“Islamophobie”: une invention française
Selon certains intellectuels médiatiques parisiens, “islamophobie” est un terme à bannir absolument du vocabulaire français. Un des principaux arguments mobilisés pour justifier ce bannissement symbolique réside dans l’affirmation selon laquelle le terme a été forgé par les “intégristes iraniens” dans les années 1970 soit pour disqualifier les femmes refusant de porter le tchador, soit pour empêcher toute forme de critique de la religion musulmane:
« Le mot “islamophobie” a une histoire, qu’il vaut mieux connaître avant de l’utiliser à la légère. Il a été utilisé en 1979, par les mollahs iraniens qui souhaitaient faire passer les femmes qui refusaient de porter le voile pour de “mauvaises musulmanes” en les accusant d’être “islamophobes”. (…) En réalité, loin de désigner un quelconque racisme, le mot islamophobie est clairement pensé pour disqualifier ceux qui résistent aux intégristes : à commencer par les féministes et les musulmans libéraux.1 »
« Forgé par les intégristes iraniens à la fin des années 70 pour contrer les féministes américaines, le terme d’«islamophobie», calqué sur celui de xénophobie, a pour but de faire de l’islam un objet intouchable sous peine d’être accusé de racisme.2 »
Pourtant, il n’existe pas de réel équivalent à “islamophobie” en persan. “islam harâssi” semble être le terme persan pour signifier “hostilité contre l’islam”, tandis que “eslam setizi” signifie “antagonisme à l’islam”. Mais il n’existe pas d’adjectif comme “islamophobe”: “eslam setiz” semble possible, mais il n’est pas très utilisé (merci à Farhad Khosrokhavar!).
Qu’en est-il de l’arabe? Deux termes arabes sont utilisés et forment rarement un mot composé comme le terme “islamophobie” en français (mais ce genre de néologisme, en arabe comme en persan, est très rare). On a donc le “classique” عداءالاسلام (‘adâ’ al-islâm, “hostilité à l’islam”) et le terme un peu plus savant, رهابالاسلام (ruhâb al-islâm, “phobie de l’islam”), mais il semble que ce dernier mot ne soit apparu que dans les années 1990 (merci à Yves Gonzalez-Quijano!).
La difficulté à trouver des origines persanes ou arabes au terme “islamophobie” réside dans le fait que, loin d’être une invention “orientale”, il s’agit en fait d’une invention… française! Ce billet vise à présenter et à contextualiser les premiers usages du terme d’islamophobie.
Maurice Delafosse (1870-1926)
En effet, on doit l’invention du néologisme « islamophobie » et ses premiers usages à un groupe d’« administrateurs-ethnologues3 » spécialisés dans les études de l’islam ouest-africain ou sénégalais : Alain Quellien, Maurice Delafosse4 et Paul Marty. Au début du XXe siècle, la connaissance de l’islam apparaît comme une nécessité pour les administrateurs coloniaux qui souhaitent préserver la domination impériale sur les populations musulmanes colonisées. La production d’un savoir à prétention scientifique est donc intrinsèquement liée au projet de domination coloniale. Cette volonté de savoir se traduit par la multiplication d’études ethnologiques, souvent denses et érudites, sur l’« islam noir ». Le lien entre savoir ethnologue et politique coloniale est incarné par deux éléments : i) la publication de la prestigieuse revue de la mission scientifique du Maroc, la Revue du monde musulman ; ii) la circulation de ses administrateurs-ethnologues entre l’espace administratif colonial et l’espace académique, notamment le passage, en tant qu’élève ou enseignant, dans des lieux de formations spécifiques tels que l’École coloniale et l’École spéciale des langues orientales5. Pour ces administrateurs, l’enjeu principal consiste à définir la « bonne » politique coloniale en vue de gagner la confiance et une certaine légitimité auprès des colonisés. Dans cette perspective, l’islamophobie est définie selon deux acceptions : une islamophobie de gouvernement et une islamophobie savante.
Dans un article de 1910 sur l’état de l’Islam en Afrique occidentale française, Delafosse dénonce la composante de l’administration coloniale affichant ouvertement son hostilité à l’encontre des musulmans et de la religion musulmane.
