Art combiné de l'écrit et de la parole, le théâtre, plus qu'aucune
autre forme d'expression, a contribué à la reconstruction de l'identité
algérienne fortement altérée par la politique de colonisation et
d'acculturation mise en place par la France dès la conquête.
Comment émerge au début du siècle ce mode d'expression en
Algérie, dans quel contexte se développe-t-il, et quel rôle joue-t-il
tout au long de la lutte pour l'indépendance des Algériens, c'est
ce que nous essayerons de montrer. Afin de mieux comprendre le
rôle du théâtre en Algérie, il est nécessaire de le resituer dans
l'Histoire, car il tire son originalité des influences diverses qui l'ont
traversé et qui viennent se greffer sur des acquis antérieurs.autre forme d'expression, a contribué à la reconstruction de l'identité
algérienne fortement altérée par la politique de colonisation et
d'acculturation mise en place par la France dès la conquête.
Comment émerge au début du siècle ce mode d'expression en
Algérie, dans quel contexte se développe-t-il, et quel rôle joue-t-il
tout au long de la lutte pour l'indépendance des Algériens, c'est
ce que nous essayerons de montrer. Afin de mieux comprendre le
rôle du théâtre en Algérie, il est nécessaire de le resituer dans
l'Histoire, car il tire son originalité des influences diverses qui l'ont
Influences orientales
L'on sait que le Maghreb avait des liens très forts avec l'Egypte
et qu'il donna à cette dernière une dynastie de pharaons au 10e
siècle avant J.-C. On peut donc supposer que la circulation des
idées et des rites ont amené au Maghreb à la même époque des
modes d'expressions qui ont survécu sous d'autres formes.
L'on a reconnu depuis peu que l'Egypte a un passé théâtral bien
antérieur à celui de la Grèce. Le papyrus découvert en 1929 par
l'allemand Sethe, papyrus dramatique de Ramasseum datant de
Sésostris 1er (1970-1936 avant J.-C.) comprend un drame composé
avant le début de l'Ancien Empire, à l'époque Thinite (3000 à
2728 avant J.-C). Étudié par l'égyptologue Diotron, ce manuscrit
révèle que des spectacles, ballets mimés et chantés, drames à grand
spectacle, pièces à intentions politiques, tous inspirés du mythe
d'Isis et Osiris, étaient joués par des compagnies d'acteurs dans le
temple. Ensuite, ces acteurs partaient jouer dans les villages, sur
les places ou dans les maisons au moment des fêtes religieuses. La
stèle d'Edfou, découverte en 1922, confirme l'existence aussi d'un
théâtre laïque en Egypte au deuxième millénaire avant J.-C.
Dans les pays du Moyen-Orient et du Maghreb, aujourd'hui
arabo-musulmans, les conteurs occupent toujours une place import
ante dans la vie sociale et dans l'imaginaire collectif, ils perpétuent
une tradition qui se perd dans la nuit des temps et nous font
songer à ces acteurs égyptiens qui sillonnaient le pays pour propager
la foi au rythme des fêtes religieuses ou des pèlerinages. Ces
conteurs, au cours du 20e siècle, accompagnés de musiciens, de
mimes, de chanteurs, d'acteurs de sketches, ont sans doute contribué
à former le gout du public qui n'a eu aucun mal à passer du
cercle familial à la place publique et de celle-ci à la scène.
Sans doute d'autres influences ont travaillé l'inconscient collectif.
Comment gommer la présence du théâtre que Rome, héritière de
la Grèce antique, a importé dans ces pays qui ont constitué son
empire alors que le sol de l'Algérie en garde de nombreux vestiges.
Si le christianisme à ses débuts a conduit à la disparition du
théâtre dans tout l'empire romain, il lui a permis après 1000 ans
d'absence de renaitre en son sein tout en le poursuivant de ses
foudres lorsqu'il osa s'écarter du sacré pour retourner au profane.
Mais s'est-on interrogé sur ce qu'aurait pu devenir le théâtre sacré
musulman chiite s'il avait survécu à l'expansion coloniale euro
péenne du 19e siècle ? 1000 ans environ séparent aussi l'apparition
des Tazies, spectacles religieux musulmans comparables aux mys-et qu'il donna à cette dernière une dynastie de pharaons au 10e
siècle avant J.-C. On peut donc supposer que la circulation des
idées et des rites ont amené au Maghreb à la même époque des
modes d'expressions qui ont survécu sous d'autres formes.
