeim Izik, au Sahara occidental. Le tribunal militaire a basé son verdict presque uniquement sur des aveux attribués aux accusés par la police et a refusé d’enquêter sur les déclarations de certains accusés selon lesquelles ces aveux leur auraient été extorqués sous la torture. Le tribunal a condamné neuf accusés à la prison à vie et 14 autres à des peines de vingt ans de prison ou davantage. Les accusés, dont 21 ont passé plus de deux années en détention provisoire, n’ont que très peu de possibilités de faire appel de leur condamnation en raison des règles inhérentes aux procès devant un tribunal militaire.

    Selon la loi marocaine, les discours pacifiques ou les activités qui « portent atteinte à l’intégrité territoriale » du Maroc sont passibles de peines de prison et d’amendes. Les autorités judiciaires utilisent régulièrement cette formulation, qu’on trouve par exemple dans l’article 41 du Code de la presse, pour lancer des poursuites contre des personnes ayant appelé pacifiquement à l’indépendance du Sahara occidental. D’après l’article 3 de la Loi sur les associations, aucune association qui « porte atteinte à l’intégrité territoriale » du Maroc ne peut avoir d’existence légale. Ces lois répressives, parmi d’autres, demeurent en vigueur bien que le Maroc ait adopté en 2011 une nouvelle constitution incluant de nombreuses garanties sur le plan des droits humains.

    Au Sahara occidental, les policiers marocains interviennent rapidement et de façon systématique pour disperser de force toute manifestation pacifique en faveur de l’auto-détermination ou de l’indépendance des Sahraouis, ou solidaire des partisans de cette cause. Par exemple, le 23 mars, ils ont violemment dispersé un rassemblement pacifique organisé à Laâyoune, qui plaidait pour que la MINURSO reçoive un mandat relatif aux droits humains et qui coïncidait avec une visite de l’Envoyé personnel du Secrétaire général, Christopher Ross.

    Le ministère de l’Intérieur marocain a privé de reconnaissance légale toutes les associations de défense des droits humains qu’il considère comme indépendantistes ou dont les leaders sont vus comme tels, même dans des cas où les tribunaux ont jugé que l’administration avait refusé à tort à une association le droit d’être enregistrée. Ainsi les autorités ont refusé pendant des années la reconnaissance légale à l’Association sahraouie des victimes de violations graves des droits de l’Homme (ASVDH)et au Collectif des défenseurs sahraouis des droits humains (CODESA). En septembre 2011, les autorités ont refusé de légaliser la Ligue sahraouie de défense des droits humains et des ressources naturelles, une nouvelle organisation basée à Boujdour.Même l’Association marocaine des droits humains, qui travaille légalement partout au Maroc, n’a pas pu obtenir de statut légal pour sa section de Smara, dans le Sahara occidental, et ce depuis 2009. De même l’Instance marocaine pour les droits humains n’a toujours pas pu obtenir de statut légal pour une antenne au Sahara occidental depuis sa demande déposée en avril 2012.

    D’autre part, le Sahara occidental sous administration du Maroc n’est pas complètement accessible aux groupes ou personnes de l’extérieur qui voudraient observer et rapporter la situation des droits humains là-bas. Au fil des ans, les autorités ont expulsé ou empêché d’entrer des dizaines de journalistes étrangers, d’activistes politiques non violents et de personnes travaillant dans le domaine des droits humains, tout en permettant à d’autres personnes de visiter la région sans entrave. Le 6 mars, le Maroc a refoulé quatre membres du Parlement européen, à leur arrivée à Casablanca, alors qu’ils voulaient se rendre au Sahara occidental pour examiner les conditions en termes de droits humains, en arguant qu’ils étaient soi-disant « pro-Algérie » et « pro-Polisario ».

    Les réfugiés sahraouis vivent dans un relatif isolement dans les camps de Tindouf en Algérie, où il n’y a aucune présence permanente, sur le terrain, de groupes indépendants de surveillance des droits humains, ni locaux, ni internationaux, et seulement de rares visites d’organisme de surveillance extérieurs. Human Rights Watch a reçu des informations relatives à des cas isolés indiquant que les personnes ouvertement en désaccord avec le Polisario subissaient des pressions et des représailles à cause de leurs opinions politiques. Comme les résidents du Sahara occidental, les réfugiés des camps tireraient profit de la protection accrue qu’offrirait une surveillance des droits humains par l’ONU.

    Commentaire

    Chargement...
    X