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Le piège des mots dans la confrontation israélo-libanaise

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  • Le piège des mots dans la confrontation israélo-libanaise

    J’ai lu avec intérêt la couverture et les réflexions des enfants de Pulitzer sur ce conflit. Elles m’ont semblé assez significatives du discours sur les événements tragiques qu’a connus le Liban.

    La cessation des hostilités ayant mis fin à 34 jours de guerre injuste et injustifiée, livrée par l’Etat Hébreu contre le Liban, est mise en péril par les menaces d’Israël de faire encore tonner ses canons, en l’absence d’une force internationale, que l’Onu tente péniblement de constituer pour consolider la paix le long de la frontière israélo-libanaise.

    «Nous allons continuer à empêcher l’armée libanaise de se déployer à moins de deux kilomètres de la frontière avant le déploiement d’une force multinationale», a déclaré le ministre de la Défense israélien.

    Dans une récente déclaration, le vice-Premier ministre israélien, Shimon Peres, avait affirmé, à Washington, qu’Israël allait maintenir le blocus maritime au Liban, mais permettrait à des cargos civils d’accoster.

    Les déclarations selon lesquelles Israël continuera à mener des opérations militaires au Liban sont un signe annonciateur du refus de la défaite diplomatique et communicationnelle. Il reste cependant que cette attitude provocatrice, mollement critiquée dans les instances onusiennes, trahit l’esprit des résolutions internationales, en ce sens qu’elle risque de gêner le déploiement de l’armée libanaise et, de fait, celui des soldats de la Finul.

    A ce propos, le texte de la résolution 1701 reste sujet à confusion. Le chapitre 12 invite la Finul à «prendre toutes les mesures nécessaires dans les secteurs où ses forces sont déployées et, quand elle le juge possible dans les limites de ses capacités, de veiller à ce que son théâtre d’opération ne soit pas utilisé pour des activités hostiles de quelque nature que ce soit, de résister aux tentatives visant à l’empêcher par la force de s’acquitter de ses obligations dans le cadre du mandat que lui a confié le Conseil de sécurité».

    Dans ce cadre, un quotidien français insistait dans un article, paru il y a quelques jours, sur «l’impérieuse nécessité de clarifier le mandat des forces internationales». «Faute de quoi, ajoutait-il, dans une région explosive, des hommes mourront inutilement, et les Casques bleus en seront réduits, comme ce fut trop souvent le cas par le passé, à être les témoins passifs d’une guerre qui les dépasse». Si tel est le cas, inutile de préciser que les risques sont énormes, avec des implications qui pourront donner un nouveau cours aux événements.

    En effet, de nombreux pays désireux de contribuer au renforcement de la Finul demandent des «garanties» pour la sécurité de leurs soldats et une «clarification du mandat» de la Finul élargie, avant l’envoi éventuel de troupes supplémentaires.

    Pourquoi cette guerre ? Et entre qui ? La résolution 1 701 identifie le Hezbollah comme adversaire d’Israël, mais aucune citation en direction du Liban. Que s’est-il passé au Liban ? Quelle est la cause majeure de cet affrontement injustifié ? Quelles sont ses implications ? Silence pesant.

    A la violence des bombardements et des tirs, s’additionne une autre guerre: la guerre symbolique, celle qui traverse les mots produits à partir et autour du conflit.

    Le gouvernement d’Ehud Olmert n’a pas digéré la déconfiture de l’offensive lancée contre le Hezbollah pour en minimiser l’ampleur, notamment face à l’opinion publique israélienne. Il fait comme si trêve ou pas trêve, c’est lui seul qui décide du cours des événements. Cette fuite en avant d’un gouvernement, largement décrié en Israël, conforte la résistance libanaise dans ses positions.

    Certains redoutent «un repli certes rapide, mais qui détruirait tout sur son passage». Cela risquerait d’alimenter la volonté du Hezbollah de continuer d’en découdre. Pour d’autres, les Israéliens ne se retireront de leur dernière poche, dans la partie occidentale du Liban-Sud, qu’au fur et à mesure de la liquidation des partisans et des miliciens du Hezbollah. Le processus pourrait durer.

    La réponse est venue le lendemain de la bouche même de Hassan Nasrallah. Ferme, voire menaçant, le chef du Hezbollah a critiqué «ceux qui évoquent hâtivement ce sujet alors que le sang des martyrs n’a même pas encore séché, que l’armée israélienne occupe toujours certaines régions du Liban-Sud et que les centaines de milliers de déplacés ne sont pas rentrés chez eux».

    Un constat classique, dans un contexte aussi complexe économiquement, tout comme politiquement et socialement. Quand le Liban-Sud explose sous l’arrogance israélienne, comme c’est le cas avec les massacres commis par l’armée israélienne contre les populations libanaises, les Israéliens jouent sur les mots. D’une part, ils approuvent la dernière résolution onusienne; et de l’autre, ils déclarent que leur armée poursuivra ses attaques pour une semaine encore. Les Libanais, considérant que cette résolution mi-figue, mi-raisin a cependant des côtés positifs, n’ont pas l’intention de donner un alibi aux autres.

    Parallèlement, force est de souligner qu’il s’agit d’une agression gratuite, fondée apparemment sur un prétexte injuste et injustifié, loin, très loin de constituer un «casus belli», mais cette agression programmée sera lourde, très lourde de conséquences.

    Le Hezbollah a réussi à réaliser une certaine unanimité autour de lui, grâce à un savant usage du discours de résistance, mais le lendemain des triomphes ambigus est toujours délicat à gérer, notamment dans le cas libanais. La question ne restera pas longtemps d’ordre rhétorique, elle appelle déjà effectivement une réponse claire qui signifie les responsabilités des uns et des autres, loin des fantasmes des mots et des frustrations de la langue de bois.

    L’emploi des mots violents pour désigner l’autre dans les deux imaginaires a toujours été métaphorique: il symbolise, pour ceux qui l’emploient, leur mobilisation, leur refus de tout compromis. Il exprime leur conviction que la négation de cet autre est salvateur.

    Psychologiquement, le Liban s’est retrouvé en guerre: attaqué injustement, il a découvert sa vulnérabilité et l’intensité de l’hostilité dont il était l’objet. Israël a fait appel au mot «terroriste», un qualificatif désignant, généralement, dans sa sémantique, le Hezbollah et le Hamas, pour être conforté dans ses prétendues thèses et lui conférer ainsi une légitimité qu’il ne mérite pas.

    Ainsi, Israël reste dominé par «le culte de la violence», dont l’écrivain David Grossman dit depuis très longtemps qu’il est, pour l’Etat hébreu, une «tragique erreur».

    L’apologie des mots guerriers devient de plus en plus un réflexe systématique. Le décor est en tout cas planté pour une accumulation de malentendus et d’oppositions entre Israël et le Liban, sur une argumentation où la divergence de leurs intérêts est en réalité profonde; et la guerre des mots qui avive la rancune israélienne envers tout ce qui complique ses projets y tient une grande place.

    Par Mohamed Meziane : Docteur d’Etat en sciences de la communication(QO)
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