Mohamed Chafik Mesbah : "Quand on fera l'audit des dépenses sous Bouteflika, on sera surpris"
Entretien réalisé par Mourad Hamdane (Le Soir d'Algérie). Ancien officier supérieur de l’ANP et politologue, Mohamed Chafik Mesbah est docteur d’Etat en sciences politiques de l’Université d’Alger et diplômé du Royal College of Defence Studies de Londres. Politologue, il se consacre à la recherche académique.
Le Soir d’Algérie : L’Algérie semble s’engager dans un tournant de son histoire avec l’aggravation de l’état de santé du Président Abdelaziz Bouteflika. Cette évolution vous semble déterminante pour l’avenir ?
Mohamed Chafik Mesbah : Ne nous attardons pas sur l’état de santé du président de la République. Cela relève de son intimité. Comment, au demeurant, aborder un sujet autour duquel règne l’opacité la plus totale. Mais rien n’interdit, par contre, d’envisager les conséquences politiques de cette maladie. D’autant que l’Algérie connaît une situation des plus cauchemardesques.
Que voulez-vous dire par "cauchemardesque" ?
Une situation dramatique. Jugez-en. Un champ politique frappé de léthargie, des institutions représentatives délégitimées et des instances exécutives sans impact. Des partis sans ancrage social et des leaders sans charisme. Enfin, un mouvement syndical et associatif si peu représentatif. Une situation économique des plus fragiles aussi. Les immenses ressources financières tirées des hydrocarbures sont dilapidées dans une gestion anarchique aucunement adossée à la logique économique.
Le Président Abdelaziz Bouteflika n’en a pas moins lancé des programmes d’investissement qui ont généré de la croissance positive…
Plutôt de la "croissance extensive" comme disent les économistes ; sans effet d’entraînement réel sur la sphère productive. Vous n’ignorez pas que de véritables goulots d’étranglement ont entravé l’application de ces plans dits de "relance de l’économie". Des dysfonctionnements liés à la mauvaise gouvernance et à la grande corruption ont fait de ces plans des prétextes pour dissiper les deniers publics. Lorsque les infrastructures réalisées sous le règne du Président Abdelaziz Bouteflika – autoroutes, ouvrages d’art et logements — seront soumises, dans des conditions transparentes, à audit financier et diagnostic technique, le monde sera stupéfait par les surprises mises en évidence.
La situation sociale est à la même enseigne ?
Malgré la profusion de subventions directes supposées protéger ou améliorer le niveau de vie de la population, c’est la précarité qui prédomine. Le chômage — en termes réels — pénalise, lourdement, les couches sociales les plus vives du pays. En particulier les jeunes diplômés. Les besoins essentiels — santé, école et logement — sont de qualité médiocre.
Examinons la réconciliation nationale. C’est un bilan que certains jugent positif…
Faisons un bref retour à la période du Président Liamine Zeroual. Il s’agissait, à l’époque, de parvenir à la neutralisation physique du terrorisme à travers un combat méthodique et résolu tout en favorisant une reconfiguration du courant islamiste — donnée co-substantielle à la société algérienne — sur la base du respect absolu de l’ordre constitutionnel. Cette démarche a permis des résultats substantiels. Avec l’arrivée du Président Abdelaziz Bouteflika, la démarche a changé, sensiblement, de contenance et d’orientation. La violence terroriste maîtrisée étant un résultat déjà acquis, l’accent a été mis sur la consolidation d’un islamisme de "bazar" avec une tolérance excessive vis-à-vis des salafistes et de la bienveillance pour les anciens dirigeants de la branche armée du FIS et autres anciens chefs de groupuscules terroristes. La réconciliation nationale ne saurait être une simple construction juridique virtuelle !
Quel état des lieux lugubre ! Vous ne voyez aucun résultat positif dans le bilan du président de la République actuel ?
Des nuances, peut-être. Premièrement, la stabilisation de la situation sécuritaire semble avoir complètement éloigné le spectre d’un terrorisme triomphant. Deuxièmement, l’armée a subi une certaine cure de rajeunissement avec une professionnalisation plus ou moins prononcée. Mais le coût des dépenses militaires reste excessif et la doctrine de défense attend d’être actualisée.
Quelles pourraient être les conséquences de ce diagnostic ?
