Le rapporteur de l’ONU Juan Méndez sur le Belge Ali Aarrass
| Publié le 03.06.2013 à 11h16 |
Mandat du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
4 décembre 2012
Excellence,
J’ai l’honneur de m’adresser à vous en ma qualité de Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants conformément à la résolution 16/23 du Conseil des droits de l’homme.
Dans ce contexte, je souhaiterais attirer l’attention du Gouvernement de votre Excellence sur des informations que j’ai reçues concernant des allégations portant sur des actes de torture et de mauvais traitements ayant été commis à l’encontre M. Ali Aarrass.
Les informations reçues concernent également des allégations portant sur des preuves obtenues sous la torture lors de la détention provisoire de M. Aarrass; de l’absence d’enquêtes par les autorités marocaines; de harcèlement constant; de refus d’un traitement médical approprié; et de menaces envers M. Aarrass après la visite du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants au Maroc du 15 au 22 septembre 2012.
Selon les informations reçues :
M. Aarrass, âgé de 50 ans, est un citoyen belgo-marocain, qui se trouvant actuellement en détention à la prison de Salé II au Maroc. M. Aarrass a été arrêté en Espagne le 1er avril 2008, conformément à une demande d’extradition du Maroc pour des accusations liées au terrorisme.
Le 19 novembre 2010, le Conseil des ministres espagnol a approuvé l’extradition de M. Aarrass. Le 26 novembre 2010, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies (référence 2008/2010) a demandé aux autorités espagnoles de surseoir à l’extradition de M. Aarrass. M. Aarrass a été extradé comme prévu d’Espagne vers le Maroc le 14 décembre 2010.
À son arrivée au Maroc, il est rapporté que M. Aarrass aurait été sauvagement torturé pendant 10 jours et soumis à d’autres formes de traitement cruel, inhumain et dégradant, y compris le viol, les coups et les humiliations, ainsi que le refus d’un traitement médical approprié, au cours de sa détention provisoire. Il est en outre signalé que M. Aarrass aurait avoué les accusations portées à son encontre en signant une confession écrite par les autorités en langue arabe, en dépit de sa mauvaise connaissance de cette dernière.
Le 8 février 2011, M. Aarrass, en présence d’un avocat, aurait dit au juge d’instruction que ses aveux avaient été obtenus sous la torture. Le 2 mai 2011, le conseiller juridique aurait déposé une plainte au sujet de la torture de M. Aarrass avec le ministre de la Justice et le procureur général de Rabat. Le 15 septembre 2011, le Tribunal de première instance aurait refusé d’ouvrir une enquête sur les allégations portant sur les actes de torture.
Le 29 novembre 2011, le tribunal marocain de première instance de Salé a condamné M. Aarrass à 15 ans de prison. Il est également allégué que le tribunal de première instance aurait omis de mener une enquête adéquate sur les allégations portant sur les actes de torture commis envers M. Aarrass, malgré de nombreuses demandes et malgré une plainte pénale officielle déposée par son avocat. Il est en outre allégué que l’accusation reposerait uniquement sur les aveux obtenus de M. Aarrass sous la torture, plutôt que sur les preuves objectives de la culpabilité du prévenu. Il est rapporté que M. Aarrass a fait appel de la décision et que l’État aurait procédé à l’établissement d’un rapport médico-légal concernant M.Aarrass, le 8 décembre 2011.
Il est également signalé que, selon une étude indépendante médico-légale du 13 juin 2012, le rapport médico-légal du 8 décembre 2011, et l’examen médical établi par les autorités seraient à la fois insuffisants et ne répondraient pas aux normes exigeant une diligence raisonnable, indépendante, et des enquêtes impartiales sur les allégations portant sur les actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Toutefois, le 18 avril 2012, dans le cadre de l’appel de la décision du tribunal de première instance, le procureur général de Rabat a pris la décision de ne pas enquêter sur les allégations portant sur les actes de torture.
