Annonce

Réduire
Aucune annonce.

La coproduction pour réduire les importations

Réduire
Cette discussion est fermée.
X
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • La coproduction pour réduire les importations

    Le Professeur en économie, El Mouhoub Mouhoud à Horizons

    Entretien réalisé par Fella Midjek

    Publié le 17 juin 2013


    La coproduction est une nouvelle forme de partenariat pour se substituer aux importations en Algérie développée par le spécialiste de la question, El Mouhoub Mouhoud, professeur d’économie à l’Université Paris Dauphine. Dans cette interview donnée à la veille de la conférence qu’il animera le 19 juin prochain à Alger pour le Club d’action et de réflexion autour de l’entreprise (Care), il explique que la coproduction consiste, pour une entreprise donneuse d’ordre, à faire fabriquer des composants intermédiaires industriels ou encore des modules technologiques complets à forte valeur ajoutée, par une entreprise partenaire dans un pays émergent à capacités productives. Un concept que l’Algérie devrait, selon lui, adopter, d’autant qu’elle possède une main-d’œuvre qualifiée et que des deux côtés de la Méditerranée, il y a une prise de conscience que le modèle basé sur le simple échange de biens par le commerce est très limité.
    Comment définissez-vous le concept de coproduction ?
    Ce concept repose sur un principe de partenariat. Il consiste, pour une entreprise donneuse d’ordre, à faire fabriquer des composants intermédiaires industriels ou encore des modules technologiques complets à forte valeur ajoutée, par une entreprise partenaire dans un pays émergent à capacités productives et doté d’une main-d’œuvre qualifiée mais moins onéreuse. C’est le cas des pratiques des firmes allemandes dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO). Cette logique de coproduction est nettement différente des pratiques des entreprises qui délocalisent seulement les activités d’assemblage à faible valeur ajoutée dans les pays à bas salaires (ce fut largement le cas en Tunisie dans le textile, l’habillement, le matériel électrique ou encore les centres d’appels dans les services) et réimportent le produit final ou le service final dans le pays d’origine, dans une seule logique de minimisation des coûts salariaux.
    Quelles réalités se cachent derrière ce concept ?
    La réalité est que des deux côtés de la Méditerranée, il y a une prise de conscience que le modèle basé sur le simple échange de biens par le commerce est très limité. Un développement industriel conjoint pourrait se mettre en œuvre dans une optique d’avantages mutuels.
    Quelles sont les conditions pour que l’Algérie puisse l’adopter ?
    Pour l’Algérie et les autres pays du sud de la Méditerranée, deux défis majeurs précèdent l’instauration de cette coproduction : la professionnalisation de la main-d’œuvre et l’ouverture des marchés. En Algérie comme dans la plupart des pays, nous avons affaire à une mise en jachère de milliers de diplômés qui restent au seuil du marché du travail. Un préalable à la réussite de cette stratégie est la mise en place de manière ciblée d’un système de coformation entre les entreprises algériennes et françaises, comme l’ont fait Suez Environnement et la ville d’Alger dans leur partenariat. Des dizaines d’ingénieurs ont été formés dans ce cadre. Quant à l’ouverture des marchés entre les pays de la région, elle est essentielle pour multiplier les débouchés et l’acquisition de la culture des normes.
    Justement, quels en seront les bénéfices pour l’Algérie ?
    Les bénéfices sont la formation et la professionnalisation de la main-d’œuvre et l’enclenchement des filières industrielles dans une optique fondamentale pour l’Algérie de diversification de la production et de la préparation de l’après-pétrole. Elle favorisera l’attractivité des IDE (investissements directs étrangers) pour l’accès aux marchés local et régional comme par exemple la région subsaharienne.
    Ce nouveau concept permettra-t-il à notre économie une intégration dans le système d’échange productif entre les pays du pourtour méditerranéen ?
