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  • Tranche de vie

    Saint-Bernard 10 ans
    Le voyage de Youcef et Fazia, régularisés
    Le sésame en poche, ce couple s'est rendu dans son village algérien, la tête haute.

    Par Florence AUBENAS
    Liberation : Mercredi 23 août 2006 - 06:00
    Tagmout-Ihadedene envoyée spéciale

    C'était un secret de famille, mais quel secret résiste longtemps dans un village de Kabylie ? Des émigrés, revenus pour les vacances, ont parlé les premiers. Ils se moquaient : «A Paris, on a vu Youcef et Fazia. Ils sont mal.»

    Puis un des frères de Youcef est parti en France pour un voyage de noces. Au retour, il a résumé la catastrophe en quatre mots : «Ils sont en noir.» En noir, sans papiers, illégaux. «Ce sont des êtres humains malgré tout, mais on n'est pas chauds avec ces gens-là», explique un élu local. «Ici, on aime les émigrés, les vrais», ceux qui font construire les plus belles maisons à colonnades, ceux dont la retraite fait vivre jusqu'à 20 personnes, ceux qui cotisent pour les réseaux municipaux d'assainissement ou d'électricité.
    L'élu reprend : «Dieu soit loué, 70 % des familles en comptent au moins un.»
    Il soupire. «Mais, avec les sans-papiers, on est gênés. On devrait les prendre en charge éternellement, ils nous font du souci chaque jour. C'est le monde à l'envers.» A Tagmout-Ihadedene, en haute Kabylie, Youcef et Fazia étaient les premiers sans-papiers du village. Cinq ans plus tard, ils sont revenus «laver le déshonneur», dit un cousin.
    Scandale
    Youcef avait 34 ans quand il est arrivé à Paris, en 2001, avec un visa commercial. Fazia l'a suivi, enceinte. Elle veut absolument accoucher là-bas. «Les gens disaient que les choses étaient plus faciles avec des enfants nés en France. On comptait s'installer, je ne m'attendais pas à des difficultés.»
    Les années passent. Fazia et Youcef en sont au treizième hôtel meublé, au troisième enfant, mais toujours pas de papiers. «C'est comme une guerre : on ne peut plus lâcher. Si on rentre sans rien au village, ce ne sera pas la honte. Ce sera plus.»
    A Tagmout-Ihadedene, le père de Fazia vit au rythme du journal télévisé de France : son cri traverse la montagne quand il entend le mot «expulsion». Puis il pleure et fait la prière. Leur famille se fait engueuler. «Fazia est comme un chien là-bas. Vous l'acceptez, pour une femme ?»
    Un frère explique, pour calmer le scandale, que des proches * «vrais émigrés» * les soutiennent à Paris. Ce n'est pas vrai. Il le sait. Un cousin, chef d'entreprise, leur a refusé du travail. Il n'a même pas voulu les recevoir. «Nous, dans le temps, on était légaux et on acceptait de dormir sous les ponts. Les clandestins, eux, ont la vie facile, soutenus avec nos impôts», disent les émigrés dans les rues du village algérien.
    Les filles nées en France ne regardent plus les jeunes de Tagmout-Ihadedene. Surtout les plus insistants. «On a l'impression qu'il y a écrit "papiers" sur notre front.»
    Juillet 2006, dans le XXe arrondissement à Paris. Youcef, Fazia et les trois enfants vivent dans une petite chambre aux Hôtels réunis, établissement insalubre qui héberge une vingtaine de familles clandestines.
    Assis sur le lit, Youcef compte ses «preuves d'intégration». «Un : je participe à la chorale de l'école et je connais même les chansons de cabaret. Deux : je suis bénévole au Secours populaire. Trois : j'ai des amis français, et, attention, français de souche. Ils nous ont invités chez eux, ils nous ont fait des crêpes et des salades.»
    Récolter le plus de cartes
    Cela fait près d'un an que des parents d'élèves des écoles du XXe, comme ailleurs en France, se sont mobilisés autour des sans-papiers. «Les enfants ont été le fil conducteur, dit une mère à la fête de l'école. En s'attaquant aux familles, le gouvernement a changé l'optique. On nous disait que c'était au nom de la lutte contre les clandestins, des voyous, mais tout à coup on a vu des gens comme nous. Ca a réhumanisé l'émigration. Les familles qu'on aide tiennent toutes le même discours : on se sacrifie pour les enfants. Elles sont courageuses.»
    Youcef et Fazia ont été régularisés avec la circulaire Sarkozy. «On est allés à la préfecture escortés comme des stars, avec les profs, les associations, les parents.» Fazia tient à laisser le bulletin des enfants à l'employée. Celle-là refuse. Fazia supplie. «Pour me faire plaisir : vous allez voir, ils sont excellents.»
    Aux Hôtels réunis, c'est maintenant la course entre les familles régularisées à celle qui récoltera le plus de «cartes» : Fazia se fait faire celle pour la réduction SNCF, pour la gratuité de la piscine, le Pass-Famille-Musée, les Assedic. «Maintenant, peut-être qu'on ira au château de Versailles et à Disneyland. Est-ce qu'ils donnent aussi une carte, là-bas ?»
    Comme une folle, à Tagmout-Ihadedene, une soeur de Fazia fait le tour des maisons des «émigrés». «Ça y est, ils sont comme vous, des vrais.» Youcef et Fazia ont pris leurs billets pour le premier vol-vacances. «S'ils n'étaient pas venus, le village n'aurait pas cru qu'ils étaient légalisés», dit un élu. Quand ils arrivent, le 10 août, Fazia pousse ses fils devant elle : «Voilà les petits Français. Je suis fière.»
    Un cousin est gêné. «La carte des enfants, je ne l'aurais pas jouée.» Une autre soeur n'hésite pas à montrer les siens. Elle les exhorte à être les meilleurs à l'école, «sinon [ils] n'aur[ont] pas de visa.»
    Tout le village parle de départ, et chacun rêve au sien. «Avant, il y avait une seule sortie, la France, mais c'est trop difficile d'y être légal», dit un étudiant. Un beau-frère travaille dans la compagnie de ferries qui assure la liaison entre Marseille et Alger. «A chaque voyage, la police fait monter au moins trois ou quatre clandestins refoulés : j'avais peur de voir Youcef avec des menottes.»
    Certains sans-papiers sont renvoyés en pantoufles, d'autres sont en bermuda et claquettes. «Ils ne peuvent pas rentrer comme ça. On leur prête des habits» explique le beau frère. Il faut surtout faire attention qu'ils ne sautent pas à la mer. «Beaucoup veulent se suicider.»

