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La politique de Khelil a augmenté la vulnérabilité de Sonatrach

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  • La politique de Khelil a augmenté la vulnérabilité de Sonatrach

    Nazim Zouiouèche. Ancien DG de Sonatrach (1995-1997)

    - En tant que cadre et ancien DG, que vous inspirent ces «mauvaises nouvelles» sur le déclin pétrolier dans lequel est engagé désormais l’Algérie ?

    Il me semble que c’est un faux débat qui masque des problèmes réels. C’est un peu comme en France : il a suffi qu’on sorte cette loi de «mariage pour tous» pour que le débat public se cristallise autour faisant oublier la politique d’austérité… Le problème aujourd’hui, c’est que nous avançons sans vraiment avoir une ligne de conduite. Quand on annonce que l’Algérie va construire, elle-même, sur ses fonds propres, 6 raffineries de cinq millions de tonnes chacune livrables en quatre ans, en 2017, il y a forcément quelque chose qui ne va pas. Ma foi, on veut bien , si on peut le faire. Mais il y a une différence entre ce qu’on a les capacités de faire ou de ne pas faire. On a annoncé aussi qu’on allait investir 100 milliards de dollars sur 5 ans dans les énergies renouvelables. Vous vous rendez compte : 100 milliards de dollars…


    - Les vraies/fausses annonces ne datent tout de même pas du dernier gouvernement…

    Non. En ce moment, on se dérègle complètement. Par le passé, on avait, certes, annoncé des choses comme ça… le projet Galsi qui devait démarrer en 2009. J’espère qu’il le sera en 2013. J’ai l’impression que la situation peut devenir… catastrophique. Parce que, au point de vue mondial, vous avez un certain nombre de phénomènes qui risquent de nous toucher : vous avez par exemple le «shale gas», ce que les journalistes français appellent le gaz de schiste - une idiotie, en somme -, qui a permis aux Américains de faire chuter le prix du gaz chez eux. Ce qui a pour conséquence qu’actuellement les Américains ont un prix du gaz qui tourne autour de 3 dollars, 3,2 dollars/MBtu, beaucoup moins que le prix sur le marché mondial qui est de 8 et 12 dollars selon qu’on soit en Asie ou en Europe. En réalité, ces pays qui produisent le gaz de schiste le produisent à plus cher que ça. Nous savons que le prix de revient est entre 5 et 6 dollars. Pour les Américains, puissance mondiale, développer le gaz de schiste leur permet de localiser chez eux un certain nombre d’industries et surtout de ne plus être importateur. Le problème, c’est qu’ils sont en train de rééditer la même chose sur le pétrole. Non pas sur le shale oil, le pétrole de schiste mais sur les tight gas, pétrole comprimé extrait par fracturation comme dans le Dakota à partir des roches très peu poreuses et très peu perméables. On parle donc des Etats-Unis autosuffisants en pétrole en 2020. D’abord, ça va poser un problème géostratégique parce que la politique américaine a toujours pris en compte le fait qu’ils aient toujours besoin d’importer cette énergie, etc., au même temps, du point de vue du prix du pétrole ça va poser un problème. Comme les USA sont grands importateurs, et si la Chine continue à tirer un peu la langue et si la crise persiste dans la zone euro, nous risquons une chute des prix du pétrole. Or, si les prix du pétrole chutent, ça risque de devenir catastrophique pour Algérie. Pourquoi ? Parce qu’on n’a pas construit une économie pérenne : on est restés très tributaire de l’importation avec une facture de plus 50 milliards de dollars.


    - N’y a-t-il pas un peu d’exagération dans ce discours, car cela fait plus d’un demi-siècle qu’on produit ce type de prévisions alarmistes ?

    Quand l’Algérie avait le pétrole à 20 dollars, sa politique prenait en compte ce prix. On gérait ce qu’on avait. Mais là, on s’est habitués à un pétrole à 107 dollars et on vit à ce niveau-là. Demain, on serait amenés à faire des révisions déchirantes. Toutes ces aides, cet argent qu’on distribue à droite et à gauche, on risque d’avoir des lendemains difficiles. Vous imaginez : l’Algérie importe pour 6 milliards d’euros de voitures par an ! Sur ces six milliards sur lesquels, il n’y a pas un dinars de production algérienne !

  • #2
    - L’ancien ministre Abdelatif Benachenhou avait annoncé 20% de chute de production de pétrole ?

