Crise gouvernementale et noirs desseins des anti-réformistes
Publié le dimanche 23 juin 2013 22:06
La crise gouvernementale a franchi le cap des quarante jours, sans qu'une sortie se profile à l'horizon. Tranquillement, sereinement, commentent sarcastiques, nos compatriotes. Un mois entier, en mode «sur-place», à mettre au débit du premier gouvernement dirigé par des islamistes.
Un immobilisme inquiétant qui n'est que la partie émergée des ennuis de Benkirane, depuis la nomination de Chabat à la tête de l'Istiqlal, le 23 septembre 2012, avec, en point d'orgue, sa sortie fracassante du 11 mai, annonçant le retrait de son parti de la coalition gouvernementale.
Autant se l'avouer, ce ne sont pas moins de huit mois qui ont ainsi été perdus en querelles stériles !
Les noirs desseins de Chabat et des siens
Il apparaît désormais clair que Chabat n'avait d'autre dessein que celui d'entraver les initiatives que le PJD enthousiaste, se targuait de vouloir entreprendre et qui lui ont valu d'engranger un capital de sympathie auprès de nombre de marocains, telles que la réforme du cahier des charges de l'audiovisuel, ou encore la publication des listes des bénéficiaires des différents agréments. C'était sans compter avec le Chef de l'Istiqlal et ses cris d'orfraie qui auront réussi à torpiller le cours de ces réformes. On aurait pu mettre le mémorandum et les déclarations lapidaires de ce dernier sur le compte d'une revendication d'un remaniement gouvernemental, au bénéfice de son parti. Tout ce battage s'est en définitive révélé pure gesticulation à destination des médias. Une rhétorique tonitruante, d'où était absente la moindre allusion à un quelconque bouleversement dans la répartition des maroquins. Exit donc la motivation purement politicienne et haro sur les quatre grandes réformes projetées par le PJD : fiscalité, Caisse de retraite, élections locales de 2015 et Caisse de Compensation.
Quatre réformes et autant de casse-têtes
Caisse de compensation ! Le mot qui fâche et la mère de toutes les réformes. Celle à laquelle aucun gouvernement n'avait encore osé se frotter. Une « vache à lait » de cinquante quatre milliards (54.000.000.000) de dirhams. Chiffre si faramineux, qu'il en paraît irréel, dépassant de loin, le budget du ministère de l'Education nationale. En 2002, il ne représentait que quatre milliards de dirhams. Comment expliquer qu'il soit aujourd'hui, treize fois plus élevé ?!
Une question en appelle une autre, on ne peut plus peut légitime : Chabat a-t-il agi de sa propre initiative, ou n'aurait-il pas, plutôt, joué une partition, inspirée par ceux que les réformes effraient et qui ont tout intérêt à les voir remises aux calendes grecques et le gouvernement Benkirane vidé de sa substance et réduit au rôle d'expéditeur des affaires courantes ?
La Caisse de compensation, cette vache à lait
Souvenons-nous : 2002, un incendie monstre éclate au complexe pétrochimique de Mohammedia. Il va pousser le gouvernement du moment, à libéraliser l'importation des produits pétroliers et propulser, comme par enchantement, au-devant de la scène, un proche du Palais, Aziz Akhennouch. Celui-ci devient alors l'un des plus gros fournisseurs de carburant et son première distributeur, sur sol marocain. Depuis cette date, le montant des compensations dues aux produits pétroliers n'a cessé de prendre l'ascenseur, entraînant dans son sillage, celui des produits de première nécessité, grevant le budget de l'Etat à milliards. A se demander si les sommes englouties correspondent bien à la réalité des produits mis sur le marché. Une question que la Cour des comptes n'avait pas manqué de soulever en 2008 et qui n'a, bizarrement, toujours pas trouvé de réponse, à ce jour.
Tel un trou noir, la Caisse de compensation avale tout ce qui passe à proximité de son orbite, dans la plus totale des opacités, ne profitant, contrairement à sa vocation première, qu'aux riches et aux grandes entreprises.
Réforme fiscale ou paix sociale : la bourse ou la vie !
Incomplète et bien timorée est la réforme fiscale entreprise par le gouvernement, parce qu'elle ne s'est pas encore étendue aux domaines sensibles que sont l'agriculture, le logement social ou encore l'enseignement privé qui bénéficient largement aux grandes fortunes. Une réforme qui passe également par un élargissement de l'impôt à des secteurs informels qui continuent d'échapper à toute imposition. Autant de procédures que leur simple évocation rend très vite impopulaires socialement, risquées électoralement et dont on sait qu'elles pourraient non seulement aliéner au gouvernement, une partie de sa majorité, mais aussi lui attirer les foudres des véritables sphères du pouvoir, soucieuses de préserver la paix sociale, vitale à la survie du régime marocain.