Il est rapporté que le 2 octobre 2012, la Cour d’appel de Rabat-Salé a confirmé la condamnation de M. Aarrass, en réduisant la peine de 15 à 12 ans. Il est également allégué que la Cour d’appel n’aurait pas entendu les allégations de M. Aarrass concernant des allégations portant sur les actes de torture, et aurait omis de considérer l’irrecevabilité des aveux obtenus sous la contrainte. Il est rapporté que le juge aurait interrompu la description de M. Aarrass des actes de torture subis en disant simplement que M. Aarrass avait déjà signé des aveux.
Il est en outre signalé que la Cour d’appel n’a pas encore rendu sa décision par écrit dans le cas de M. Aarrass.
Le 20 septembre 2012, le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a rencontré M. Ali Aarrass à la prison de Salé I peu de temps avant que la Cour d’appel n’ait rendu son jugement.
Le médecin légiste indépendant qui accompagnait le Rapporteur spécial a effectué un examen physique externe et trouvé des traces de torture sur le corps de M. Aarrass. Le médecin légiste a conclu que la plupart des traces observées, bien que non diagnostiquées comme signes de torture, sont clairement compatibles avec les allégations présentées par M. Aarrass, à savoir le genre de torture et de mauvais traitements infligés, tels que brûlures occasionnées par une cigarette, pratique du «falanja » (coups assenés sur la plante des deux pieds), attachement intense puis suspension par les poignets et électrochocs aux testicules. En outre, il a constaté que la description faite par M. Aarrass des symptômes ressentis après les épisodes d’actes de torture et de mauvais traitements est totalement compatible avec les allégations et que le genre de pratiques décrites et les méthodologies qui auraient été suivis par les agents pratiquant ces actes, coïncident avec les descriptions et les allégations présentées par d’autres témoignages que le Rapporteur spécial a reçus dans d’autres lieux de détention et qui ne sont pas connus de M. Aarrass. Il a conclu que certains de ces signes seront de moins en moins visibles avec le temps et, à terme, devraient disparaître comme ceux, par exemple, existants sur la plante des deux pieds. Il a également conclu que l’examen physique a uniquement été effectué sous lumière artificielle.
( à suivre )
| Publié le 03.06.2013 à 11h16 |
Mandat du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
4 décembre 2012
Excellence,
J’ai l’honneur de m’adresser à vous en ma qualité de Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants conformément à la résolution 16/23 du Conseil des droits de l’homme.
Dans ce contexte, je souhaiterais attirer l’attention du Gouvernement de votre Excellence sur des informations que j’ai reçues concernant des allégations portant sur des actes de torture et de mauvais traitements ayant été commis à l’encontre M. Ali Aarrass.
Les informations reçues concernent également des allégations portant sur des preuves obtenues sous la torture lors de la détention provisoire de M. Aarrass; de l’absence d’enquêtes par les autorités marocaines; de harcèlement constant; de refus d’un traitement médical approprié; et de menaces envers M. Aarrass après la visite du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants au Maroc du 15 au 22 septembre 2012.
Selon les informations reçues :
M. Aarrass, âgé de 50 ans, est un citoyen belgo-marocain, qui se trouvant actuellement en détention à la prison de Salé II au Maroc. M. Aarrass a été arrêté en Espagne le 1er avril 2008, conformément à une demande d’extradition du Maroc pour des accusations liées au terrorisme.
Le 19 novembre 2010, le Conseil des ministres espagnol a approuvé l’extradition de M. Aarrass. Le 26 novembre 2010, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies (référence 2008/2010) a demandé aux autorités espagnoles de surseoir à l’extradition de M. Aarrass. M. Aarrass a été extradé comme prévu d’Espagne vers le Maroc le 14 décembre 2010.
À son arrivée au Maroc, il est rapporté que M. Aarrass aurait été sauvagement torturé pendant 10 jours et soumis à d’autres formes de traitement cruel, inhumain et dégradant, y compris le viol, les coups et les humiliations, ainsi que le refus d’un traitement médical approprié, au cours de sa détention provisoire. Il est en outre signalé que M. Aarrass aurait avoué les accusations portées à son encontre en signant une confession écrite par les autorités en langue arabe, en dépit de sa mauvaise connaissance de cette dernière.
