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Érosion du pouvoir des islamistes au Maghreb

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  • Érosion du pouvoir des islamistes au Maghreb

    Près de deux ans après que le Printemps arabe ait porté au pouvoir les partis islamistes, l'optimisme fait place au désespoir.

    L'assassinat du leader de l'opposition laïque tunisienne Chokri Belaid en février aura peut-être été un tournant pour la région. Ce meurtre a en effet plongé la Tunisie dans sa pire crise politique depuis la révolution, suscité des manifestations dans tout le pays et contraint le gouvernement islamiste à concéder une partie du pouvoir conquis lors des premières élections dans le pays.
    En dépit des efforts du mouvement Ennahda pour apaiser la population, les inquiétudes concernant la menace extrémiste n'ont cessé d'empirer depuis l'assassinat de ce responsable politique laïc. Des étudiants ont été agressés pour avoir dansé le "Harlem Shake" vu sur l'Internet, et le 10 avril, des salafistes ont tenté d'assassiner le principal d'un lycée de Nabeul qui avait refusé l'accès de son établissement à une élève portant le niqab.
    Forts de l'arrivée au pouvoir d'un parti islamiste modéré, les salafistes ont été accusés de profiter de l'occasion pour faire avancer leurs idées.
    Ces salafistes représentent un courant extrémiste dont le but est de "détruire toutes les avancées réalisées par le pays en termes de libertés publiques et privées", explique le journaliste Hamadi Maamri.
    "Certes les Tunisiens ont choisi un mouvement islamiste pour diriger les affaires du pays, mais ils n'accepteront jamais les salafistes en tant qu'acteurs politiques du pays pour décider de leur sort", ajoute-t-il.
    Comme le montre un sondage réalisé par Al Maghreb/Sigma, plus de soixante-dix pour cent des Tunisiens s'inquiètent de la montée de l'extrémisme religieux.
    "Ils représentent un danger pour l'État, la paix sociale, le tourisme et les investissements", explique Mohsen Dlisi, professeur dans une école de Tunis, à Magharebia. "Nous subissons des pressions constantes et des restrictions parce qu'ils [les salafistes] veulent pousser le pays à appliquer la sharia."
    Pour sa part, le Président Moncef Marzouki, qui bénéficie du soutien des islamistes, pourrait se trouver face à un vote de défiance après avoir mis en garde que les "extrémistes laïcs" pourraient déclencher une révolution sanglante dans laquelle ils seraient "pendus", a précisé l'AFP mardi 16 avril.
    L'insécurité continue par ailleurs d'agiter la Libye voisine, où Ansar Al-Sharia et des dizaines de groupuscules islamistes radicaux s'affrontent pour le pouvoir.
    Dernier évènement en date de ces règlements de compte entre milices rivales, le leader de la branche libyenne d'Ansar al-Sharia à Derna a échappé à une tentative d'assassinat le week-end dernier. Sofian Ben Qumu est soupçonné d'être impliqué dans la mort en septembre 2012 de l'ambassadeur des États-Unis Christopher Stevens et de trois autres Américains à Benghazi.
    Et pendant que le monde a les yeux tournés sur la Tunisie et la Libye, la Mauritanie pourrait offrir une expérience différente en matière de foi et de politique.
    Les islamistes du pays manifestent de fortes capacités d'organisation et des liens régionaux bien ancrés, qu'ils ont affichés lors du dernier congrès du parti Tawassoul.
    Vingt délégations de responsables politiques, d'oulémas et de sheikhs islamistes venus de l'ensemble du monde arabe se sont réunies à Nouakchott il y a quatre mois à l'occasion de ce congrès.
    "Les mouvements islamistes doivent bien comprendre que passer de la sphère de la prédication à la sphère de l'État requiert des compétences et une expertise", a déclaré le président du Mouvement algérien de la société pour la paix (MSP), Bouguerra Sultana, lors de ce congrès.
    Le leader d'Ennahda Rachid Ghannouchi et le superviseur général des Frères musulmans en Libye, Bashir Kabti, assistaient également à ce rassemblement.