Des retraites au bord du gouffre
Comment expliquer également que la réforme des retraites soit mise en sommeil, alors qu'en 2014, l'Etat sera, pour la première fois, depuis l'indépendance, dans l'incapacité de verser les pensions ? Une réforme vitale qui nécessite un consensus politique le plus large possible, loin de tout calcul politicien ou arrière-pensée électoraliste, en vue d'élargir la base des cotisants et repousser l'âge des départs à la retraite. Un défi que l'intelligence commande de relever en toute urgence.
Elections locales et péril islamiste
Et que penser du report des élections locales. Un enjeu autrement plus important que le gouvernement lui-même ? Quand on connait la facilité avec laquelle furent organisés le premier référendum sous Mohamed VI et les élections qui ont suivi en novembre 2011, on ne peut s'empêcher de sourire à l'écoute des prétextes invoqués pour reporter l'échéance. Nul doute que le risque de voir, à nouveau, les islamistes rafler la mise, joue le rôle de repoussoir, les dernières élections partielles ayant apporté la preuve que le PJD continuait de jouir de la confiance de son électorat.
Quatre réformes cruciales pour le fonctionnement du pays et le devenir de ses institutions, sont donc en panne. Quatre pannes susceptibles de faire germer le chaos et les rares scénarios de sortie de crise qui s'amenuisent chaque jour un peu plus, rendent leur mise en pratique, plus ardue, plus coûteuse et plus risquée.
Une sortie de crise entendue
La chose politique étant ce qu'elle est au Maroc, il n'est pas exclu qu'une intervention directe ou indirecte du roi, ramène le calme, au sein de la coalition gouvernementale. Le PJD pourrait être amené à concéder le report de quelques unes de ses réformes. A charge pour l'Istiqlal de réviser le plafond de ses revendications et se ranger à une solution qui satisferait ses dirigeants. Un scénario plus que plausible, la coalition ayant réussi l'exploit de cohabiter, huit mois durant, malgré les divergences profondes et la guerre des communiqués qui a embrasé le microcosme politique. Mais le recours à une telle solution pourrait faire perdre aux partis de la majorité, le peu de crédibilité qu'il leur reste auprès de l'opinion publique et de leur électorat. C'est le Palais qui tirera les marrons du feu pour apparaître, une fois de plus, sous les traits du saint Sauveur, garant de la stabilité des institutions et ultime recours contre le chaos.
(à suivre)
Publié le dimanche 23 juin 2013 22:06
La crise gouvernementale a franchi le cap des quarante jours, sans qu'une sortie se profile à l'horizon. Tranquillement, sereinement, commentent sarcastiques, nos compatriotes. Un mois entier, en mode «sur-place», à mettre au débit du premier gouvernement dirigé par des islamistes.
Un immobilisme inquiétant qui n'est que la partie émergée des ennuis de Benkirane, depuis la nomination de Chabat à la tête de l'Istiqlal, le 23 septembre 2012, avec, en point d'orgue, sa sortie fracassante du 11 mai, annonçant le retrait de son parti de la coalition gouvernementale.
Autant se l'avouer, ce ne sont pas moins de huit mois qui ont ainsi été perdus en querelles stériles !
Les noirs desseins de Chabat et des siens
Il apparaît désormais clair que Chabat n'avait d'autre dessein que celui d'entraver les initiatives que le PJD enthousiaste, se targuait de vouloir entreprendre et qui lui ont valu d'engranger un capital de sympathie auprès de nombre de marocains, telles que la réforme du cahier des charges de l'audiovisuel, ou encore la publication des listes des bénéficiaires des différents agréments. C'était sans compter avec le Chef de l'Istiqlal et ses cris d'orfraie qui auront réussi à torpiller le cours de ces réformes. On aurait pu mettre le mémorandum et les déclarations lapidaires de ce dernier sur le compte d'une revendication d'un remaniement gouvernemental, au bénéfice de son parti. Tout ce battage s'est en définitive révélé pure gesticulation à destination des médias. Une rhétorique tonitruante, d'où était absente la moindre allusion à un quelconque bouleversement dans la répartition des maroquins. Exit donc la motivation purement politicienne et haro sur les quatre grandes réformes projetées par le PJD : fiscalité, Caisse de retraite, élections locales de 2015 et Caisse de Compensation.