« Quoi qu’en disent ceux pour qui l’islamophobie est un principe d’administration indigène, la France n’a rien de plus à craindre des Musulmans en Afrique occidentale que des non-Musulmans. (…) L’islamophobie n’a donc pas raison d’être dans l’Afrique occidentale, où l’islamophilie, dans le sens d’une préférence accordée aux Musulmans, créerait d’autre part un sentiment de méfiance parmi les populations non-musulmanes, qui se trouvent être les plus nombreuses. L’intérêt de la domination européenne, comme aussi l’intérêt bien entendu des indigènes, nous fait donc un devoir de désirer le maintien du statu quo et de garder une neutralité absolue vis-à-vis de tous les cultes.6 »
L’islamophobie est ainsi définie comme un mode de gouvernement, un traitement différentiel fondé sur un critère religieux, dont la valeur est déconnectée de toutes considérations morales et déterminée au contraire par un politique de domination pragmatique. L’islamophobie s’oppose à l’« islamophilie », « préférence accordée aux musulmans », qui n’est pas forcément le mode de gouvernement le plus approprié en Afrique de l’Ouest parce qu’il déboucherait sur l’inimitié de la majorité des colonisés non-musulmans. L’islamophobie de gouvernement est par ailleurs associée à ce que Marty appelle « l’islamophobie ambiante7 », qui n’est pas restreinte aux seuls cercles de l’administration coloniale.
Or, selon ces administrateurs-ethnologues, l’islamophobie ambiante s’appuie sur une islamophobie savante. Dans une recension du livre L’âme d’un peuple africain : les Bambara de l’abbé Henry (1910), Delafosse dénonce l’« islamophobie féroce8 » de sa description des coutumes Bambara, mais c’est Quellien qui élabore la critique la plus systématique de l’islamophobie savante. Dans sa thèse de droit sur la « politique musulmane dans l’Afrique occidentale française », soutenue et publiée en 1910, il définit l’islamophobie comme un « préjugé contre l’Islam » :
« L’islamophobie – Il y a toujours eu, et il y a encore, un préjugé contre l’Islam répandu chez les peuples de civilisation occidentale et chrétienne. Pour d’aucuns, le musulman est l’ennemi naturel et irréconciliable du chrétien et de l’Européen, l’islamisme est la négation de la civilisation, et la barbarie, la mauvaise foi et la cruauté sont tout ce qu’on peut attendre de mieux des mohamétans.9 »
Or, pour Quellien, il « semble que cette prévention contre l’Islam soit un peu exagérée, le musulman n’est pas l’ennemi né de l’Européen, mais il peut le devenir par suite de circonstances locales et notamment lorsqu’il résiste à la conquête à main armée10 ». Pour démontrer que le musulman n’est pas l’ennemi de l’Européen, il s’appuie sur les témoignages des « explorateurs » Adolf Overweg et Heinrich Barth, membres d’une expédition scientifique britannique en Afrique (1849)11, et de Louis-Gustave Binger, officier et administrateur colonial français en Côte d’Ivoire12, qui ont été « fort bien reçus dans les villes et chez les tribus mohamétanes13 » et n’ont « jamais [été] inquiétés à cause de leur religion ». Quellien considère que l’Islam a une « valeur morale incontestable » et qu’il « a partout élevé le sens moral et l’intelligence des peuples qu’il a arrachés au fétichisme et à ses pratiques dégradantes ». Il s’inscrit donc en faux contre l’opinion de l’explorateur-géologue allemand Oskar Lenz qui considère que « l’Islam est l’ennemi de tout progrès et qu’il n’existe que par la force de sa propre inertie qui le laisse inattaquable14 » ou que « l’Islam veut dire stationnement et barbarie, tandis que le Christianisme représente la civilisation et le progrès15 ».