    Mais bien que Tawassoul ait réussi à réunir les principaux leaders islamistes internationaux, son influence dans le pays pourrait bien être sur le déclin.
    La situation au Maroc et en Tunisie est très différente de celle de la Mauritanie, selon Mohamed Salem Ould Dah, directeur du Centre arabo-africain d'information et de développement.
    "Ces pays ont traversé une phase de vide spirituel et moral qui a poussé leurs peuples à se tourner vers des partis affichant des références islamiques", explique-t-il à Magharebia.
    La société mauritanienne est religieuse par nature, ajoute Ould Dah.
    "C'est peut-être la raison pour laquelle le mouvement islamique en Mauritanie n'a pas été en mesure de présenter quoi que ce soit de nouveau, contrairement à ses homologues dans le monde arabe", explique-t-il.
    Les Mauritaniens "rejettent l'introduction de l'Islam en politique", explique l'analyste Zain Al-Abidine Ould Mohamed.
    "Cela tient à la mauvaise réputation du terme 'politique', que la plupart des Mauritaniens associent à un autre visage du mensonge, de la duperie et de l'hypocrisie", souligne-t-il.
    "C'est peut-être la raison pour laquelle les appels à la révolution des islamistes mauritaniens n'ont trouvé aucun écho auprès de l'immense majorité des citoyens", ajoute-t-il.
    Il n'en reste pas moins que les islamistes maintiennent une forte présence en Mauritanie, selon l'écrivain Cheikh Omar Enjai.
    "Ils sont visibles dans les médias au travers du succès de leurs journaux et de leurs sites web, et ils sont également présents au sein de la Coordination des jeunes de 25 Fevrier, qui conteste le régime actuel depuis deux ans", explique-t-il.
    Mais l'expérience tunisienne sert de repoussoir à d'éventuels partisans en Mauritanie.
    "Ennahda n'a pas fait grand-chose pour le peuple tunisien", relève Ould Mohamed.
    "Ce à quoi nous assistons, c'est à un penchant vers l'unilatéralisme et un conflit avec la démocratie au sein de la plupart des groupes islamistes, tant avant qu'après le Printemps arabe", a expliqué le philosophe mauritanien Abul Abbas Ould Borham.
    Les islamistes constituent la force d'opposition politique la mieux organisée dans la région, et la Mauritanie ne fait pas exception à la règle, estime Hajj Ould Ibrahim, chercheur en science de la communication.
    Les islamistes possèdent des ramifications au sein des associations d'étudiants et des syndicats, ainsi qu'au sein des grands médias, ajoute-t-il. Ils étaient également actifs au sein de la Coordination de l'opposition démocratique ( COD), qui a organisé plusieurs manifestations antigouvernementales.
    Mais malgré les multiples leviers dont ils disposent, leur influence reste limitée, affirme cet analyste.
    "Ils sont essentiellement populaires parmi les étudiants et les diplômés des mahdharas, chez les commerçants et chez certains partisans des ordres soufis", souligne Ould Ibrahim.
    "Le mouvement islamiste en Mauritanie est encore loin de constituer une alternative politique, que ce soit par son arrivée au pouvoir ou par sa victoire sur la majorité des sièges au parlement", conclut-il.
    Bien que le discours islamiste puisse attirer certains jeunes désenchantés, la Mauritanie manque des ingrédients nécessaires à un changement majeur d'inspiration islamiste.
    "Les gens qui acceptent un niveau minimum de services ne répondent généralement pas aux appels à la révolution", explique le militant des droits de l'Homme Mohamed Yahiya Ould Abderrehman.
    "Les tensions susceptibles d'entraîner une révolution ne sont pas perceptibles au même niveau que dans les différents pays du Printemps arabe", ajoute-t-il.
    De plus, pour participer à un changement social positif, les islamistes devraient collaborer avec leurs partenaires laïcs, explique Mohamed Abdou, l'un des leaders du Mouvement du 25-Février.
    "Je ne pense pas qu'une quelconque faction idéologique puisse, à elle seule, initier le changement révolutionnaire souhaité."

    Magharebia
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