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Le report du procès en appel de l’affaire Khalifa ne tient pas la route

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  • Le report du procès en appel de l’affaire Khalifa ne tient pas la route

    Le report du procès en appel de l’affaire Khalifa par la cour de Blida n’a pas été sans conséquences.Quatre détenus ont entamé une grève de la faim jeudi dernier. Ils protestent contre un renvoi à une session ultérieure de leur jugement.

    Maître Miloud Brahimi considère que les motifs du renvoi n’obéissent à aucune considération judiciaire. Dans cet entretien, il qualifie de «scandaleuse» la procédure de prise de corps en vertu de laquelle les accusés dans l’affaire Khalifa – et d’autres affaires d’ailleurs — croupissent en prison en dépit d’une procédure de cassation en cours. L’avocat préconise le retour vers une justice au service du justiciable.

    Le Soir d’Algérie : Le report du procès en appel de l’affaire Khalifa a été une surprise pour beaucoup d’observateurs. Quelle lecture faites-vous de la décision de la cour criminelle de Blida ?

    Maître Brahimi : Les motifs pour le renvoi ne tiennent pas la route puisqu’en matière criminelle, il y a la procédure d’avant-audience, le président a tous les pouvoirs pour normaliser la procédure. Il aurait pu par police interposé obtenir auprès des mairies concernées les actes de décès. C’est ce que j’avais demandé en audience. On accepte le renvoi mais que celui-là se fasse à la prochaine session ou à date fixe. A mon avis, la justice a du mal dans ce contexte judiciaire trouble de rouvrir le dossier avec l’audition des ministres, que ces derniers viennent ou pas. Je crois que c’est celle-là la vraie raison du renvoi. Mais il ne s’agit pas de considérations judiciaires auxquelles il faudrait revenir.

    Ce report n’a pas été sans conséquences…

    Effectivement, quatre détenus sont grève de la faim depuis jeudi dernier dont Guellimi Djamel et Issir Idir qui avait, lui, entamé son mouvement depuis une dizaine de jours parce qu’ils espéraient qu’on leur fixe les dates de leurs jugements. Voilà des gens qui ont été jugés 2007 et condamnés à différentes peines très sévères et quand ont été condamnés en 2007, étaient auparavant en liberté provisoire, ils n’ont dû rester prison qu’à cause de la fameuse procédure de prise de corps. matière de procédure criminelle, quand une personne est jugée, elle doit se constituer prisonnière la veille de son jugement. Ils sont pourvus en cassation, ministère public également d’ailleurs. Première surprise : la Cour suprême met 5 ans pour statuer sur leur pourvoi. C’est un unique dans les annales. toute ma carrière d’avocat, n’ai vu une procédure de cassation qui dure cinq ans, quel que soit le volume du dossier. Deuxième énorme surprise, cour de Blida met 14 mois pour fixer une date pour l’ouverture procès. Pourquoi 14 mois ? Aucune explication ni justification. Et le avril, après six ans passés, s’attendait à ce que ces gens soient rejugés. Ils ne l’ont pas été et l’affaire a été reportée non pas à la prochaine session mais une session ultérieure, ça peut vouloir dire dans une année, dans deux ans, ad vitam aeternam.

    En vertu de quelle disposition les personnes condamnées lors du procès de 2007 sont-elles aujourd’hui encore en prison en dépit d’une procédure de cassation en cours ?

    Les personnes qui sont détenues le sont en vertu de l’ordonnance de prise de corps et de leur condamnation qui à 10 qui à 15 ans, or, dès lors que la Cour suprême a annulé leur condamnation, ils auraient dû se retrouver dans une situation de liberté provisoire. Jusqu'à il y a une dizaine d’années, lorsque la Cour suprême se retrouvait dans une pareille situation, elle casse et constate que les personnes sont en prison en raison de leur condamnation qui n’existe plus, elle les remet en liberté provisoire, c’est la Cour suprême qui prenait cette décision mais depuis une dizaine d’années, la jurisprudence a malheureusement changé au détriment du justiciable. Admettons qu’elles étaient en prison depuis la veille du procès, ces personnes auraient été remises en liberté, et certains l’étaient d’ailleurs. Ceux qui sont en prison à cause de l’ordonnance de prise de corps sont restés en prison. Pourquoi ? C’est scandaleux !

    Mais qu’est-ce qui justifie donc le maintien de cette ordonnance de prise de corps ?

    Cette procédure de prise de corps, nous l’avons héritée du droit français comme la plupart des dispositions, mais la justice française s’en est débarrassée depuis une vingtaine d’années, chez nous, on l’a gardée. Il y avait eu une commission de réforme à laquelle j’avais transmis des propositions et dit que la disposition de la prise de corps était barbare. Pourquoi ? Une personne est en liberté et la veille, elle doit se constituer prisonnière, elle passe la nuit dans une prison. Est-ce que c’est une manière de la préparer à affronter son dossier ? C’est la déstabilisation totale et au final, c’est un être déstabilisé, fragilisé et terrorisé qui passe devant le juge. Le malheur a voulu qu’en Algérie, on garde les choses en l’état tout en se débarrassant des bonnes puisque, avant, la Cour suprême remettait en liberté les gens automatiquement dès qu’il y avait une procédure de cassation. Rien ne justifie cette tendance naturelle d’aller contre les droits des justiciables. Ces gens en grève ne demandent même pas d’être remis en liberté. Ils savent que c’est un rêve inaccessible, alors que c’est leur droit. Ils sont en détention à cause d’une ordonnance de prise de corps prise il y a six ans. Ils demandent juste à être jugés. C’est un droit fondamental, universel et constitutionnel. Ils en sont privés depuis des années.

    C’est finalement le droit des justiciables qui est bafoué ?

    On est en grève aujourd’hui suite à l’incident entre le bâtonnier et le président de la chambre criminelle. Lorsqu’on se permet de traiter de la sorte un avocat et pas n’importe lequel, il s’agit du bâtonnier, on peut imaginer le reste. C’est peut-être l’occasion de crever définitivement l’abcès. Vous savez parfaitement ce que pensent les justiciables de la justice. Il est temps de voir les choses en face. Ça ne va pas du tout. La justice s’éloigne de plus en plus du justiciable. Je ne parle même pas d’indépendance de la justice. Je reste plus modeste. L’indépendance de la justice est caractéristique des Etats démocratiques. Il ne faut pas demander l’impossible mais aller vers l’Etat de droit et œuvrer pour aller vers cette démocratie qui puisse garantir cette indépendance. Actuellement, c’est tout le contraire qui arrive. L’incident est une occasion de crever l’abcès. faut rappeler qu’à l’origine de cet incident, une violation caractérisée de la loi par le président du tribunal criminel et une violation du droit du justiciable.

    Nawal Imès- Le Soir
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