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Les révolutions arabes ont elles été trahies ?

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  • Les révolutions arabes ont elles été trahies ?

    Libé : Vous aviez donné récemment une série de conférences sur le thème «Les révolutions arabes ont-elles été trahies ?». Ne croyez-vous pas que c’est un peu prématuré de poser cette question ?

    Gilles Kepel : C’est une manière de réfléchir à ce qui se passe dans le monde arabe aujourd’hui et d’essayer de le mettre en perspective deux ans et demi après l’éclatement des révolutions arabes qui ont commencé en décembre 2010 avec l’immolation par le feu de Mohamed Bouzizi.
    Personne n’aurait imaginé que ce regrettable incident déboucherait sur la guerre civile en Syrie. Aujourd’hui, deux fronts se disputent l’hégémonie sur la région, à savoir les puissances sunnites arabes, la Turquie, les Occidentaux et Israël d’un côté, et de l’autre l’Iran, le régime syrien, Hamas et Hezballah. Donc, il semble qu’il n’y a plus grand-chose à avoir entre les aspirations démocratiques à la liberté et au changement portées par les révolutions et leur insertion dans des enjeux géopolitiques qui les dépassent. Le peuple syrien qui s’est soulevé contre le dictateur, est pris en otage dans un jeu qu’il ne maîtrise plus, à savoir la lutte pour le contrôle du Golfe persique ou la lutte entre les Russes et les Américains pour l’hégémonie dans la région.

    Mais est-ce que vous pensez que le terme «révolutions» est mieux adapté pour décrire les événements qui secouent le monde arabe alors que d’autres parlent de révoltes, d’un mouvement de contestation ou de transition?

    Je pense qu’au départ, ces événements sont des révolutions dans le sens qu’elles visent un bouleversement en profondeur de l’ordre social. Mais le hic, c’est que les partis religieux qui se les ont appropriés comme les Frères musulmans en Egypte ou Ennahda en Tunis, sont des mouvements qui défendent le statu quo. Mieux encore, ils veulent faire partir les élites occidentalisées et les remplacer par d’autres plus islamisées sans qu’il y ait véritablement prise en considération des aspirations de transformation de l’ordre social portées par les classes sociales inférieures. C’est ce qui explique, d’ailleurs, les protestations de la société civile contre les partis islamistes incapables de réaliser leurs attentes.

    Ces événements ont été marqués par l’arrivée des islamistes au pouvoir. Si pour certains cela a été une surprise, pour beaucoup de chercheurs et spécialistes du monde arabe, cette tendance n’a rien de surprenant. Pour eux, il s’agit d’un long processus déclenché dans les années 80 qui a obligé les islamistes à abandonner quelque peu leur regard doctrinal et moralisateur pour épouser un real islam Ennahda en Tunisie et le PJD au Maroc. Cette victoire des partis islamistes ne semble-t-elle pas démentir le pronostic d’experts tel Olivier Roy, qui, déjà en 1992, prédisait «l’échec de l’islam politique» ?

    C’est plus compliqué. En effet, les islamistes ont dû rectifier le tir. Ils se sont scindés en plusieurs partis. Le 11 septembre a été l’aboutissement de l’échec politique des islamistes radicaux à s’emparer du pouvoir. Et ceux qui ont été portés au pouvoir par les urnes (Ennahda, Frères musulmans) ont dû faire des compromis avec les idéaux démocratiques ou pluralistes alors qu’au départ ils ont dû les combattre.
    Aujourd’hui, Ennahda, par exemple, doit gouverner avec deux partis laïcs de gauche. Dans ce sens, les islamistes sont, à l’intérieur même de leur mouvement, soumis à des pressions très fortes pour transformer leur vision du monde comme en attestent les conflits entre les différentes générations des islamistes. Les jeunes des Frères musulmans ne sont pas dans la même logique que les vieux sans parler de l’opposition entre les Frères et les salafistes.
    Donc finalement toute la question des islamistes aujourd’hui, c’est de savoir comment ils vont pouvoir conserver leur pureté idéologique face au pouvoir, à la concurrence et aux contradictions. Et si les islamistes devaient se dissoudre dans le pluralisme démocratique, il n’est pas dit qu’ils vont le contrôler.

    Selon vous, s’agit-il d’un lifting démocratique comme la souligne Patrick Haenni ou plutôt d’une vraie mutation idéologique et politique ?

    C’est le grand débat en cours, puisque les appareils politiques islamistes veulent limiter cela. On le voit par exemple en Egypte où les Frères musulmans instrumentalisent le jeu démocratique. Mais la société est porteuse de ces revendications démocratiques et lorsque les islamistes égyptiens ont voulu s’emparer du plein pouvoir, il y a eu des réactions très fortes de la part de la société civile. C’est-à-dire le refus d’approuver de repeindre en vert les pratiques autoritaires de l’ancien régime. D’ailleurs, c’est pour cela que les forces de gauche se positionnent de manière différente par rapport aux islamistes. Ainsi, ils y a ceux qui les considèrent comme des fascistes et d’autres, comme Marzouki, qui s’allient avec eux pour trouver les forces démocratiques à faire exploser.

