TSA : lundi, 27 mai 2013 07:03 Savez-vous, Monsieur le Président, que les girouettes vont dire que Bouteflika a…
Hafid Derradji
C’est une drôle de mode, une mode bien de chez nous. Ben Bella, Boumediene, Chadli, Boudiaf, Kafi et Zeroual en ont fait l’amère expérience. Des responsables, tous secteurs confondus, l’ont subie douloureusement. Bouteflika n’y échappera pas.
Quand il aura pris congé du palais d’El Mouradia, il prendra toute la mesure d’un syndrome qui n’en finit pas de ronger l’Algérie : l’art de retourner la veste, toutes affaires cessantes.
Le moment venu, peiné, mais guère surpris, Bouteflika verra énormément de monde prendre des distances à son égard. Des proches, des laudateurs, des experts « ès applaudissements », des spécialistes de la « ghaïta » et du « guelal », des poètes attitrés du « medh ». Autant dire toute une galaxie d’opportunistes qui ont accompagné le Président tout au long de son parcours présidentiel, et qui ont applaudi à tout rompre les décisions et, surtout, jeté l'opprobre sur tous ceux qui ne l’ont pas caressé dans le sens du poil et se sont opposés à sa politique.
Forgés à l'épreuve de l'opportunisme, ces laudateurs seront les premiers à épingler le Président, quand sonnera l'heure du départ. A l'image de ceux qui, au sortir des ères Ben Bella, Boumediene, Chadli, Boudiaf, Kafi et Zeroual, ont murmuré : « Le roi est mort, vive le roi ! » Les laudateurs de Bouteflika vont sacrifier à l'art de retourner la veste. Ils seront tellement pressés de changer de cap qu'ils n'hésiteront pas à charger tous azimuts. Ils imputeront à Bouteflika, et à lui seul, la responsabilité des lacunes et des échecs. Ils l'accuseront de tous les maux et feront comme si de rien n'était. Comme s'ils n'avaient pas profité de l'ère Bouteflika ; comme s'ils étaient indemnes de tout reproche ; comme s'ils n'avaient pas applaudi à tout rompre ; comme s'ils n'avaient pas applaudi sans mesure ; comme s'ils n'avaient pas manqué de courage politique et foulé aux pieds les règles de la morale en politique.
Toujours prompts à jouer de la « ghaïta » et à chauffer « el guelal », ces opportunistes ont donné un avant-goût de leur art de retourner la veste. Depuis l'hospitalisation du président de la République, ils se sont éclipsés du paysage. Dans un contexte propice aux souhaits de prompt rétablissement, ils répondaient aux abonnés absents. Pas le moindre mot de sympathie. Portés, depuis toujours, par leur seul opportunisme, ils étaient préoccupés par une seule question : dans quel sens le vent va-t-il souffler ?
Savez-vous, Monsieur le Président, que les proches de vous ou ceux qui se prétendaient tels sont ceux-là mêmes qui vont vous accuser de dictateur, d'égoïste et de narcissique. Les « medahine » qui ont participé à l'affaiblissement des institutions de la République sont ceux-là mêmes qui vont clamer à haute voix que vous avez monopolisé tous les leviers de l'Exécutif. Les experts « ès applaudissements nourris » sont ceux-là mêmes qui vont vous reprocher d'avoir éclipsé les institutions pour trôner seul sur le devant de la scène. Les champions de l'excès de zèle sont ceux-là mêmes qui vont vous accuser d'avoir marginalisé les compétences au motif que vous n'aimez pas beaucoup les « bouarifou », ceux qui connaissent bien leur métier ou se targuent de bien le connaître. Tous ceux-là seront les premiers à ruer dans les brancards et dire qu'il vous appartient – vous et vous seul – d'assumer le bilan.
Lorsque vous aurez quitté le palais d'El Mouradia, les laudateurs d'hier s'empresseront avec un zèle particulier de dire : « Vous êtes revenu pour assouvir une revanche. Vous en avez voulu à un peuple innocent qui a espéré beaucoup de votre retour et qui vous a accordé sa confiance parce que vous lui avez promis el iza wal karama, la gloire et la dignité, la sécurité et la quiétude, un toit et du travail. » Ils diront que les « années Bouteflika » ont été marquées par un feuilleton de scandales et d'affaires de corruption, en feignant d'oublier qu'ils se sont approprié biens et richesses. Ils clameront que l'Algérie a accusé, sous le règne de Bouteflika, un recul sur le front diplomatique.
Savez-vous, Monsieur le Président, que les laudateurs d'hier plaideront la « débouteflikisation » et seront les partisans les plus zélés du « roi est mort, vive le roi ». Une poignée d'entre eux seulement vous resteront fidèles jusqu'au bout et se garderont de retourner la veste. En revanche, nombre de vos adversaires et nombre de ceux qui ont enduré l'ostracisme et le limogeage durant les « années Bouteflika » sauront se montrer dignes et se garderont de faire votre procès. Ces gens là – et ils sont nombreux – ne vous ont pas tressé des louanges et n'ont pas usé du « nifak » en politique. Leur seul tort (dixit les laudateurs) : ils ont divergé avec vous dans la manière de servir l'Algérie et revendiqué des options différentes au crédit de la maison « Algérie ».