Quellien entreprend ensuite de contredire les principaux « reproches » adressés à l’Islam (la « guerre sainte », l’esclavage, la polygamie, le fatalisme et le fanatisme) en mobilisant des arguments anti-essentialistes et historiques. Il va même jusqu’à affirmer que l’Islam « ne semble pas (…) en opposition avec l’idée de la conquête des contrées musulmanes par les puissances européennes16 » dans la mesure où, selon certains jurisconsultes musulmans, « quand un peuple musulman a résisté à l’invasion des chrétiens, autant et aussi longtemps que ses moyens de résistance le lui ont permis, il peut discontinuer la lutte et accepter la domination des conquérants si ceux-ci garantissent aux musulmans le libre exercice de leur religion et le respect de leurs femmes et de leurs filles ».
Portrait de Sliman Ben Ibrahim par Étienne Dinet, 1904.
C’est dans une perspective analogue de critique de l’orientalisme que se situent les écrits d’Étienne Dinet (1861-1929) et de Sliman Ben Ibrahim (1870-1953). Dinet est un artiste peintre issu d’une famille catholique bourgeoise circulant entre la France et l’Algérie, et Ben Ibrahim un musulman d’Algérie religieux et érudit. Ils se sont rencontrés à l’occasion d’une rixe entre Dinet et des Juifs d’Algérie (Dinet a été « sauvé » par Ben Ibrahim17 ). Dinet se convertit à l’islam en 1913 et devient un « artiste militant ». Parallèlement à son activité de peintre (il est un des représentants de la peinture orientaliste algérienne18 ), il milite pendant la Première Guerre mondiale pour le rapatriement et l’enterrement des tirailleurs musulmans algériens en Algérie ainsi que pour la construction de la Grande Mosquée de Paris (inaugurée en 1926). Il se situe dans une optique analogue à celle des administrateurs-ethnologues sans pour autant faire partie de l’administration coloniale. Il souhaite vivement l’« union franco-musulmane » et l’égalité entre colons et colonisés dans le cadre de l’empire, afin d’éviter le séparatisme anti-colonialiste et le triomphe du communisme en territoire colonisé. Ce n’est qu’après l’échec des propositions du gouverneur général d’Algérie, Maurice Viollette, visant à accorder une représentation nationale et les droits politiques à une minorité de musulmans algériens, que Dinet désespère de la politique et se réfugie dans l’idée d’un pèlerinage à la Mecque.
Selon certains intellectuels médiatiques parisiens, “islamophobie” est un terme à bannir absolument du vocabulaire français. Un des principaux arguments mobilisés pour justifier ce bannissement symbolique réside dans l’affirmation selon laquelle le terme a été forgé par les “intégristes iraniens” dans les années 1970 soit pour disqualifier les femmes refusant de porter le tchador, soit pour empêcher toute forme de critique de la religion musulmane:
« Le mot “islamophobie” a une histoire, qu’il vaut mieux connaître avant de l’utiliser à la légère. Il a été utilisé en 1979, par les mollahs iraniens qui souhaitaient faire passer les femmes qui refusaient de porter le voile pour de “mauvaises musulmanes” en les accusant d’être “islamophobes”. (…) En réalité, loin de désigner un quelconque racisme, le mot islamophobie est clairement pensé pour disqualifier ceux qui résistent aux intégristes : à commencer par les féministes et les musulmans libéraux.1 »
« Forgé par les intégristes iraniens à la fin des années 70 pour contrer les féministes américaines, le terme d’«islamophobie», calqué sur celui de xénophobie, a pour but de faire de l’islam un objet intouchable sous peine d’être accusé de racisme.2 »
Pourtant, il n’existe pas de réel équivalent à “islamophobie” en persan. “islam harâssi” semble être le terme persan pour signifier “hostilité contre l’islam”, tandis que “eslam setizi” signifie “antagonisme à l’islam”. Mais il n’existe pas d’adjectif comme “islamophobe”: “eslam setiz” semble possible, mais il n’est pas très utilisé (merci à Farhad Khosrokhavar!).
Qu’en est-il de l’arabe? Deux termes arabes sont utilisés et forment rarement un mot composé comme le terme “islamophobie” en français (mais ce genre de néologisme, en arabe comme en persan, est très rare). On a donc le “classique” عداءالاسلام (‘adâ’ al-islâm, “hostilité à l’islam”) et le terme un peu plus savant, رهابالاسلام (ruhâb al-islâm, “phobie de l’islam”), mais il semble que ce dernier mot ne soit apparu que dans les années 1990 (merci à Yves Gonzalez-Quijano!).