    L’arrivée des islamistes a fait peur notamment aux laïcs et aux Occidentaux. Croyez-vous que les islamistes constituent une menace pour la démocratie ou ont-ils plutôt un rôle de représentation et de modération à jouer qui semble nécessaire à l’avènement d’une véritable démocratie?

    Cela va dépendre de la manière dont vont évoluer les mouvements islamistes mis désormais à l’épreuve du pouvoir. On voit bien comment en Egypte, il y a eu des conflits très significatifs à l’intérieur du mouvement des Frères musulmans entre le Tanzime (l’appareil) d’un côté et les jeunes qui sont plus proches de la jeunesse démocratique que de l’appareil des Frères. Il y a également la question du discours et de l’hégémonie des Frères sur l’islam menacés par les salafistes qui ont eux-mêmes explosé en branches multiples. Là précisément, je ne sais pas si les islamistes sont une menace pour la démocratie ou si cette dernière est une menace pour les idéologies islamistes et c’est là que le véritable enjeu politique me semble résider.
    Les islamistes ont montré qu’ils avaient une base électorale significative. Et le véritable défi pour eux c’est de savoir comment opérer le changement et la transformation intellectuelle.
    Un défi qui crée des tensions entre ceux qui veulent instrumentaliser le processus révolutionnaire pour imposer leur propre vision de la société et ceux qui considèrent qu’il faut trouver une adaptation à la modernité pas seulement dans les apparences mais également dans le sens.

    Est-ce que l’existence d’un salafisme rompant va retarder l’avènement d’un real-islamisme et d’un Etat civil ?

    Actuellement, en Egypte, et en Tunisie en particulier, ce sont les salafistes qui saisissent les frustrations des populations les plus démunies estimant être trahies par les Frères musulmans. Les salafistes prônent dans leur langage une rupture avec les mœurs, les coutumes et avec les pratiques de la société qualifiées d’impureté. Un paradoxe, puisque ces mêmes salafistes ne sont pas, les mieux placés, pour défendre la révolution puisqu’ils se réclament d’un modèle saoudien connu comme non redistributif et antisocial face aux Frères musulmans considérés socialement plus conservateurs et peu révolutionnaires au niveau social. Et c’est l’un des éléments qui brouillent le paysage de l’islamisme politique. Les partis islamistes au pouvoir sont conservateurs moralement mais aussi socialement.

    Pensez-vous comme l’a noté Patrick Haenni qu’il ne faut pas se laisser tétaniser par les victoires des partis islamistes du fait qu’il y a des dynamiques profondes qui agitent les sociétés arabes ? Or ces dynamiques vont dans le sens d’«un dépassement du logiciel idéologique du discours islamiste».

    Il me semble, effectivement, que la dynamique des révolutions est l’un des défis les plus importants que doivent affronter les islamistes notamment au niveau de l’adaptation de leurs logiciels et leur manière de penser la réalité sociale. C’est à cela qu’on doit s’attendre probablement avec beaucoup de turbulence, de remous et de douleur particulièrement en Egypte et en Tunisie.
    LIBE

  • #2
    j'aime bien lire Gilles Kepel , ces analyses sur le monde arabe et islamique sont eqilibrées et pertinentes
    " Je me rend souvent dans les Mosquées, Ou l'ombre est propice au sommeil " O.Khayaâm

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    • #3
      Mais le hic, c’est que les partis religieux qui se les ont appropriés comme les Frères musulmans en Egypte ou Ennahda en Tunis, sont des mouvements qui défendent le statu quo.
      Le Kepel ne doit pas oublier que l'anarchie mélangée à l'islamisme n'est pas le fait du hasard mais un coup calculé. La société arabe a été islamisée par ces mêmes régimes qui prétendent combattre l'islamisme, non pas islamisée dans le but de sortir vers un islam de paix mais vers l'anarchie pour que le chaos règne et que pour enfin on reparlera d'eux comme le font certains naifs aujourd'hui "oh ' c'était mieux sous la dictature" or c'est ces dictatures qui ont préparé le terrain. Le peuple lui est mal organisé, il ne possède pas d'institutions, ces derniéres sont plutôt la propriété de ces imbéciles de dictateurs..
      On nous dit pourquoi les rebelles n'emprisonnent pas les soldats au lieu de les tuer... comme si les rebelles possèdent des prisons, des hopitaux, des écoles... alors que c'est le régime lui même qui tue ses priosonniers sur place...
      Les dépassements de la société sont compréshensibles, ils ne sont pas commis d'une manière officielle, mais dans l'anarchie... par contre ce que font ces régimes c'est des massacres officiels, c'est eux les décideurs.. c'est eux qui calculent tout!
      Dernière modification par bel-court, 12 juin 2013, 12h45.
      Pas à la tique ..

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      • #4
        ces révolutions confisquées ...Trahies par l axe du mal ...les Rois -maudit
        Constaté : Libye et Tunisie et l Égypte
        La Syrie tient tête aux déchets de l humanité financé par Qatar et l Arabie Saoudite ...
        Bravo ! chapeau bas !!!!!!!!!!!
        A qui sait comprendre , peu de mots suffisent

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