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Rapport sur les droits de l’Homme en Algérie : une armée toute puissante et une justice aux ordres

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  • Rapport sur les droits de l’Homme en Algérie : une armée toute puissante et une justice aux ordres

    Le Collectif des familles de disparus (CDFD) vient d’élaborer un long rapport sur la situation des droits de l’Homme en Algérie, couvrant une période de plus de deux ans allant de janvier 2011, lors des émeutes coïncidant avec le début du printemps arabe, jusqu’à avril 2013.

    Intitulé Le régime algérien à l’épreuve des droits de l’Homme : l'illusion du changement et constitué de 150 pages, le document, dont TSA a obtenu une copie, revient notamment sur le pouvoir renforcé de l’armée après la levée de l’état d’urgence, l’état de la justice jugée défaillante et la question des disparitions forcées.

    En matière de lutte contre le terrorisme, « l’armée disposait de nombreuses attributions qu’elle conserve après la levée de l’état d’urgence, et ce, notamment dans le cadre des tribunaux militaires », indique le rapport qui évoque les pouvoirs « quasi discrétionnaires » de cette institution. Les tribunaux militaires ne donnent pas aux justiciables, qu’ils soient civils ou militaires, « les garanties d’un procès équitable », du « respect des droits de la défense, notamment la possibilité de choisir librement un avocat », souligne la même source.

    Dans ce même domaine, les pouvoirs de l’armée ont été même « renforcés suite à la levée formelle de l’état d’urgence », affirme le rapport. Celui-ci évoque, dans ce sens, un arrêté ministériel datant du 2 mai 2011 précisant que c’est le chef d’état-major de l’ANP qui est chargé du « commandement », de la « conduite » et de la « coordination » des opérations de lutte contre le terrorisme et la subversion. « Les autorités algériennes ont ainsi mis en place tout un dispositif pour que l’armée puisse agir en toute quiétude et en toute liberté dans la lutte contre le terrorisme, créant ainsi une situation propice aux violations des droits de l’Homme », dénonce le CDFD.

    La législation régissant la lutte contre le terrorisme et les actes de subversion causent, « souvent », des atteintes à l’indépendance des magistrats et donc de la justice. Le rapport aborde également le problème de la détention au secret. « Les modalités de la mise en œuvre de l’ordonnance n°11-02 modifiant l’article 125 bis 1 du Code de procédure pénale autorise la résidence "protégée" au secret pour toute personne inculpée d’acte terroriste ou subversif, pendant une durée maximale de trois mois pouvant être renouvelée deux fois, et incrimine la diffusion d’informations relatives au lieu de la résidence "protégée" », explique-t-il.

    Des juges qui sortent de leurs bureaux avec des sacs d’argent

    Alors que l’indépendance de la justice est garantie par la Constitution et les traités internationaux ratifiés par l’Algérie, « le système judiciaire présente de nombreux problèmes structurels et la justice est mise au service des autorités comme moyen de répression des libertés », assure le rapport. Ainsi, ce sont parfois des textes de loi qui portent atteinte à l’indépendance du magistrat dont celui « portant statut de la magistrature », selon le rapport. Mais c’est « notamment à travers l’organisation du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), ainsi que la soumission des magistrats à des pressions et des ordres émanant de personnes influentes que leur manque d’indépendance et d’impartialité apparaît le plus significatif », poursuit-il.

    Les plus hautes fonctions judiciaires spécifiques sont pourvues par « décret présidentiel », sans que le président de la République ne soit contraint de consulter le CSM (présidé par le chef de l'État, ndlr) », dénonce le rapport. Les autres fonctions judiciaires spécifiques « sont pourvues après consultation du CSM, sans préciser si l’avis du CSM doit être obligatoirement suivi ou pas », ajoute-t-il.

    « Si en théorie certaines règles d’indépendance et d’impartialité sont plus ou moins garanties, les magistrats sont en réalité soumis aux ordres des "hauts placés" », souligne-t-il. Le document cite un ancien président du tribunal d’Es-Senia à Oran, Mohamed Bakhtaoui, qui affirme ainsi avoir vu régulièrement « des juges […] [sortir] de leurs bureaux avec des sacs d’argent ». M. Bakhtaoui donne, selon la même source, « l’exemple de l’ancien ministre de la Justice, Tayeb Belaïz (2003-2012), qui serait intervenu personnellement dans une affaire de drogue relevant en première instance du tribunal d’Aïn Témouchent, puis en appel devant la cour de Sidi Bel Abbes ». « Cette dernière avait condamné les prévenus à cinq ans de prison ferme mais le ministre a conduit à la cour, de nuit, les juges, sous escorte policière, et leur a ordonné de changer le verdict. Un simple sursis a été prononcé à la séance tenante ».

    Disparitions forcées : demandes d’exhumation rejetées et absences de véritables enquêtes

    Les familles des disparus de la décennie noire sont toujours confrontées à l’impossibilité d’ouverture d’une enquête sur la disparition de leurs proches. « Avant même l’entrée en vigueur de la Charte, toute action en justice relative à un cas de disparition forcée était d’emblée rejetée », indique le rapport avant de poursuivre : « L’article 45 de l’ordonnance n°06-01 n’a fait que légaliser et organiser l’immunité juridictionnelle des agents de l’État ».

    Outre le refus d’enregistrer les plaintes, les procureurs refusent également toute demande d’exhumation « des corps à des fins d’identification », précise le document. Le constat de disparition est délivré sans aucune enquête effective, assure la même source. « Depuis la mise en œuvre de la Charte et de ses textes d’application, sur les milliers de disparus que compte l’Algérie, aucun n’a jamais été retrouvé, vivant ou mort ! », fait remarquer le rapport. Ce dernier revient sur le problème d’au moins 3 000 tombes sous X dans les cimetières algériens. « Jusqu’ici les autorités n’ont jamais exprimé la moindre volonté de faire ouvrir les tombes sous X ou les charniers afin d’identifier les corps », précise le CDFD.

    TSA
    Hadjer Guenanfa
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