    «Il faut être impitoyable»
    Un cousin hausse les épaules. Lui conseille le Canada, «en voie légale, pour ceux qui peuvent se payer l'émigration : 50 000 dinars [500 euros avec un Smic à 100 euros, ndlr] entre le voyage, le visa et l'installation.» Un autre le coupe : «l'Afrique du Sud est plus à la mode. Il parait qu'il y a des subventions, un solide réseau d'Algériens, et en plus, là-bas, on est considérés comme des Blancs.»
    Les frères de Youcef rient, tellement ils ont eu peur. Tous pensaient «aux antécédents du grand-père». Lui était parti en France pendant les années 40, laissant la famille au village, comme cela se faisait à l'époque.
    «Il s'est mis en ménage. Avec une Belge. Il n'envoyait presque pas d'argent. A la retraite, il n'a ramené qu'une 404. Dis, Youcef, maintenant, tu nous gâteras un peu, toi ?» Un cousin : «Il faut être impitoyable avec ses émigrés. On a du mal à accepter que, là-bas, ils veulent aussi vivre.»

  • #2
    si j'ai tout bien compris, je crois que c'est très triste

    ça y est, pour le coup, je n'ai vraiment plus le moral

    Hellas, as-tu lu : "le ventre de l'atlantique" de Fatou Diomé?

    j'en parle tout le temps mais ce bouquin m'a fait pluss réfléchir sur les émigrants que bien d'autres ouvrages de spécialistes

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    • #3
      Coucou,

      L'histoire de ce couple est plus ou maoins triste : ils ont enfin été regularisé, mais considéré comme "des vaches á lait " dans leur village.....

      J'ai pas lu mais je vais m'empresser de le commander pour partir avec en vacances.

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      • #4
        Hellas

        cela se lit d'une seule traite

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        • #5
          Hellas, merci de partager ce texte fort en émotions et en « vérités », face au mal être, les gens sont capables de vivre les pires situations pour s’en sortir …
          Je suis père et fais de mon mieux au regard de cette citation :
          L'exemple, c'est tout ce qu'un père peut faire pour ses enfants. Thomas Mann

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          • #6
            triste réalité , merci Hellas

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