    On parle d’une chute se situant entre 5 et 20%. On ne peut pas présumer du taux exact car cela dépend des données sur lesquelles on se base.
    Mais ce qui est certain, c’est que nous avons une chute de production sur nos gisements gaz et pétrole. On n’exporte plus autant qu’avant.
    On est plus à 65 milliards mais à peu près à 55 milliards de dollars actuellement. Et là il faut dire les choses telles qu’elles sont : on a pas su gérer correctement nos gisements. Il n’y a pas eu les efforts nécessaires : parce qu’aussi bien un gisement de pétrole qu’un gisement de gaz nécessitent des efforts d’entretien et de récupération constant.


    - En 1971, au lendemain de la nationalisation des hydrocarbures, vous étiez directeur de la production à Sonatrach …

    Non. Non, c’est venu plus tard. A cette époque, j’étais responsable de la production à Hassi Messaoud, c’était 80% de la production. Hassi Messaoud mais il y avait tous les champs autour, ce qu’on appelait les trois districts…


    - Qu’on a vécu cette époque, cette belle époque…

    Ah,oui ! c’était la belle époque. Vous ne l’avez pas vécue. Malheureusement pour vous.
    Parce qu’à l’époque il y avait cette espèce… de volonté chez les Algériens… On était pas nombreux… 5 ou 6 ingénieurs et techniciens… mais tout le monde était tellement engagé, volontaire. Vous savez, à la nationalisation, les étrangers disaient qu’on allait pas pouvoir produire, qu’on allait se casser la gueule, mais...
    Tenez-vous bien, en 1973, on avait battu le record de production de Hassi Messaoud, un record resté à ce jour imbattable : 27 millions de tonnes. On avait développé le procédé de la généralisation de la récupération secondaire.
    On ne s’est pas contentés de produire, mais on avait avancé sur plusieurs domaines. A l’époque, il y avait un esprit de challenge, du volontarisme que je n’ai plus revu depuis. Alors que les écarts de salaires entre le Nord et le Sud se situaient à peine entre 20 et 30%. Il y avait pas de raison d’aller travailler dans le Sud à cette époque.

    - Je termine ma question, comment avez-vous vécu tous ces scandales de Sonatrach ?

    C’est dommage. Dommage pour l’Algérie. Maintenant, il faut laisser faire la justice et je suis sûr qu’elle le fera. Comme il le faut. Correctement et sans précipitation. Ce qu’il faut maintenant, c’est tourner la page , avancer.


    - Quand vous entendez le ministre de l’Energie, Youcef Yousfi, dire : «On n’est pas tous pourris», cela vous inspire quoi comme commentaire ?

    Certainement pas pourris. Aujourd’hui, dans le secteur de l’énergie, des hydrocarbures, les managers sont tellement freinés qu’ils prennent de moins en moins de décisions. C’est une situation très dommageable parce que c’est un secteur où il faudrait absolument continuer à avancer. Pour ce faire, les managers doivent être mis en confiance parce que toute hésitation aujourd’hui dans la prise de décision sera chèrement payée demain.


    - En 2005, l’Algérie a atteint le peak oil avec 220 millions de tonnes équivalent pétrole. Ça n’a jamais été atteint auparavant…

    Ah ! ça c’est votre invention à vous, Messieurs les journalistes !!! Cela veut-il signifier qu’il n’y aura plus de pétrole ? Mais des découvertes, il y en a toujours. Et puis les techniques de la récupération des gisements s’affinent, s’améliorent de plus en plus. Exemple : prenez un pays qui, en janvier 2010 disposait de x réserves en pétrole : il produit toute l’année un volume de pétrole, l’année d’après, en janvier 2011, il dispose du même volume de réserve. Alors qu’il n’a pas fait de découvertes mais parce qu’il a seulement mis en œuvre les techniques de récupération de ses gisements. C’est tout un travail qui se fait. Par ailleurs, c’est vrai qu’il y a de moins en moins de découvertes mais des pays explorent déjà le pétrole de schiste, vont chercher le pétrole à des profondeurs encore plus importantes. Puis, disons-le, il y a beaucoup de gisements qui demeurent sous-exploités. Ces paramètres font qu’on ne peut pas présumer si on a ou pas atteint le peak oil. Mais, quelque part, ce débat contribue malgré tout à faire réfléchir notamment aux économies d’énergie, aux énergies alternatives aux hydrocarbures.

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    • #3
      - Vous voulez dire que ce n’était pas aussi grave que d’avoir pompé à outrance le pétrole et le gaz ?