La difficulté à trouver des origines persanes ou arabes au terme “islamophobie” réside dans le fait que, loin d’être une invention “orientale”, il s’agit en fait d’une invention… française! Ce billet vise à présenter et à contextualiser les premiers usages du terme d’islamophobie.
Maurice Delafosse (1870-1926)
En effet, on doit l’invention du néologisme « islamophobie » et ses premiers usages à un groupe d’« administrateurs-ethnologues3 » spécialisés dans les études de l’islam ouest-africain ou sénégalais : Alain Quellien, Maurice Delafosse4 et Paul Marty. Au début du XXe siècle, la connaissance de l’islam apparaît comme une nécessité pour les administrateurs coloniaux qui souhaitent préserver la domination impériale sur les populations musulmanes colonisées. La production d’un savoir à prétention scientifique est donc intrinsèquement liée au projet de domination coloniale. Cette volonté de savoir se traduit par la multiplication d’études ethnologiques, souvent denses et érudites, sur l’« islam noir ». Le lien entre savoir ethnologue et politique coloniale est incarné par deux éléments : i) la publication de la prestigieuse revue de la mission scientifique du Maroc, la Revue du monde musulman ; ii) la circulation de ses administrateurs-ethnologues entre l’espace administratif colonial et l’espace académique, notamment le passage, en tant qu’élève ou enseignant, dans des lieux de formations spécifiques tels que l’École coloniale et l’École spéciale des langues orientales5. Pour ces administrateurs, l’enjeu principal consiste à définir la « bonne » politique coloniale en vue de gagner la confiance et une certaine légitimité auprès des colonisés. Dans cette perspective, l’islamophobie est définie selon deux acceptions : une islamophobie de gouvernement et une islamophobie savante.
Dans un article de 1910 sur l’état de l’Islam en Afrique occidentale française, Delafosse dénonce la composante de l’administration coloniale affichant ouvertement son hostilité à l’encontre des musulmans et de la religion musulmane.
« Quoi qu’en disent ceux pour qui l’islamophobie est un principe d’administration indigène, la France n’a rien de plus à craindre des Musulmans en Afrique occidentale que des non-Musulmans. (…) L’islamophobie n’a donc pas raison d’être dans l’Afrique occidentale, où l’islamophilie, dans le sens d’une préférence accordée aux Musulmans, créerait d’autre part un sentiment de méfiance parmi les populations non-musulmanes, qui se trouvent être les plus nombreuses. L’intérêt de la domination européenne, comme aussi l’intérêt bien entendu des indigènes, nous fait donc un devoir de désirer le maintien du statu quo et de garder une neutralité absolue vis-à-vis de tous les cultes.6 »
L’islamophobie est ainsi définie comme un mode de gouvernement, un traitement différentiel fondé sur un critère religieux, dont la valeur est déconnectée de toutes considérations morales et déterminée au contraire par un politique de domination pragmatique. L’islamophobie s’oppose à l’« islamophilie », « préférence accordée aux musulmans », qui n’est pas forcément le mode de gouvernement le plus approprié en Afrique de l’Ouest parce qu’il déboucherait sur l’inimitié de la majorité des colonisés non-musulmans. L’islamophobie de gouvernement est par ailleurs associée à ce que Marty appelle « l’islamophobie ambiante7 », qui n’est pas restreinte aux seuls cercles de l’administration coloniale.