Hafid Derradji
C’est une drôle de mode, une mode bien de chez nous. Ben Bella, Boumediene, Chadli, Boudiaf, Kafi et Zeroual en ont fait l’amère expérience. Des responsables, tous secteurs confondus, l’ont subie douloureusement. Bouteflika n’y échappera pas.
Quand il aura pris congé du palais d’El Mouradia, il prendra toute la mesure d’un syndrome qui n’en finit pas de ronger l’Algérie : l’art de retourner la veste, toutes affaires cessantes.
Le moment venu, peiné, mais guère surpris, Bouteflika verra énormément de monde prendre des distances à son égard. Des proches, des laudateurs, des experts « ès applaudissements », des spécialistes de la « ghaïta » et du « guelal », des poètes attitrés du « medh ». Autant dire toute une galaxie d’opportunistes qui ont accompagné le Président tout au long de son parcours présidentiel, et qui ont applaudi à tout rompre les décisions et, surtout, jeté l'opprobre sur tous ceux qui ne l’ont pas caressé dans le sens du poil et se sont opposés à sa politique.
Forgés à l'épreuve de l'opportunisme, ces laudateurs seront les premiers à épingler le Président, quand sonnera l'heure du départ. A l'image de ceux qui, au sortir des ères Ben Bella, Boumediene, Chadli, Boudiaf, Kafi et Zeroual, ont murmuré : « Le roi est mort, vive le roi ! » Les laudateurs de Bouteflika vont sacrifier à l'art de retourner la veste. Ils seront tellement pressés de changer de cap qu'ils n'hésiteront pas à charger tous azimuts. Ils imputeront à Bouteflika, et à lui seul, la responsabilité des lacunes et des échecs. Ils l'accuseront de tous les maux et feront comme si de rien n'était. Comme s'ils n'avaient pas profité de l'ère Bouteflika ; comme s'ils étaient indemnes de tout reproche ; comme s'ils n'avaient pas applaudi à tout rompre ; comme s'ils n'avaient pas applaudi sans mesure ; comme s'ils n'avaient pas manqué de courage politique et foulé aux pieds les règles de la morale en politique.
Toujours prompts à jouer de la « ghaïta » et à chauffer « el guelal », ces opportunistes ont donné un avant-goût de leur art de retourner la veste. Depuis l'hospitalisation du président de la République, ils se sont éclipsés du paysage. Dans un contexte propice aux souhaits de prompt rétablissement, ils répondaient aux abonnés absents. Pas le moindre mot de sympathie. Portés, depuis toujours, par leur seul opportunisme, ils étaient préoccupés par une seule question : dans quel sens le vent va-t-il souffler ?
Savez-vous, Monsieur le Président, que les proches de vous ou ceux qui se prétendaient tels sont ceux-là mêmes qui vont vous accuser de dictateur, d'égoïste et de narcissique. Les « medahine » qui ont participé à l'affaiblissement des institutions de la République sont ceux-là mêmes qui vont clamer à haute voix que vous avez monopolisé tous les leviers de l'Exécutif. Les experts « ès applaudissements nourris » sont ceux-là mêmes qui vont vous reprocher d'avoir éclipsé les institutions pour trôner seul sur le devant de la scène. Les champions de l'excès de zèle sont ceux-là mêmes qui vont vous accuser d'avoir marginalisé les compétences au motif que vous n'aimez pas beaucoup les « bouarifou », ceux qui connaissent bien leur métier ou se targuent de bien le connaître. Tous ceux-là seront les premiers à ruer dans les brancards et dire qu'il vous appartient – vous et vous seul – d'assumer le bilan.
Lorsque vous aurez quitté le palais d'El Mouradia, les laudateurs d'hier s'empresseront avec un zèle particulier de dire : « Vous êtes revenu pour assouvir une revanche. Vous en avez voulu à un peuple innocent qui a espéré beaucoup de votre retour et qui vous a accordé sa confiance parce que vous lui avez promis el iza wal karama, la gloire et la dignité, la sécurité et la quiétude, un toit et du travail. » Ils diront que les « années Bouteflika » ont été marquées par un feuilleton de scandales et d'affaires de corruption, en feignant d'oublier qu'ils se sont approprié biens et richesses. Ils clameront que l'Algérie a accusé, sous le règne de Bouteflika, un recul sur le front diplomatique.
Savez-vous, Monsieur le Président, que les laudateurs d'hier plaideront la « débouteflikisation » et seront les partisans les plus zélés du « roi est mort, vive le roi ». Une poignée d'entre eux seulement vous resteront fidèles jusqu'au bout et se garderont de retourner la veste. En revanche, nombre de vos adversaires et nombre de ceux qui ont enduré l'ostracisme et le limogeage durant les « années Bouteflika » sauront se montrer dignes et se garderont de faire votre procès. Ces gens là – et ils sont nombreux – ne vous ont pas tressé des louanges et n'ont pas usé du « nifak » en politique. Leur seul tort (dixit les laudateurs) : ils ont divergé avec vous dans la manière de servir l'Algérie et revendiqué des options différentes au crédit de la maison « Algérie ».
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