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Turquie : "Erdogan est un diviseur"

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    Turquie : "Erdogan est un diviseur"
    Claudia Roth est la co-Présidente des Verts allemands. Elle était dans le parc Gezi à Istanbul au moment où la police turque a chargé pour faire évacuer les opposants. ARTE Journal l'a joint sur place.


    © AFP / Islam Yakut / Anadolu Agency

    Claudia Roth (au centre) après l'attaque du parc Gezi, le 15 juin 2013
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    Claudia Roth, Co-Présidente des "Verts" allemands, depuis Istanbul : Parce ce que nous voulions montrer que nous sommes aux côtés de la Démocratie en Turquie. Nous ne voulons pas que l'Europe ferme ses portes. La Turquie a désormais encore plus besoin de l'Europe. Les gens qui sont impliqués dans des mouvements dans plus de 80 provinces de ce pays portent les valeurs auxquelles nous croyons : liberté de la presse, liberté d'expression, droit à manifester et à s'autodéterminer, et non à vivre sous les diktats d'un Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, à l'image autocratique.

    Quelle était la situation samedi soir au parc Gezi ?

    Claudia Roth : Quand nous sommes arrivés, c'était une belle soirée paisible. Il y avait une très bonne ambiance sur la place Taksim. Mais il y avait beaucoup de policiers déployés, et il y avait des craintes que la place Taksim pourrait être évacuée. Nous sommes alors allés dans le parc Gezi tout proche. Il y avait une ambiance comme lors d'un un festival de plein air – un sorte d'Istanbul Woodstock pourrait-on dire. Sur une scène un groupe jouait. Des femmes offraient des choses délicieuses à manger. Les seuls au milieu de cette ambiance bon enfant qui semblaient embêtés étaient les personnes chargées des premiers secours. Elles disaient que si la place Taksim venait à être évacuée, il fallait de la place pour soigner les blessés. Mais personne ne s'attendait à ce que le parc Gezi soit attaqué sans préavis - avec force gaz lacrymogènes. Les gens ont alors essayé dans une grande panique de fuir vers un lieu sûr. Ils ont été pourchassés. Certaines personnes ont été touchées directement par des grenades de gaz lacrymogènes. Des canons à eau étaient aussi déployés et apparemment ils avaient des produits chimiques dans leurs réservoirs. J'ai vu des blessures et des brûlures de la peau terribles.

    Où les gens ont-ils fui ?

    Claudia Roth : J'étais avec beaucoup d'autres dans l'Hôtel "Divan". Il a ouvert ses locaux pour offrir une protection aux gens. Dans la grande salle de bal, un hôpital d'urgence a été mis en place. Là, les médecins ont pu prodiguer les premiers soins. Puis la police a pénétré dans cet hôtel et tiré des gaz lacrymogènes. J'étais là et c'était affreux. Tout autour de moi il y avait des gens grièvement blessés. On ne voyait plus rien, les yeux nous brûlaient. La respiration était difficile. Cela fait vraiment peur. Personnellement je n'ai pas vu de tirs de balles en caoutchouc. Mais les médecins et les organisations de défense des droits de l'Homme ont signalé des tirs. Les gens ont été si gravement blessés.

    Comment voyez-vous l'avenir de ce mouvement anti-Erdogan ?

    Claudia Roth : Je pense surtout qu'il est de notre responsabilité de se tenir aux côtés du mouvement pour la démocratie, qui est probablement le plus important qui ait jamais existé en Turquie. Ce serait une erreur désastreuse de dire : la Turquie n'appartient pas à l'Europe. Parce que Erdogan, ce n'est pas la Turquie, il ne la représente pas. Pour nous Européens, la nouvelle Turquie démocratique doit être importante. Nous, les Européens devons maintenir le lien avec les nombreux jeunes et moins jeunes qui disent : nous luttons pour une vie libre et indépendante.
    Quant à l'avenir c'est difficile à dire. J'entends beaucoup dire ici que "l'âge de la peur est terminé". Dans plus de 80 provinces on ose manifester dans les rues. L'expérience de la violence et de l'injustice est si grande que M. Erdogan ne peut pas se contenter de jouer les grands muftis qui donnent des ordres.

    Comment la lutte pour une société ouverte doit-elle s'organiser en Turquie ?

    Claudia Roth : Elle doit être démocratique et hétérogène. C'est la variété qui compte. Maintenant ce n'est plus un parti unique qui fait tout. Rien que dans la plate-forme de solidarité Taksim, il y a 130 groupes : de la commission médicale aux architectes, les syndicats, les Verts, le mouvement écologiste, etc. Il ya beaucoup de groupes, une large alliance. Et l'affirmation de M. Erdogan selon laquelle il y a une ligne de fracture entre religieux et laïques est tout simplement fausse. Même les musulmans pieux sont dans le mouvement de la démocratie. Je crains que ce soit M. Erdogan qui par ses appels ait attisé la haine et cela divise la société turque. Le Premier ministre représente de plus en plus les sunnites. Il a insulté les alévis en Turquie, et ils sont après tout 15 millions. Erdogan est un diviseur.

    Quelle est votre analyse de la politque d'Erdogan ?

    Claudia Roth : Le parti AKP d'Erdogan est pour un néolibéralisme "hardcore". Il ne se soucie pas de l'environnement ou du patrimoine historique. La dernière oasis de verdure à Istanbul (le parc Gezi, ndlr) doit être rasé. Un deuxième pont sera construit sur le Bosphore, détruisant une partie de la vieille ville d'Istanbul, inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO. On bâtit un centre commercial après l'autre, des centrales nucléaires sont prévues dans les zones sismiques. Cela n'a pas grand chose à voir avec la foi ou les valeurs de la religion. Quant à l'islamisation, il faut être très prudent. Parce qu'il y a des musulmans qui sont très pratiquants, mais ne soutiennent pas la politique d'Erdogan. Une politique qui ressemble de plus en plus à celle d'un ami d'Erdogan, Vladimir Poutine. la "Démocratie dirigée".

    Comment l'UE doit-elle agir selon vous ?

    Claudia Roth : Elle doit condamner clairement ce que Erdogan est en train de faire. Ensuite, la société civile doit être renforcée. Il faut augmenter les contacts à travers par exemple les jumelages, ce qui existe déjà en Allemagne. Ce qui montrera que nous n'oublions pas les démocrates en Turquie. Ce que l'Europe ne doit pas faire, car ce serait la meilleure chose qui puisse arriver à Erdogan, serait de dire : la Turquie ne rentre pas dans l'Europe. Erdogan obtiendrait ainsi ce qu'il recherche. Nous avons donc besoin d'un cadre démocratique pour les manifestations démocratiques, et ce cadre l'Europe peut le fournir.

    Propos recueillis par Ellen Hofmann
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