      Non. Ce n’est jamais bon. Mais ce que je veux dire c’est que le pétrole il y en aura. Mais… bien sûr que cette énergie est épuisable, qu’elle n’est pas renouvelable, qu’elle disparaîtra. Un jour. Mais d’ici là, faisons confiance au génie humain pour trouver de nouvelles sources d’énergie…


      - Mais qu’est-ce qui a permis qu’on ait atteint ce cap de 220 mtep en 2005 ?

      Ça aurait pu arriver une autre année, en 2006 ou… l’année n’a pas été choisie sciemment.


      - Je veux dire : est-ce que ce pic a été atteint parce que justement la politique énergétique qui était en vigueur l’avait projeté, provoqué ?

      Provoqué, je ne sais pas. Mais cela s’explique par l’importance de la demande particulièrement de l’Asie avec une demande chinoise assez importante.
      Par rapport à la demande mondiale, on s’est aperçu qu’elle est égale presque à l’offre. Alors que, généralement, l’offre se situait à un niveau supérieur à la demande. Il y avait un certain nombre d’éléments qui a fait qu’on ait parlé de ce peak oil. Il y a 15 ans, on n’en parlait pas.


      - Exit la demande mondiale importante, sur le plan interne, qu’est-ce qui a fait que Sonatrach ait atteint ce seuil de production ?

      Ah, vous parlez de chez nous ? Eh ben, ce qui a permis à Sonatrach de l’atteindre ce sont toutes les découvertes réalisées dans les années 1990. Le bassin de Berkine, c’était nous.
      Vous imaginez : 12 milliards de barils, c’était énorme. Ce sont donc le résultat des gisements entrés en production à partir notamment de 1998. Après ça, on a raconté qu’on a pas fait de grandes découvertes alors que même les dernières mises en production comme pour la parcelle 208, la découverte a été faite dans les années 1995, 96. Réellement, à part quelques gisements de gaz qui attendent leur mise en production dans la région du Sud-Ouest, on en a pas fait vraiment contrairement à ce qu’on avait annoncé dans les journaux à raison de 30 à 35 découvertes par an. On en a pas vu de mise en production.


      - Donc, la politique énergétique en vigueur depuis 1999, soit depuis l’arrivée de Chakib Khelil à la tête du ministère de l’Energie, n’y est pour rien dans le peak oil?

      En 1995, l’Algérie était le plus grand «découvreur» au monde. Nos découvertes avaient reconstitués nos réserves au même niveau que celle de 1971. Cela veut dire que tout ce qu’on a avait extrait depuis, il a été remplacé.


      - En 1999, comment avez-vous vécu la désignation de Chakib Khelil ministre de l’Energie. Un personnage que vous connaissez pour avoir longtemps travaillé avec lui ?

      En Algérie, on sait à peu près sur quel critère se font les nominations. Souvent le critère de confiance prime sur celui de la compétence.

      - Vous avez travaillé avec lui sur la loi sur les hydrocarbures adoptée en 2005

      Oui. Un petit peu. Sur les aspects techniques. Pas les concepts. Les concepts, c’était lui. Vous savez, la loi de 2005 … (un long soupir)…au départ, le projet c’était de créer une agence qui serait, elle, la détentrice de la puissance publique alors que Sonatarch deviendra une société commerciale. Sur papier, c’était très bien. Après, cette agence, la fameuse Alnaft, aurait du être dotée des meilleurs éléments parce que c’était elle qui, en réalité, détient le pouvoir de décision, de bien gérer les gisements, etc. ça n’a pas été suivi d’effet. Finalement, Sonatrach continuera à jouer le rôle de puissance publique, et d’une manière déguisée. C’est ça finalement qui a…


      - Ce projet initial émanait de qui exactement ?

      Ce n’est pas ça le problème. Le problème c’est que Sonatrach ne pouvait plus continuer à être juge et partie. Elle avait des partenaires et en même temps, elle remplissait le rôle de puissance publique. C’était difficile à assumer. En réalité, la loi de 2005 a été pervertie parce que on avait cru que c’était une sorte de concession.


      - Ce n’était pas le régime de concession qui était retenu ?

      Oui. C’était ça. En définitive, la loi de 2005 (…) il y avait un projet initial qui a mal tourné. On aurait dû renforcer d’abord Sonatrach, doter cette agence publique de larges pouvoirs alors que le faire comme ça (…) sans même qu’Alnaft ne soit dotée d’au moins d’une banque de données, c’est (…)


      - Quel était le véritable projet de Khelil. Un certain moment, il avait parlé de «privatisation» ?

      Oui. Un moment, il avait parlé de privatisation. Au fond, c’était peut-être de ça dont il s’agissait. C’était là, probablement, sa feuille de route. Mais dans la tête des gens, personne ne pensait à la privatisation. Car c’était tout bonnement impensable.