Un spectre de menaces dangereuses se profile à l’horizon. Risque de dislocation de la cohésion sociale. Risque d’amputation du territoire national. Risque même d’effritement de l’unité de l’armée dans le cas où elle serait entraînée vers des tâches qu’elle réprouve. Certains des responsables actuels pourraient être poursuivis, demain, pour "non-assistance à patrie en danger".
Quels sont ces détenteurs de "vrais leviers de pouvoir" ?
Cela nous renvoie au mode de fonctionnement du système. Soulignons, d’emblée, que le Président Abdelaziz Bouteflika a hérité du système actuel. Il n’en a pas été le concepteur. C’est le système, dans sa globalité, qui, par conséquent, est en cause. Sans doute, le Président Abdelaziz Bouteflika a forcé le trait en recourant, inconsidérément, à l’autoritarisme et au népotisme avec un mépris affiché pour le peuple et les élites nationales.
Quelle est la nature du système politique algérien ?
Un Etat autoritariste paralysé avec une certaine dose d’anarchie. Une sorte de "dictature molle" où l’exercice du pouvoir est des plus diffus. Ce n’est pas, loin s’en faut, un système démocratique.
Vous considérez qu’il existerait un partage de l’exercice du pouvoir en Algérie ?
Le Président Abdelaziz Bouteflika était venu avec la volonté d’instaurer un régime hyper-présidentiel. Il voulait concentrer tous les pouvoirs entre ses mains sans "pôles de pouvoir" concurrents. Au niveau de la Constitution, l’objectif a été atteint. Sur le plan pratique, toutes les institutions et appareils de l’Etat, y compris l’institution militaire et les services de renseignement, semblent sous contrôle. La présidence de la République n’en est pas devenue, pour autant, un véritable centre d’impulsion stratégique. En raison de l’indisponibilité, chronique de M. Abdelaziz Bouteflika, le fonctionnement de la présidence de la République a été ralenti. MM. Saïd Bouteflika — frère et conseiller du chef de l’Etat — et Mohamed Rougab, secrétaire particulier, sont devenus les deux seuls personnages importants. Incapable d’agir pour les questions d’intérêt stratégique, le premier cité intervient systématiquement sur les questions organiques, en particulier les nominations. Le second, qui se contente de répercuter les instructions du président de la République auprès des responsables de l’Etat, est devenu un passage obligé.
En quoi consiste ce "cercle présidentiel" évoqué avec insistance ?
C’est un entourage informel qui s’est substitué, arbitrairement, à l’ordre institutionnel légal. Un véritable processus d’accaparement des instruments de puissance publique à des fins privatives. Ce cercle repose, essentiellement, sur un "noyau dur" qui en constitue la pierre angulaire. Il a pour pivot M. Saïd Bouteflika qui s’appuie sur une faune de "baltaguias", véritables prédateurs de l’économie. M. Saïd Bouteflika dispose de relais au niveau des principales institutions et grandes entreprises publiques, en plus de tous les responsables d’organes d’information publics, qui relèvent, directement, de lui.
Existe-t-il d’autres "centres de pouvoir" concurrents au "cercle présidentiel" ?
L’exécutif gouvernemental ne constitue guère plus un "centre de pouvoir". La plupart des ministres échappent à son autorité. La coordination de l’action gouvernementale, sa cohérence et son efficacité s’en ressentent grandement. Le Parlement — Assemblée populaire nationale et Conseil de la nation, un «centre de pouvoir» ? Le phénomène récurrent de l’abstention électorale — le taux de participation électorale tourne autour de 20% — a, totalement, délégitimé les deux institutions qui se complaisent dans le rôle de chambres d’enregistrement.
Nul doute, alors, que l’armée et les services de renseignement constituent un "centre de pouvoir" autonome ?
Arrivé au pouvoir avec l’ambition affichée de renvoyer l’armée aux casernes et de contenir les services de renseignement pour qu’ils ne puissent plus interférer dans le champ politique. Mais le Président Abdelaziz Bouteflika ayant étouffé, à un point inattendu, la vie politique et syndicale, il en est résulté un vide sidéral qui a prévalu. La nature ayant horreur du vide, l’armée et les services de renseignement sont au-devant de la scène. Ils seront incontournables dans le processus de succession qui s’ouvre.
