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Cette loi a déjà mené à la disparition de centaines d’ONG en Algérie

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  • Cette loi a déjà mené à la disparition de centaines d’ONG en Algérie

    L’union fait la force. Saïd Salhi, défenseur des droits de l’homme et membre, entre autres, de la LADDH, estime que l’unique voie de recours face à cette loi liberticide est la synergie des acteurs de la société civile. Pour ce faire, il organise des cycles de formation et des séminaires afin de faire en sorte que les associations et ONG prennent conscience qu’elles ne doivent pas payer de leur existence pour leur liberté et leur autonomie.


    - Malgré les vives protestations soulevées par la société civile, la nouvelle loi organique sur les associations a été adoptée en 2012. Les associations en activité ont jusqu’à janvier 2014 pour se conformer à cette réglementation. Quelles sont les dispositions qui posent et poseront le plus de problèmes aux acteurs de la société civile ?



    La loi a été promulguée sans consultation de la société civile autonome, elle est entrée en vigueur alors que la société civile a affiché tout son mécontentement, mais sans aucune voie de recours ou de saisine. Elle a été adoptée par le Parlement et validée par le Conseil constitutionnel alors même qu’elle est anticonstitutionnelle et en violation des engagements internationaux de l’Algérie, notamment des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies. Cette loi porte atteinte à la liberté d’association, de réunion et d’organisation.

    Il faut dire que la loi 12/06 est en nette régression par apport à la loi 90/31, au moment où la société civile revendique plus de libertés. L’administration a déjà commencé à procéder à la dissolution d’associations, comme c’est le cas à Oran où plus de 1000 associations ont été dissoutes. L’ancienne loi 90/31 disposait que seule la justice peut prononcer la dissolution d’une association.

    Le seul avantage de cette loi est l’obligation de remise par l’administration d’un récépissé au dépôt du dossier de création d’une association. Sinon, cette loi est truffée d’ambiguïtés et d’aberrations. L’administration peut prononcer la dissolution d’une association (art 39) «pour ingérence dans les affaires internes du pays». L’essence même des associations est justement de s’ingérer dans ces affaires ! Cette disposition vague octroie à l’administration le pouvoir d’interprétation. Du coup, le pouvoir d’exercer du chantage sur les associations.



    - Comment cette mise en conformité se passe-t-elle sur le terrain ?



    Les associations rencontrent beaucoup de difficultés pour le renouvellement de leurs agréments. Parmi les difficultés relevées à l’occasion de la mise en application de la loi, on note la domiciliation qui est un vrai casse-tête. Les associations doivent croiser le fer pour avoir un siège, souvent octroyé par l’administration locale et les mairies, et ce, selon les affinités et les circonstances. Il est exigé le renouvellement des décisions d’octroi pour celles qui disposent déjà de siège et une justification pour les autres. Ce problème se pose plus pour les nouvelles associations car pour avoir un siège et contracter un bail de location, il faut avoir la qualité juridique d’association et donc être agréé. Mais pour avoir un agrément, il faut disposer d’un siège !

    De même, des contraintes quant aux partenariats avec les ONG étrangères sont signalées par quelques associations qui ont sollicité un accord de l’administration pour le financement extérieur, qui exige d’eux un contrat de partenariat entre le gouvernement et le pays de ladite ONG.

    Les ONG internationales présentes en Algérie souffrent des mêmes difficultés. Le pouvoir en place a compris que les subventions ‘à la carte’ ne suffisent pas pour domestiquer la société civile, alors la parade est de tenter de tarir les financements extérieurs pour étouffer toutes les associations réellement autonomes. Pour éviter tout amalgame, la société civile algérienne n’a jamais refusé le contrôle de l’administration sur ses fonds et sa comptabilité. D’ailleurs, les bailleurs de fonds exigent une comptabilité rigoureuse et des auditions par des commissaires aux comptes et des audites externes. L’Etat est dans son droit de contrôler les financements, leur utilisation et leur origine. D’ailleurs, les «subventions» ne sont pas un droit pour les associations, elles sont octroyées à la tête du client. Et personne ne parle des milliards dispensés aux «associations de soutien» à l’occasion des shows politiques et des zerdas de nos responsables.



    - Est-il trop tard pour les associations ? De quels recours dispose la société civile ?


    La société civile algérienne est relativement jeune. Elle ne compte qu’une dizaine d’années d’existence. Elle est donc relativement faible. Preuve en est qu’à l’adoption de cette loi, la société civile était pratiquement absente alors que son sort était en train d’être scellé. Rares ont été les initiatives pour protester contre cette loi ; à part la pétition lancée à partir d’Oran, la voix de la société civile a été inaudible et n’a d’ailleurs pas pesé. C’est maintenant qu’elle commence à travailler sa visibilité en réseau, en lobby, et à construire des plaidoyers pour sa reconnaissance comme partenaire à part entière. Les projets de renforcement des capacités de la société civile en matière de gestion, de montage de projets, de plaidoyer et de lobbying mis en place par plusieurs associations, et ce, grâce à l’appui financier et technique des ONG et des bailleurs de fonds étrangers, commencent à donner leurs fruits. L’enjeu, aujourd’hui, est que cette loi doit impérativement changer. La société civile a beaucoup à faire. L’occasion de la révision de la Constitution ne doit pas être ratée, le droit associatif doit clairement énoncé et garanti. Car à part son amendement par l’APN actuelle, ce qui est improbable, il ne reste que l’espoir du changement de la Loi fondamentale ; la loi sur les associations devra suivre pour se conformer à la prochaine Constitution.

    - Un séminaire national sur les associations sera organisé par la LADDH cette semaine à Oran. Quels seront les thèmes abordés lors de ces rencontres ?


    Ce colloque est prévu pour les 14 et 15 juin 2013 en partenariat avec l’association Le petit lecteur d’Oran pour la région ouest du pays. Il traitera de la nouvelle loi sur les associations. Des analyses seront faites par des experts, juristes et universitaires. Nous avons opté pour Oran parce qu’elle recèle une dynamique associative assez importante et innovatrice. C’est d’ailleurs à partir d’Oran que la pétition contre cette loi a été lancée. Nous avons choisi de revenir sur ce sujet car nous espérons créer un déclic et remobiliser la société civile, pour ne pas seulement subir cette loi, mais tenter de rouvrir le débat et répertorier toutes les contraintes et, pourquoi pas, à travers les témoignages et les échanges avec les associations présentes, construire un plaidoyer pour le changement de cette loi.

    Ghania Lassal- El Watan
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