L'on a reconnu depuis peu que l'Egypte a un passé théâtral bien
antérieur à celui de la Grèce. Le papyrus découvert en 1929 par
l'allemand Sethe, papyrus dramatique de Ramasseum datant de
Sésostris 1er (1970-1936 avant J.-C.) comprend un drame composé
avant le début de l'Ancien Empire, à l'époque Thinite (3000 à
2728 avant J.-C). Étudié par l'égyptologue Diotron, ce manuscrit
révèle que des spectacles, ballets mimés et chantés, drames à grand
spectacle, pièces à intentions politiques, tous inspirés du mythe
d'Isis et Osiris, étaient joués par des compagnies d'acteurs dans le
temple. Ensuite, ces acteurs partaient jouer dans les villages, sur
les places ou dans les maisons au moment des fêtes religieuses. La
stèle d'Edfou, découverte en 1922, confirme l'existence aussi d'un
théâtre laïque en Egypte au deuxième millénaire avant J.-C.
Dans les pays du Moyen-Orient et du Maghreb, aujourd'hui
arabo-musulmans, les conteurs occupent toujours une place import
ante dans la vie sociale et dans l'imaginaire collectif, ils perpétuent
une tradition qui se perd dans la nuit des temps et nous font
songer à ces acteurs égyptiens qui sillonnaient le pays pour propager
la foi au rythme des fêtes religieuses ou des pèlerinages. Ces
conteurs, au cours du 20e siècle, accompagnés de musiciens, de
mimes, de chanteurs, d'acteurs de sketches, ont sans doute contribué
à former le gout du public qui n'a eu aucun mal à passer du
cercle familial à la place publique et de celle-ci à la scène.
Sans doute d'autres influences ont travaillé l'inconscient collectif.
Comment gommer la présence du théâtre que Rome, héritière de
la Grèce antique, a importé dans ces pays qui ont constitué son
empire alors que le sol de l'Algérie en garde de nombreux vestiges.
Si le christianisme à ses débuts a conduit à la disparition du
théâtre dans tout l'empire romain, il lui a permis après 1000 ans
d'absence de renaitre en son sein tout en le poursuivant de ses
foudres lorsqu'il osa s'écarter du sacré pour retourner au profane.
Mais s'est-on interrogé sur ce qu'aurait pu devenir le théâtre sacré
musulman chiite s'il avait survécu à l'expansion coloniale euro
péenne du 19e siècle ? 1000 ans environ séparent aussi l'apparition
tères, de l'avènement de l'islam. Au début du 19e siècle, les
représentations avaient lieu dans des salles pouvant contenir 3000
à 4000 spectateurs à Ispahan, mais elles avaient aussi lieu dans les
campagnes environnantes. Chaque année, plus de 30000 personnes
voyaient ces spectacles qui étaient donnés pendant les dix premiers
jours du mois de Ramadan.
On sait aussi qu'en terre d'islam, le théâtre d'ombres s'est
développé. Il a été importé en Turquie par les Mongols au 12e
siècle et a fait son apparition en Egypte au 13e siècle. Avant de
devenir un spectacle populaire, il a suscité l'intérêt des philosophes
et des hommes de lettres. Ibn Daniel (1248-1311) a écrit trois
pièces en vers libres et rimes. Le sultan d'Egypte, Sha Bân, ne
pouvant plus s'en passer, emmenait avec lui à La Mecque les
opérateurs comédiens et les figurines. On sait aussi que Saladin, le
célèbre sultan ayyûbide, assistait à des séances en compagnie de
son ministre écrivain Alquâdi al Fadil, qui trouvait dans ce théâtre
le symbole de l'instabilité des empires et du néant de la vie. Mais
lorsque ce théâtre d'ombres quitte la sphère intellectuelle et le
pouvoir pour devenir populaire, il prend dans la tradition orale les
thèmes proches des préoccupations du peuple. Devenant son porteparole,
il mêle la satire à l'obscénité, ce qui conduit les pouvoirs
en place à l'interdire.
