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L'Afrique, orpheline de Fanon

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  • L'Afrique, orpheline de Fanon

    Colloque international à Alger, l’Afrique aujourd’hui et Fanon

    Qu'aurait pensé le militant anticolonialiste de la Françafrique, de l'Africom ou encore de la crise du Sahel ? Ce sont ces interrogations d’une brûlante actualité et d’autres qui font l’objet, depuis samedi, d’analyses fines et d’âpres débats à la Bibliothèque nationale.

    Fanon le visionnaire savait qu’un jour l'Afrique post-indépendante, forte de ses centaines de millions d'habitants, ferait l’objet de nouvelles convoitises. L’histoire lui a donné raison. Et pour cause ! 50 ans après les indépendances, sous les coups de boutoir de la “mondialisation”, la souveraineté de l’Afrique est toujours en devenir. Dans son intervention à l’ouverture du colloque, “L’Afrique aujourd’hui et Fanon”, son fils Olivier a estimé que son défunt père avait envisagé de tels “scenarii”.


    Il en veut pour preuve la pertinence et la persistance de la pensée fanonienne dans ses écrits “prémonitoires”, notamment dans “El-Moudjahid” de 1957, soit il y a 56 ans : “Car en définitive, ces Africains, ces grands enfants qui, même devenus adultes, ne sont toujours pas arrivés à rentrer dans l’histoire, décidément, ils auront toujours besoin de nous pour les guider.” Des propos qui rappellent, à une nuance près, ceux tenus par Nicolas Sarkozy lors de son fameux discours de Dakar, au Sénégal, “en terre africaine”, précise Olivier qui ne manque pas de faire le rapprochement. Il est à croire que “l’ancien président de la patrie des droits de l’homme (blanc ?)” a lu l’auteur des Damnés de la terre ou, tout au moins, l’un de ses conseillers, “Monsieur Afrique” de l’élysée, sans doute. Une lecture à l’envers, bien sûr.
    Quoi qu’il en soit, pour Olivier Fanon, son célèbre père a bel et bien anticipé ce qui se trame aujourd’hui devant nos yeux : “Des agressions néocoloniales, des famines organisées, des déplacements de population, du terrorisme, des coups d’Etat…” Chacun sait aujourd’hui que le continent noir est devenu un pôle d'attraction pour toutes les puissances mondiales, en quête de ressources et de débouchés permanents.

    Même la lointaine Chine se met de la partie en y prévoyant des records de croissance économique. Le problème – et tout le monde en convient également – est que cette concurrence internationale a la fâcheuse tendance à se traduire sur le terrain par une série de confrontations militaires par peuples ou ethnies interposés. Jamais les prix des matières premières n’ont autant déterminé la stabilité des pays africains. Même les coups d’Etat seraient indexés sur les cours des bourses des matières premières. Peut-on encore parler d’indépendance “politique” de l’Afrique, alors que nombre de ses pays sont encore sous tutelle étrangère ? Et puis, le “double jeu” et les “liens incestueux” auxquels se livrent actuellement nos dirigeants avec les anciennes puissances coloniales ne s’apparentent-ils pas à de la “haute trahison” ou à une “capitulation” devant les bourreaux d’hier ? Certaines coopérations militaires (menées parfois à l’insu des populations car très impopulaires) au nom de la lutte contre le terrorisme ne viennent-elles pas sonner le glas de ce qui restait de nos souverainetés nationales ?

    Ce sont là quelques questions cruciales sur lesquelles se penchent, actualité oblige, les intellectuels africains qui, faut-il le rappeler, se retrouvent souvent “alliés” dans ce genre de colloque pour rejeter la mainmise étrangère.

    Pourtant, dans cette affaire, il est surtout question d’engagement et de courage, comme l’avait démontré Fanon qui n’avait pas hésité à prendre le “maquis”. Si nos intellectuels, aujourd’hui, sont capables de contredire les vrais faux-fuyants du “chef” et surtout de dénoncer ses errements, rares sont ceux qui s'y risquent réellement.

    Et pour cause ! Il est si difficile, pour certains, de résister aux intimidations, aux pressions de l'argent et aux sirènes du pouvoir. Une chose est sûre : l’évolution de l'Afrique n’est pas achevée.

    L’euphorie de l’indépendance depuis longtemps oubliée, on ne sait, à l’heure actuelle, qu’elle sera précisément “l’évolution africaine”. On craint même dans certains pays un effondrement de l'Etat ou, pour reprendre l’expression d’Olivier Fanon, la “création d’Etats fantoches”.C’est dire qu’il y a véritablement péril en la demeure et très certainement de la matière à débattre.

    Mise à l'épreuve de l'actualité bouleversée et bouleversante de l’Afrique, la pensée de Frantz Fanon n’a pas pris une ride.Elle fait même de lui, aujourd’hui, un brillant contemporain.

    Relisons Fanon !

    Mohamed-Chérif LACHICHI- Liberté
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