Evoquons, à présent, les scandales de grande corruption. Comment expliquer cette généralisation excessive de la grande corruption qui touche tous les secteurs d’activité économique ?
Premièrement, c’est la gouvernance publique qui est en cause. C’est la nature autoritariste de l’Etat qui a ouvert un "grand boulevard" à la grande corruption. Deuxièmement, lorsque l’argent coule à profusion, la tentation est grande de le détourner à des fins personnelles. Les plans de relance lancés par le Président Abdelaziz Bouteflika ont été propices aux pratiques de grande corruption. La société algérienne est affectée, elle aussi, par cette distribution inconsidérée de la rente. Sous forme de subventions ou de revalorisation de salaires. Le régime semble disposer d’une technique rodée pour gérer contestation sociale et politique. Un sentiment de profonde exaspération a gagné, pourtant, les esprits de tous les Algériens, commis de l’Etat, de l’administration publique et officiers de l’Armée nationale populaire et des services de renseignement.
Pourquoi le Président Abdelaziz Bouteflika a-t-il échoué dans la lutte contre la corruption alors qu’il en avait fait un cheval de bataille ?
Voulant donner l’illusion qu’il faisait de la lutte contre la corruption son credo, le Président Abdelaziz Bouteflika n’a pas manqué de créer une pléiade d’organismes censés prévenir ou réprimer la corruption. Dans la réalité, il a laissé faire les prédateurs qui foisonnent à l’intérieur comme à l’extérieur du système.
Comment expliquer ce phénomène de division interne qui traverse les principaux partis politiques en Algérie ?
D’une manière générale, les divisions apparues au sein des partis politiques témoignent de leur fragilité. Une fragilité qui concerne, d’abord, l’ancrage social de ces partis et l’absence de cohésion parmi les militants. Une fragilité qui renvoie à la faiblesse – sinon l’inconsistance – des référents de doctrine politique. L’absence de fonctionnement démocratique en leur sein est, évidemment, un facteur aggravant. Les partis actuels n’ont pas effectué la mue qui leur aurait permis de s’adapter au nouveau contexte national et international. Le moindre souffle peut avoir raison de leur unité, si ce n’est de leur existence.
SUITE CI-DESSOUS :
Entretien réalisé par Mourad Hamdane (Le Soir d'Algérie). Ancien officier supérieur de l’ANP et politologue, Mohamed Chafik Mesbah est docteur d’Etat en sciences politiques de l’Université d’Alger et diplômé du Royal College of Defence Studies de Londres. Politologue, il se consacre à la recherche académique.
Le Soir d’Algérie : L’Algérie semble s’engager dans un tournant de son histoire avec l’aggravation de l’état de santé du Président Abdelaziz Bouteflika. Cette évolution vous semble déterminante pour l’avenir ?
Mohamed Chafik Mesbah : Ne nous attardons pas sur l’état de santé du président de la République. Cela relève de son intimité. Comment, au demeurant, aborder un sujet autour duquel règne l’opacité la plus totale. Mais rien n’interdit, par contre, d’envisager les conséquences politiques de cette maladie. D’autant que l’Algérie connaît une situation des plus cauchemardesques.
Que voulez-vous dire par "cauchemardesque" ?
Une situation dramatique. Jugez-en. Un champ politique frappé de léthargie, des institutions représentatives délégitimées et des instances exécutives sans impact. Des partis sans ancrage social et des leaders sans charisme. Enfin, un mouvement syndical et associatif si peu représentatif. Une situation économique des plus fragiles aussi. Les immenses ressources financières tirées des hydrocarbures sont dilapidées dans une gestion anarchique aucunement adossée à la logique économique.
Le Président Abdelaziz Bouteflika n’en a pas moins lancé des programmes d’investissement qui ont généré de la croissance positive…
Plutôt de la "croissance extensive" comme disent les économistes ; sans effet d’entraînement réel sur la sphère productive. Vous n’ignorez pas que de véritables goulots d’étranglement ont entravé l’application de ces plans dits de "relance de l’économie". Des dysfonctionnements liés à la mauvaise gouvernance et à la grande corruption ont fait de ces plans des prétextes pour dissiper les deniers publics. Lorsque les infrastructures réalisées sous le règne du Président Abdelaziz Bouteflika – autoroutes, ouvrages d’art et logements — seront soumises, dans des conditions transparentes, à audit financier et diagnostic technique, le monde sera stupéfait par les surprises mises en évidence.