Lorsqu'il arrive en Algérie au 17e siècle, c'est sous sa forme
populaire. Les sujets des pièces tournaient autour des aventures de
deux héros, Hagivad et Karakôz. Les autres personnages, hauts en
couleurs, représentaient toutes sortes de types humains, des mar
chands, des bateliers, des usuriers, des gardes, des bûcherons, des
gendarmes, des lutteurs, des fumeurs d'opium et de haschich, des
ivrognes, des fous, des mendiants, des estropiés, des bossus, des
nains, des débauchés, des danseuses, des sorcières, des négresses,
des prostituées, des entremetteuses. Son contenu était fortement
satirique, il dénonçait les inégalités sociales, les vices et tous ceux
qui exploitaient la crédulité des gens et la superstition. Malgré son
caractère obscène et son langage fleuri, ses pièces étaient jouées
pendant les fêtes religieuses.
Avec la conquête coloniale en 1830, le théâtre d'ombres algérien
entre en résistance, il met en scène l'occupant et est interdit dès
1848.
L'on sait que le théâtre occidental classique était connu des élites
du Moyen-Orient et du Maghreb, mais jamais celles-ci ne l'ont
reconnu comme un mode d'expression possible dans leur culture.
Des récits de voyageurs nous montrent bien que de rares pratiquesreprésentations avaient lieu dans des salles pouvant contenir 3000
à 4000 spectateurs à Ispahan, mais elles avaient aussi lieu dans les
campagnes environnantes. Chaque année, plus de 30000 personnes
voyaient ces spectacles qui étaient donnés pendant les dix premiers
jours du mois de Ramadan.
On sait aussi qu'en terre d'islam, le théâtre d'ombres s'est
développé. Il a été importé en Turquie par les Mongols au 12e
siècle et a fait son apparition en Egypte au 13e siècle. Avant de
devenir un spectacle populaire, il a suscité l'intérêt des philosophes
et des hommes de lettres. Ibn Daniel (1248-1311) a écrit trois
pièces en vers libres et rimes. Le sultan d'Egypte, Sha Bân, ne
pouvant plus s'en passer, emmenait avec lui à La Mecque les
opérateurs comédiens et les figurines. On sait aussi que Saladin, le
célèbre sultan ayyûbide, assistait à des séances en compagnie de
son ministre écrivain Alquâdi al Fadil, qui trouvait dans ce théâtre
le symbole de l'instabilité des empires et du néant de la vie. Mais
lorsque ce théâtre d'ombres quitte la sphère intellectuelle et le
pouvoir pour devenir populaire, il prend dans la tradition orale les
thèmes proches des préoccupations du peuple. Devenant son porteparole,
il mêle la satire à l'obscénité, ce qui conduit les pouvoirs
en place à l'interdire.
Lorsqu'il arrive en Algérie au 17e siècle, c'est sous sa forme
populaire. Les sujets des pièces tournaient autour des aventures de
deux héros, Hagivad et Karakôz. Les autres personnages, hauts en
couleurs, représentaient toutes sortes de types humains, des mar
chands, des bateliers, des usuriers, des gardes, des bûcherons, des
gendarmes, des lutteurs, des fumeurs d'opium et de haschich, des
ivrognes, des fous, des mendiants, des estropiés, des bossus, des
nains, des débauchés, des danseuses, des sorcières, des négresses,
des prostituées, des entremetteuses. Son contenu était fortement
satirique, il dénonçait les inégalités sociales, les vices et tous ceux
qui exploitaient la crédulité des gens et la superstition. Malgré son
caractère obscène et son langage fleuri, ses pièces étaient jouées
pendant les fêtes religieuses.
Avec la conquête coloniale en 1830, le théâtre d'ombres algérien
entre en résistance, il met en scène l'occupant et est interdit dès
1848.
L'on sait que le théâtre occidental classique était connu des élites
du Moyen-Orient et du Maghreb, mais jamais celles-ci ne l'ont
reconnu comme un mode d'expression possible dans leur culture.
existaient mais quelles étaient dues aux caprices de quelques maitres
s' amusant avec leurs esclaves européens. Or le théâtre arabe
d'aujourd'hui doit beaucoup au théâtre occidental.s' amusant avec leurs esclaves européens. Or le théâtre arabe
Commentaire