Le 8 février 2011, M. Aarrass, en présence d’un avocat, aurait dit au juge d’instruction que ses aveux avaient été obtenus sous la torture. Le 2 mai 2011, le conseiller juridique aurait déposé une plainte au sujet de la torture de M. Aarrass avec le ministre de la Justice et le procureur général de Rabat. Le 15 septembre 2011, le Tribunal de première instance aurait refusé d’ouvrir une enquête sur les allégations portant sur les actes de torture.
Le 29 novembre 2011, le tribunal marocain de première instance de Salé a condamné M. Aarrass à 15 ans de prison. Il est également allégué que le tribunal de première instance aurait omis de mener une enquête adéquate sur les allégations portant sur les actes de torture commis envers M. Aarrass, malgré de nombreuses demandes et malgré une plainte pénale officielle déposée par son avocat. Il est en outre allégué que l’accusation reposerait uniquement sur les aveux obtenus de M. Aarrass sous la torture, plutôt que sur les preuves objectives de la culpabilité du prévenu. Il est rapporté que M. Aarrass a fait appel de la décision et que l’État aurait procédé à l’établissement d’un rapport médico-légal concernant M.Aarrass, le 8 décembre 2011.
Il est également signalé que, selon une étude indépendante médico-légale du 13 juin 2012, le rapport médico-légal du 8 décembre 2011, et l’examen médical établi par les autorités seraient à la fois insuffisants et ne répondraient pas aux normes exigeant une diligence raisonnable, indépendante, et des enquêtes impartiales sur les allégations portant sur les actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Toutefois, le 18 avril 2012, dans le cadre de l’appel de la décision du tribunal de première instance, le procureur général de Rabat a pris la décision de ne pas enquêter sur les allégations portant sur les actes de torture.
Il est rapporté que le 2 octobre 2012, la Cour d’appel de Rabat-Salé a confirmé la condamnation de M. Aarrass, en réduisant la peine de 15 à 12 ans. Il est également allégué que la Cour d’appel n’aurait pas entendu les allégations de M. Aarrass concernant des allégations portant sur les actes de torture, et aurait omis de considérer l’irrecevabilité des aveux obtenus sous la contrainte. Il est rapporté que le juge aurait interrompu la description de M. Aarrass des actes de torture subis en disant simplement que M. Aarrass avait déjà signé des aveux.
Il est en outre signalé que la Cour d’appel n’a pas encore rendu sa décision par écrit dans le cas de M. Aarrass.
Le 20 septembre 2012, le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a rencontré M. Ali Aarrass à la prison de Salé I peu de temps avant que la Cour d’appel n’ait rendu son jugement.
Le médecin légiste indépendant qui accompagnait le Rapporteur spécial a effectué un examen physique externe et trouvé des traces de torture sur le corps de M. Aarrass. Le médecin légiste a conclu que la plupart des traces observées, bien que non diagnostiquées comme signes de torture, sont clairement compatibles avec les allégations présentées par M. Aarrass, à savoir le genre de torture et de mauvais traitements infligés, tels que brûlures occasionnées par une cigarette, pratique du «falanja » (coups assenés sur la plante des deux pieds), attachement intense puis suspension par les poignets et électrochocs aux testicules. En outre, il a constaté que la description faite par M. Aarrass des symptômes ressentis après les épisodes d’actes de torture et de mauvais traitements est totalement compatible avec les allégations et que le genre de pratiques décrites et les méthodologies qui auraient été suivis par les agents pratiquant ces actes, coïncident avec les descriptions et les allégations présentées par d’autres témoignages que le Rapporteur spécial a reçus dans d’autres lieux de détention et qui ne sont pas connus de M. Aarrass. Il a conclu que certains de ces signes seront de moins en moins visibles avec le temps et, à terme, devraient disparaître comme ceux, par exemple, existants sur la plante des deux pieds. Il a également conclu que l’examen physique a uniquement été effectué sous lumière artificielle.
( à suivre )
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