La situation sociale est à la même enseigne ?
Malgré la profusion de subventions directes supposées protéger ou améliorer le niveau de vie de la population, c’est la précarité qui prédomine. Le chômage — en termes réels — pénalise, lourdement, les couches sociales les plus vives du pays. En particulier les jeunes diplômés. Les besoins essentiels — santé, école et logement — sont de qualité médiocre.
Examinons la réconciliation nationale. C’est un bilan que certains jugent positif…
Faisons un bref retour à la période du Président Liamine Zeroual. Il s’agissait, à l’époque, de parvenir à la neutralisation physique du terrorisme à travers un combat méthodique et résolu tout en favorisant une reconfiguration du courant islamiste — donnée co-substantielle à la société algérienne — sur la base du respect absolu de l’ordre constitutionnel. Cette démarche a permis des résultats substantiels. Avec l’arrivée du Président Abdelaziz Bouteflika, la démarche a changé, sensiblement, de contenance et d’orientation. La violence terroriste maîtrisée étant un résultat déjà acquis, l’accent a été mis sur la consolidation d’un islamisme de "bazar" avec une tolérance excessive vis-à-vis des salafistes et de la bienveillance pour les anciens dirigeants de la branche armée du FIS et autres anciens chefs de groupuscules terroristes. La réconciliation nationale ne saurait être une simple construction juridique virtuelle !
Quel état des lieux lugubre ! Vous ne voyez aucun résultat positif dans le bilan du président de la République actuel ?
Des nuances, peut-être. Premièrement, la stabilisation de la situation sécuritaire semble avoir complètement éloigné le spectre d’un terrorisme triomphant. Deuxièmement, l’armée a subi une certaine cure de rajeunissement avec une professionnalisation plus ou moins prononcée. Mais le coût des dépenses militaires reste excessif et la doctrine de défense attend d’être actualisée.
Quelles pourraient être les conséquences de ce diagnostic ?
Un spectre de menaces dangereuses se profile à l’horizon. Risque de dislocation de la cohésion sociale. Risque d’amputation du territoire national. Risque même d’effritement de l’unité de l’armée dans le cas où elle serait entraînée vers des tâches qu’elle réprouve. Certains des responsables actuels pourraient être poursuivis, demain, pour "non-assistance à patrie en danger".
Quels sont ces détenteurs de "vrais leviers de pouvoir" ?
Cela nous renvoie au mode de fonctionnement du système. Soulignons, d’emblée, que le Président Abdelaziz Bouteflika a hérité du système actuel. Il n’en a pas été le concepteur. C’est le système, dans sa globalité, qui, par conséquent, est en cause. Sans doute, le Président Abdelaziz Bouteflika a forcé le trait en recourant, inconsidérément, à l’autoritarisme et au népotisme avec un mépris affiché pour le peuple et les élites nationales.
Quelle est la nature du système politique algérien ?
Un Etat autoritariste paralysé avec une certaine dose d’anarchie. Une sorte de "dictature molle" où l’exercice du pouvoir est des plus diffus. Ce n’est pas, loin s’en faut, un système démocratique.
Vous considérez qu’il existerait un partage de l’exercice du pouvoir en Algérie ?
Le Président Abdelaziz Bouteflika était venu avec la volonté d’instaurer un régime hyper-présidentiel. Il voulait concentrer tous les pouvoirs entre ses mains sans "pôles de pouvoir" concurrents. Au niveau de la Constitution, l’objectif a été atteint. Sur le plan pratique, toutes les institutions et appareils de l’Etat, y compris l’institution militaire et les services de renseignement, semblent sous contrôle. La présidence de la République n’en est pas devenue, pour autant, un véritable centre d’impulsion stratégique. En raison de l’indisponibilité, chronique de M. Abdelaziz Bouteflika, le fonctionnement de la présidence de la République a été ralenti. MM. Saïd Bouteflika — frère et conseiller du chef de l’Etat — et Mohamed Rougab, secrétaire particulier, sont devenus les deux seuls personnages importants. Incapable d’agir pour les questions d’intérêt stratégique, le premier cité intervient systématiquement sur les questions organiques, en particulier les nominations. Le second, qui se contente de répercuter les instructions du président de la République auprès des responsables de l’Etat, est devenu un passage obligé.
