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enfumades des grottes du Dahra Une double urgence : la protection du site et la nécessité d’une étude scientif

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  • enfumades des grottes du Dahra Une double urgence : la protection du site et la nécessité d’une étude scientif

    Les massacres de 1845, appelés communément enfumades des grottes du Dahra, sont connus depuis le moment même où ils se sont produits, par le colonel Pélissier, puis par le colonel de Saint-Arnaud. On sait également que le colonel Cavaignac avait inauguré la guerre des grottes en 1844. Pélissier, en particulier, a cherché à masquer l’événement et en atténuer la responsabilité, sans parler du gouverneur Bugeaud et de certains membres du gouvernement français.(1) Ils prennent place dans la guerre de conquête de l’Algérie menée par les Français et en particulier dans ce qui est traditionnellement désigné sous le nom d’ « insurrection du Dahra », lancée par le chérif Bou Maza au printemps 1845 qui donne ainsi une nouvelle tête à la résistance algérienne et des accents nouveaux à la guerre.
    En conserver le souvenir, en faire l’histoire, en diffuser la connaissance, en cultiver l’événement pour éveiller les consciences des hommes de tous pays sont tout à fait légitimes. Dans ce cas, il convient de faire des recherches sérieuses, archivistiques, mémorielles et archéologiques.
    Ce qui l’est beaucoup moins est la quête du faux scoop, le désir d’attirer sur soi les feux de la rampe, la recherche de la conflagration médiatique dans des intentions discutables, la poursuite de la guerre des mémoires et des usages politiques pour des buts circonspects, religieux, culturels, nationalistes, partisans ou personnels.
    Après avoir beaucoup hésité, nous nous décidons à sortir à de notre réserve et à revenir – car il n’est pas encore trop tard – sur un événement qui nous a profondément consterné quand il a été annoncé à grand fracas. Le 19 juin 2011, pour commémorer l’événement (celui des grottes de Frachich à Nekmaria) et en écho au cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie qui s’annonce, un « universitaire » (il n’est, en réalité, ni archéologue, ni historien, ni anthropologue…) de Mostaganem, Aziz Mouats , des habitants du pays et une équipe de la télévision algérienne, ENTV ont visité la grotte.(2) Tout indique que c’est une « expédition » non préparée et surtout destructrice. La visite elle-même n’aurait duré qu’une demi-heure. Les « visiteurs » ont pratiqué des « tâtonnements » sauvages « sous les pierres et dans un épais manteau de poussière » pour soulever des « os humains, dont un péroné en parfait état de conservation, une omoplate ainsi que quelques vertèbres cervicales ». Il s’agit d’une « preuve irréfutable » du massacre. C’est scandaleux, stupide et dommageable. Ce n’est même pas rendre hommages aux victimes : il faut savoir que c’est une collectivité entière (ou dans sa quasi-totalité et sûrement avec des éléments venant de groupes voisins) qui a péri. La réalité des massacres est prouvée depuis le début et a fréquemment été rappelée. C’est également faux de dire que c’est la première visite depuis 166 ans. Les Français ont ainsi visité la grotte, ainsi est-il d’Émile-Félix Gautier.(3) On peut certes filmer des ossements et des restes calcinés, car certains ne jugent pour vraies que des choses qu’ils voient, mais à condition de respecter le site, après de grandes précautions.

    Nous rêvions depuis de nombreuses années d’une étude scientifique, faite par des archéologues, des historiens et des anthropologues. Car le massacre en lui-même n’a jamais été étudié – en tout cas de manière sérieuse. Seules ont été discutées les responsabilités de Pélissier et de Bugeaud et les répercussions au sein de l’armée, du gouvernement, du parlement et de l’opinion publique française. L’objectif n’est pas de prouver, répétons-le, la réalité du drame, qui est incontestable. Il est plutôt de quantifier le nombre de morts, sujet à discussion (officiellement, il oscille entre 500 et 1200 d’après les sources françaises), d’apprécier le type de population (répartition par sexe, par âge, dentition, maladies…), l’armement (ils sont pour l’essentiel et selon une terminologie moderne ce qu’on appelle des « civils »), les modes vestimentaires, les biens matériels (mobilier…), les denrées alimentaires, l’importance et la variété des animaux… Il est aussi de connaître les conditions des enfumades, la propagation de l’incendie, de la fournaise, des fumées, l’effet de souffle, la nature des décès (brûlures, asphyxies, choc psychologique, piétinement…), le comportement des hommes (hommes, femmes, personnes âgées, enfants et bébés) et des animaux (notamment du cheptel, mais pas seulement). Car une étude selon les règles de l’archéologie et de l’anthropologie est seule dispensatrice de connaissance. Les fouilles ont beaucoup à nous apprendre sur la vie de populations, organisées en collectivités tribales, agro-pastorales et semi-nomades, telles que les Oulad Riah.

    Pour cela et pour éviter les polémiques sans cesse renaissantes et stériles, il convient :
    1° d’interdire l’accès des grottes (y compris celles des Sbéha et de quelques autres) à tous. La guerre des grottes est un épisode essentiel de la guerre de conquête. Elle n’est pas entièrement nouvelle, puisque les populations s’y réfugiaient également du temps des Turcs et dans des époques beaucoup plus anciennes. D’autres exemples, probablement au nombre de plusieurs dizaines, ne sont pas connus : ainsi celui qui s’est produit la même année chez les Flitta. Mais, vu le tollé que l’événement du 19 juin 1845 a produit notamment en Europe, y compris en France, et en Amérique du Nord, les militaires français ont par la suite cherché à cacher les nouveaux épisodes de la guerre des grottes : il est ainsi plus difficile de les prouver.
    2° d’organiser une commission internationale, neutre et indiscutable, composée de chercheurs algériens et de différentes nationalités, ayant des spécialités variées et complémentaires, pour pratiquer des recherches patientes, qui respectent les règles du travail scientifique, avec l’obligation de détruire le moins possible le site. L’objectif est de rendre possible d’autres fouilles qui surviendront à l’avenir avec des méthodes et des technologies plus fines. Car l’événement et le site appartiennent à toutes les générations et à tous les hommes, sans nationalité exclusive, y compris aux générations à venir. L’UNESCO sait préserver des sites et des monuments en les classant au « patrimoine mondial de l’humanité ». Les états ont cultivé les lieux de mémoires et des historiens (comme Pierre Nora, Jacques Le Goff… par exemple) se sont mis à les étudier. Il serait bon de préserver le site de Nekmaria, pour des raisons scientifiques et tout simplement d’humanité, car il appartient à tous les hommes, passés, présents et à venir.
    Aziz Sadki
    dz(0000/1111)dz
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