Or, selon ces administrateurs-ethnologues, l’islamophobie ambiante s’appuie sur une islamophobie savante. Dans une recension du livre L’âme d’un peuple africain : les Bambara de l’abbé Henry (1910), Delafosse dénonce l’« islamophobie féroce8 » de sa description des coutumes Bambara, mais c’est Quellien qui élabore la critique la plus systématique de l’islamophobie savante. Dans sa thèse de droit sur la « politique musulmane dans l’Afrique occidentale française », soutenue et publiée en 1910, il définit l’islamophobie comme un « préjugé contre l’Islam » :
« L’islamophobie – Il y a toujours eu, et il y a encore, un préjugé contre l’Islam répandu chez les peuples de civilisation occidentale et chrétienne. Pour d’aucuns, le musulman est l’ennemi naturel et irréconciliable du chrétien et de l’Européen, l’islamisme est la négation de la civilisation, et la barbarie, la mauvaise foi et la cruauté sont tout ce qu’on peut attendre de mieux des mohamétans.9 »
Or, pour Quellien, il « semble que cette prévention contre l’Islam soit un peu exagérée, le musulman n’est pas l’ennemi né de l’Européen, mais il peut le devenir par suite de circonstances locales et notamment lorsqu’il résiste à la conquête à main armée10 ». Pour démontrer que le musulman n’est pas l’ennemi de l’Européen, il s’appuie sur les témoignages des « explorateurs » Adolf Overweg et Heinrich Barth, membres d’une expédition scientifique britannique en Afrique (1849)11, et de Louis-Gustave Binger, officier et administrateur colonial français en Côte d’Ivoire12, qui ont été « fort bien reçus dans les villes et chez les tribus mohamétanes13 » et n’ont « jamais [été] inquiétés à cause de leur religion ». Quellien considère que l’Islam a une « valeur morale incontestable » et qu’il « a partout élevé le sens moral et l’intelligence des peuples qu’il a arrachés au fétichisme et à ses pratiques dégradantes ». Il s’inscrit donc en faux contre l’opinion de l’explorateur-géologue allemand Oskar Lenz qui considère que « l’Islam est l’ennemi de tout progrès et qu’il n’existe que par la force de sa propre inertie qui le laisse inattaquable14 » ou que « l’Islam veut dire stationnement et barbarie, tandis que le Christianisme représente la civilisation et le progrès15 ».
Quellien entreprend ensuite de contredire les principaux « reproches » adressés à l’Islam (la « guerre sainte », l’esclavage, la polygamie, le fatalisme et le fanatisme) en mobilisant des arguments anti-essentialistes et historiques. Il va même jusqu’à affirmer que l’Islam « ne semble pas (…) en opposition avec l’idée de la conquête des contrées musulmanes par les puissances européennes16 » dans la mesure où, selon certains jurisconsultes musulmans, « quand un peuple musulman a résisté à l’invasion des chrétiens, autant et aussi longtemps que ses moyens de résistance le lui ont permis, il peut discontinuer la lutte et accepter la domination des conquérants si ceux-ci garantissent aux musulmans le libre exercice de leur religion et le respect de leurs femmes et de leurs filles ».
Portrait de Sliman Ben Ibrahim par Étienne Dinet, 1904.
C’est dans une perspective analogue de critique de l’orientalisme que se situent les écrits d’Étienne Dinet (1861-1929) et de Sliman Ben Ibrahim (1870-1953). Dinet est un artiste peintre issu d’une famille catholique bourgeoise circulant entre la France et l’Algérie, et Ben Ibrahim un musulman d’Algérie religieux et érudit. Ils se sont rencontrés à l’occasion d’une rixe entre Dinet et des Juifs d’Algérie (Dinet a été « sauvé » par Ben Ibrahim17 ). Dinet se convertit à l’islam en 1913 et devient un « artiste militant ». Parallèlement à son activité de peintre (il est un des représentants de la peinture orientaliste algérienne18 ), il milite pendant la Première Guerre mondiale pour le rapatriement et l’enterrement des tirailleurs musulmans algériens en Algérie ainsi que pour la construction de la Grande Mosquée de Paris (inaugurée en 1926). Il se situe dans une optique analogue à celle des administrateurs-ethnologues sans pour autant faire partie de l’administration coloniale. Il souhaite vivement l’« union franco-musulmane » et l’égalité entre colons et colonisés dans le cadre de l’empire, afin d’éviter le séparatisme anti-colonialiste et le triomphe du communisme en territoire colonisé. Ce n’est qu’après l’échec des propositions du gouverneur général d’Algérie, Maurice Viollette, visant à accorder une représentation nationale et les droits politiques à une minorité de musulmans algériens, que Dinet désespère de la politique et se réfugie dans l’idée d’un pèlerinage à la Mecque.
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