En quoi consiste ce "cercle présidentiel" évoqué avec insistance ?
C’est un entourage informel qui s’est substitué, arbitrairement, à l’ordre institutionnel légal. Un véritable processus d’accaparement des instruments de puissance publique à des fins privatives. Ce cercle repose, essentiellement, sur un "noyau dur" qui en constitue la pierre angulaire. Il a pour pivot M. Saïd Bouteflika qui s’appuie sur une faune de "baltaguias", véritables prédateurs de l’économie. M. Saïd Bouteflika dispose de relais au niveau des principales institutions et grandes entreprises publiques, en plus de tous les responsables d’organes d’information publics, qui relèvent, directement, de lui.
Existe-t-il d’autres "centres de pouvoir" concurrents au "cercle présidentiel" ?
L’exécutif gouvernemental ne constitue guère plus un "centre de pouvoir". La plupart des ministres échappent à son autorité. La coordination de l’action gouvernementale, sa cohérence et son efficacité s’en ressentent grandement. Le Parlement — Assemblée populaire nationale et Conseil de la nation, un «centre de pouvoir» ? Le phénomène récurrent de l’abstention électorale — le taux de participation électorale tourne autour de 20% — a, totalement, délégitimé les deux institutions qui se complaisent dans le rôle de chambres d’enregistrement.
Nul doute, alors, que l’armée et les services de renseignement constituent un "centre de pouvoir" autonome ?
Arrivé au pouvoir avec l’ambition affichée de renvoyer l’armée aux casernes et de contenir les services de renseignement pour qu’ils ne puissent plus interférer dans le champ politique. Mais le Président Abdelaziz Bouteflika ayant étouffé, à un point inattendu, la vie politique et syndicale, il en est résulté un vide sidéral qui a prévalu. La nature ayant horreur du vide, l’armée et les services de renseignement sont au-devant de la scène. Ils seront incontournables dans le processus de succession qui s’ouvre.
Evoquons, à présent, les scandales de grande corruption. Comment expliquer cette généralisation excessive de la grande corruption qui touche tous les secteurs d’activité économique ?
Premièrement, c’est la gouvernance publique qui est en cause. C’est la nature autoritariste de l’Etat qui a ouvert un "grand boulevard" à la grande corruption. Deuxièmement, lorsque l’argent coule à profusion, la tentation est grande de le détourner à des fins personnelles. Les plans de relance lancés par le Président Abdelaziz Bouteflika ont été propices aux pratiques de grande corruption. La société algérienne est affectée, elle aussi, par cette distribution inconsidérée de la rente. Sous forme de subventions ou de revalorisation de salaires. Le régime semble disposer d’une technique rodée pour gérer contestation sociale et politique. Un sentiment de profonde exaspération a gagné, pourtant, les esprits de tous les Algériens, commis de l’Etat, de l’administration publique et officiers de l’Armée nationale populaire et des services de renseignement.
Pourquoi le Président Abdelaziz Bouteflika a-t-il échoué dans la lutte contre la corruption alors qu’il en avait fait un cheval de bataille ?
Voulant donner l’illusion qu’il faisait de la lutte contre la corruption son credo, le Président Abdelaziz Bouteflika n’a pas manqué de créer une pléiade d’organismes censés prévenir ou réprimer la corruption. Dans la réalité, il a laissé faire les prédateurs qui foisonnent à l’intérieur comme à l’extérieur du système.
Comment expliquer ce phénomène de division interne qui traverse les principaux partis politiques en Algérie ?
D’une manière générale, les divisions apparues au sein des partis politiques témoignent de leur fragilité. Une fragilité qui concerne, d’abord, l’ancrage social de ces partis et l’absence de cohésion parmi les militants. Une fragilité qui renvoie à la faiblesse – sinon l’inconsistance – des référents de doctrine politique. L’absence de fonctionnement démocratique en leur sein est, évidemment, un facteur aggravant. Les partis actuels n’ont pas effectué la mue qui leur aurait permis de s’adapter au nouveau contexte national et international. Le moindre souffle peut avoir raison de leur unité, si ce n’est de leur existence.
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