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Roland Dumas: "En Syrie la France a perdu la face"

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    Roland Dumas: "En Syrie la France a perdu la face"
    Publié le dimanche 09 juin 2013 à 09h10



    L’ancien ministre de François Mitterrand publie Dans l’œil de Minotaure et juge très sévèrement la politique étrangère « va-t’en-guerre » de la France menée par Laurent Fabius

    Deux ans après Coups et Blessures, Roland Dumas, 90 ans, ancien ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand, revient en librairie avec Dans l'œil du Minotaure - Le labyrinthe de mes vies (Le Cherche Midi), véritable musée d'une vie où se côtoient Picasso, Mitterrand, Lacan, Maria Murano, Le Pen, Bataille, Pavarotti, Gorbatchev...

    Comment définir votre livre ?

    C'est un recueil de souvenirs de gens que j'ai rencontrés, mais avec qui je n'ai pas eu le même type de relation. Comme Mitterrand ou Picasso, par exemple, dont j'ai été l'avocat.

    Trouvez-vous fidèle à votre image de dire : « Quand il y avait un coup un peu tordu à faire, Mitterrand savait qu'il pouvait toujours compter sur moi »?


    C'est fidèle à une partie de ma personnalité et j'ai eu de multiples occasions avec Mitterrand de répondre à ces critères. Par exemple, lorsqu'il a été question qu'un livre subversif de Jean-Edern Hallier paraisse sur lui et sa fille. J'ai été chargé par Mitterrand de régler ce problème. Ce que j'ai fait.

    Vous dites que « Mitterrand avait ce côté méfiant vis-à-vis de la finance, dont il s'est accommodé par la suite ». Pourriez-vous écrire la même phrase au sujet de Hollande?

    Non parce que ce n'était pas du tout le même genre d'homme. Je connais très bien Hollande puisque c'est moi qui l'ai amené à la vie publique dans sa circonscription de Tulle. On a une grande amitié mais j'étais beaucoup plus mêlé à la vie personnelle, professionnelle et publique de Mitterrand qui était très distant avec la finance. La phrase de Hollande, je l'ai interprétée comme une réflexion sur la relation qu'un homme public, dans ses projets pour l'État, entretient avec le monde de la finance. C'était une position philosophique.

    Mitterrand avait fait marche arrière en 1984 après les manifestations monstres pour l'école libre. Que pensez-vous de Hollande qui n'a rien lâché malgré les manifestations contre le mariage pour tous ?


    C'est la différence qui existe entre les deux hommes. Peut-être aussi cela vient-il de leur caractère et de l'ampleur du problème. Parce que l'affaire du mariage pour tous est un problème secondaire. N'en déplaise à ceux qui sont dans un camp ou dans l'autre. Tandis que le problème de l'école libre était un problème grave qui avait divisé le pays. Mitterrand n'a pas fait marche arrière mais il a fait un "repli stratégique".

    L'opposition juge Hollande illégitime. Qu'est-ce qui ne fonctionne pas dans sa façon de présider ?


    Les mauvaises nouvelles économiques et sociales se succèdent les unes après les autres et il est difficile de maintenir une majorité dans un contexte pareil. On ne peut pas aller à l'élection tous les huit jours sous prétexte que les choses ne vont pas. Ce serait dangereux.

    Doit-il changer de Premier ministre ?


    On le dit mais je ne le crois pas. Jean-Marc Ayrault est un bon Premier ministre et il y a une très bonne entente entre lui et le président de la République. Jean-Marc Ayrault est comme il est. Il n'est pas grandiloquent, il n'est pas tout ce qu'on veut, mais il est sérieux et fidèle dans l'engagement qu'il a avec François Hollande.

    Que pensez-vous de Manuel Valls qui rappelle souvent être disponible pour Matignon ?

    Je trouve ça très désobligeant de la part d'un ministre de faire des offres de service au premier rang du gouvernement alors qu'un Premier ministre est en place et qu'on appartient à cette formation. C'est inélégant.

    Comment jugez-vous l'engagement de Mélenchon ?


    Il a été ministre avec moi. C'est un garçon qui a du talent. Il a fait un choix politique qui n'est pas le mien. Il a pris une option sur l'extrême gauche. Ce n'est pas maladroit de sa part au point de vue des idées et de la carrière. Il sent bien que les difficultés sont devant nous et qu'elles vont profiter aux extrémistes. Donc, il préfère être là. Ce n'est pas glorieux, mais c'est courageux.

    Vous dites que Marine Le Pen pourrait entrer dans un gouvernement conservateur. Qui s'est le plus rapproché de l'autre, le FN ou l'UMP ?

    Je crois que c'est réciproque. Si on prend circonscription par circonscription, on s'aperçoit qu'il y a des mouvements de l'un vers l'autre. Chacun se dit "Après tout, pourquoi laisser sans réagir des voix qui sont disponibles." C'est vrai de Marine Le Pen mais c'est aussi vrai de certains UMP en mal d'élection. Je connais Marine Le Pen du palais et elle est tout à fait charmante.

    Pourquoi l'action de Laurent Fabius au Quai d'Orsay ne vous convient-elle pas ?

    Je ne suis pas du tout pour cette orientation donnée à la politique étrangère au nom de la France. C'est une position marquée par le suivisme à l'égard des États-Unis et de l'État d'Israël. Une position de va-t-en-guerre qui ne sied pas d'ordinaire à la tradition politique de la France qui est plutôt une recherche de la paix et de la défense de la paix.

    Est-ce que la France agit comme il se doit face à la crise en Syrie ?


    En Syrie, la France est très maladroite. Elle fait un faux calcul. Il faudrait d'abord tenir compte des positions respectives des États dans la région. On ne peut pas non plus écarter la Russie qui n'abandonnera jamais la Syrie où elle a des intérêts légitimes. On donne des armes aux rebelles, immédiatement les Russes envoient des armes au gouvernement légitime et envisagent d'envoyer des avions. On va tout droit à la guerre. Aujourd'hui, la France est malheureusement traitée par le mépris. Elle était au début sur une position très dure, affirmant qu'il n'y aurait pas de conférence tant que Assad serait au pouvoir. Assad est au pouvoir, il ne part pas, la conférence a lieu et la France a perdu la face.

    Qu'avez-vous pensé de l'attitude de Hollande sur le Mali ?

    François Hollande a été très influencé par les militaires français qui avaient envie d'en découdre. À tout prendre, c'était une bonne opération de police mais pas une opération guerrière. Une opération de police qui a remis un peu d'ordre dans la région mais qui n'a réglé aucun problème. Est-ce que des élections sont faites ? Pas encore. Que donneront-elles ? Quelle est la situation au Tchad, au Niger où il y a beaucoup de turbulences et de bruits de bottes ?

    Quel souvenir gardez-vous de Pierre Mauroy dont vous avez été le ministre des Affaires européennes de décembre 1983 à juin 1984 ?

    J'avais avec Pierre Mauroy un lien affectif très fort. Il m'avait accueilli dans le gouvernement de François Mitterrand et nous étions tous très attachés à lui, sentimentalement. Il suffit de voir les manifestations de sympathie pour comprendre l'image merveilleuse de gentillesse et de perspectives humaines que cet homme renvoyait. Il nous a tous aidés et restera dans l'histoire aussi grand que Léon Blum. Il était le prototype du socialiste évolutionniste et sa marque est ancrée dans les réformes sociales qu'il a menées aussi loin qu'il a pu le faire pour améliorer la société française et la faire bouger. Il était une grande figure du socialisme raisonnable.

    source : Corse matin
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