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      • #4
        Il y avait une commission au niveau du ministère qui a travaillé exclusivement sur ce projet de loi ?

        Il n’y avait pas de commission officielle à proprement parler.


        - Une commission informelle ?

        Oui. Beaucoup de monde avait travaillé sur le projet. Mais d’une manière générale, la loi telle qu’elle a été adoptée en 2005 et amendée ensuite, péchait essentiellement par le fait que Sonatrach devenait en matière de participation, moins de 50%, un partenaire minoritaire. Encore, on était revenu de loin. De 25 on est monté à 30%. C’est peut être «ça» qui a justifié, à juste titre d’ailleurs, la levée de boucliers contre cette loi. Pourquoi ces 50% ? Parce qu’il fallait absolument être attractif.


        - Un temps, on avait évoqué le nom d’un certain Bob Pleasent, juriste à la Banque mondiale, dont on dit qu’il est le véritable architecte de cette loi. Vous l’avez croisé ?

        C’est un juriste. Les concepts de la loi ne lui appartenaient pas. C’était ceux du ministre. Disons que ce n’est pas la première fois que Sonatrach et le ministère de l’Energie travaillaient avec des cabinets étrangers. Je crois savoir qu’à l’époque, il y avait déjà un prêt de la BM pour mettre sur place la loi sur l’électricité au même titre que la loi sur les hydrocarbures. Mais disons que Chakib Khelil voulait comme tous ses prédécesseurs faire sa propre réforme législative.


        - Mais la loi de 2005, disons plus osée que les précédentes, était allée beaucoup plus loin en matière de nouvelles dispositions et concepts...

        Ça dépend. Quand les lois de 1986, de 1991 - qui était une « bonne loi » puisqu’elle a permis de nouvelles découvertes - ont été adoptées, c’était aussi la levée de boucliers. Celle de 1986 , elle avait ouvert le partenariat sur les gisements de gaz. C’était aussi impensable à l’époque.


        - Vous voulez dire que la loi 2005 était nécessaire ?

        Non. Pas nécessaire. Il y avait un problème dans les partages de la production. Le gros problème ce n’était pas les Capex (opération en capital et investissement) mais les Copex (dépenses opérationnelles), sources de beaucoup de mésentente avec les partenaires. Parce que ces derniers chargeaient les Copex, les frais d’exploitation et il fallait à Sonatrach tout un attirail de gens pour contrôler car il y avait toujours des milliards de dollars qui étaient en suspens parce que non approuvés, etc. Par ailleurs, le partenaire n’était pas considéré comme un sujet fiscal. La loi de 2005 a essayé de corriger le tir pour en faire un sujet fiscal. D’ailleurs, ces dispositions sont maintenues dans la loi en vigueur.
        Ce qu’il faut dire, c’est que la loi a été mal expliquée parce que les gens s’imaginaient que la part de production sur les nouvelles découvertes qui revenait à l’Algérie était celle de Sonatrach. Ce n’est pas exact. C’est la part de Sonatrach plus (+) la fiscalité. Et le fait que les fameux 51% donnaient l’impression que c’était une concession.


        - A l’ex-ministre de l’Energie, on prête beaucoup de choses, notamment d’avoir livré Sonatrach à la merci des majors pétroliers, organisé, d’une manière réfléchie, le pillage des ressources du pays. Vous en pensez quoi ?

        C’est ce qu’on dit aujourd’hui. Pillage ?!! Ne lui prêtons pas beaucoup… Il ne s’agit pas d’une seule personne, c’est tout un management. Il y a eut l’arrêt des actions de formation. Ça a été mauvais pour Sonatrach… la centralisation de la décision…» «Livrer à la merci...» Mais une fois qu’on est faible, on est à la merci de n’importe quoi.


        - Vous pensez qu’on avait augmenté la vulnérabilité de Sonatrach ?

        Ah, oui ! Sonatrach produisait moins. Les retards induisaient des surcoûts. Elle n’était pas aussi réactive qu’elle devrait l’être. Elle fut même incapable de réaliser ce qui était déjà à sa portée dans les années 1970.


        - Des informations avaient fait état de vente au noir de pétrole...

        Je n’ai pas de commentaire à faire là-dessus.


        - Techniquement, est-ce possible ?

        Ça me paraît franchement difficile. Peut-être  ? Je ne sais pas. Il faudrait dans ce cas que toute la chaîne soit impliquée dans ce processus. Laissons faire la justice.

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