    Bien entendu, à condition que les deux défis énoncés plus haut soient sérieusement mis en œuvre. Cette stratégie pourrait favoriser, dans un premier temps, un rattrapage en termes d’IDE qui pourra entraîner la mise en œuvre d’un système de coformation et d’une professionnalisation de la main-d’œuvre locale et autoriser ainsi un réel processus de rattrapage technologique de l’économie algérienne, dans l’industriel comme dans les services de la connaissance. Il s’agit d’enclencher une sorte de cercle vertueux à l’instar des relations entre l’Allemagne et les PECO.
    Quel est le lien entre co-localisation ou coproduction et la substitution aux importations ?
    Le lien est évident du seul fait que cette stratégie inclut l’attractivité des IDE. Par un effet mécanique, les investissements que les entreprises partenaires réaliseront en Algérie produiront des biens et services qui se substitueront peu à peu aux importations. Cette stratégie de coproduction peut s’adapter à l’exigence algérienne de vouloir substituer ses importations par une production locale, passant par des IDE ou des joint-ventures de qualité entre les firmes étrangères et les entreprises algériennes permettant une augmentation de la qualité de la main-d’œuvre par une meilleure professionnalisation et l’acquisition de la culture des normes. Une fois ces préalables acquis, la maturité pour une plus grande ouverture du marché sera atteinte. Ainsi, en partant de l’exigence de produire localement en faisant appel aux IDE, l’Algérie pourrait alors bénéficier d’un environnement favorable en termes de productivité et de qualité de sa main-d’œuvre et de son tissu productif pour s’autonomiser et devenir compétitive dans la mondialisation et la régionalisation des échanges.
    En attendant, il y a une réalité …
    La réalité algérienne est caractérisée par une disponibilité de jeunes diplômés mais non professionnels et l’existence de moyens financiers nécessaires pour qu’ils le deviennent. Un marché local important dont l’essentiel de son approvisionnement provient des importations. Et sa position géostratégique pourrait servir de relais pour des réexportations européennes vers le marché subsaharien en croissance rapide.
    Comment l’Algérie voit la substitution à ses importations et comment peut-elle remédier à la situation actuelle de son économie dans le contexte de mondialisation ?
    Il ne m’appartient pas d’exprimer la position algérienne en la matière, nous ne savons pas encore quelle stratégie est mise en œuvre par les décideurs de ce côté-ci de la Méditerranée. Je peux simplement donner mon point de vue sur ce qui serait souhaitable de faire. Comme le montrent les pays qui tirent réellement partie de la fragmentation internationale de la chaîne de valeur et dans le partage de la valeur ajoutée mondiale, l’importation est une véritable arme stratégique pour parvenir à des positions leader dans le domaine des exportations. Se satisfaire d’acheter les produits à destination de la consommation finale des ménages, de les distribuer, voire d’en subventionner le prix, n’est pas une stratégie efficace à long terme. Mais le protectionnisme n’est pas non plus la panacée.
    Quels sont les pays méditerranéens avec lesquels l’Algérie pourrait construire ce genre de partenariat ?
    Chercher à développer sa production par des partenariats gagnant-gagnant avec les pays de la rive nord de la Méditerranée et des pays de l’est de la Méditerranée comme la Turquie qui a réussi à atteindre 80% des normes exigées dans le cadre de l’acquis communautaire avec l’Union européenne semble aller dans le sens de cette stratégie de diversification et de la préparation de « l’après-pétrole » ou de « l’après-gaz ».
    F. M.
    Bio express
    Docteur en sciences économiques de l’université Paris 1 Sorbonne (1991) et agrégé des Facultés de sciences économiques (1994), El Mouhoub Mouhoud est professeur d’économie à l’Université Paris Dauphine où il enseigne l’économie internationale et dirige le Master Affaires Internationales. Il est également fondateur et directeur du Groupement de recherche international du CNRS DREEM (Développement des recherches économiques euro-méditerranéennes). Il a été conseiller scientifique au Centre d’analyse stratégique (ex-Commissariat général du plan) (1995-2008). Il vient d’achever une étude pour le ministère français du Redressement productif sur la relocalisation des activités industrielles en France et la compétitivité des territoires. Il est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages dont « Mondialisation et délocalisation des entreprises ».
Chargement...
X