Quatre réformes et autant de casse-têtes
Caisse de compensation ! Le mot qui fâche et la mère de toutes les réformes. Celle à laquelle aucun gouvernement n'avait encore osé se frotter. Une « vache à lait » de cinquante quatre milliards (54.000.000.000) de dirhams. Chiffre si faramineux, qu'il en paraît irréel, dépassant de loin, le budget du ministère de l'Education nationale. En 2002, il ne représentait que quatre milliards de dirhams. Comment expliquer qu'il soit aujourd'hui, treize fois plus élevé ?!
Une question en appelle une autre, on ne peut plus peut légitime : Chabat a-t-il agi de sa propre initiative, ou n'aurait-il pas, plutôt, joué une partition, inspirée par ceux que les réformes effraient et qui ont tout intérêt à les voir remises aux calendes grecques et le gouvernement Benkirane vidé de sa substance et réduit au rôle d'expéditeur des affaires courantes ?
La Caisse de compensation, cette vache à lait
Souvenons-nous : 2002, un incendie monstre éclate au complexe pétrochimique de Mohammedia. Il va pousser le gouvernement du moment, à libéraliser l'importation des produits pétroliers et propulser, comme par enchantement, au-devant de la scène, un proche du Palais, Aziz Akhennouch. Celui-ci devient alors l'un des plus gros fournisseurs de carburant et son première distributeur, sur sol marocain. Depuis cette date, le montant des compensations dues aux produits pétroliers n'a cessé de prendre l'ascenseur, entraînant dans son sillage, celui des produits de première nécessité, grevant le budget de l'Etat à milliards. A se demander si les sommes englouties correspondent bien à la réalité des produits mis sur le marché. Une question que la Cour des comptes n'avait pas manqué de soulever en 2008 et qui n'a, bizarrement, toujours pas trouvé de réponse, à ce jour.
Tel un trou noir, la Caisse de compensation avale tout ce qui passe à proximité de son orbite, dans la plus totale des opacités, ne profitant, contrairement à sa vocation première, qu'aux riches et aux grandes entreprises.
Réforme fiscale ou paix sociale : la bourse ou la vie !
Incomplète et bien timorée est la réforme fiscale entreprise par le gouvernement, parce qu'elle ne s'est pas encore étendue aux domaines sensibles que sont l'agriculture, le logement social ou encore l'enseignement privé qui bénéficient largement aux grandes fortunes. Une réforme qui passe également par un élargissement de l'impôt à des secteurs informels qui continuent d'échapper à toute imposition. Autant de procédures que leur simple évocation rend très vite impopulaires socialement, risquées électoralement et dont on sait qu'elles pourraient non seulement aliéner au gouvernement, une partie de sa majorité, mais aussi lui attirer les foudres des véritables sphères du pouvoir, soucieuses de préserver la paix sociale, vitale à la survie du régime marocain.
Des retraites au bord du gouffre
Comment expliquer également que la réforme des retraites soit mise en sommeil, alors qu'en 2014, l'Etat sera, pour la première fois, depuis l'indépendance, dans l'incapacité de verser les pensions ? Une réforme vitale qui nécessite un consensus politique le plus large possible, loin de tout calcul politicien ou arrière-pensée électoraliste, en vue d'élargir la base des cotisants et repousser l'âge des départs à la retraite. Un défi que l'intelligence commande de relever en toute urgence.
Elections locales et péril islamiste
Et que penser du report des élections locales. Un enjeu autrement plus important que le gouvernement lui-même ? Quand on connait la facilité avec laquelle furent organisés le premier référendum sous Mohamed VI et les élections qui ont suivi en novembre 2011, on ne peut s'empêcher de sourire à l'écoute des prétextes invoqués pour reporter l'échéance. Nul doute que le risque de voir, à nouveau, les islamistes rafler la mise, joue le rôle de repoussoir, les dernières élections partielles ayant apporté la preuve que le PJD continuait de jouir de la confiance de son électorat.
Quatre réformes cruciales pour le fonctionnement du pays et le devenir de ses institutions, sont donc en panne. Quatre pannes susceptibles de faire germer le chaos et les rares scénarios de sortie de crise qui s'amenuisent chaque jour un peu plus, rendent leur mise en pratique, plus ardue, plus coûteuse et plus risquée.
Une sortie de crise entendue
La chose politique étant ce qu'elle est au Maroc, il n'est pas exclu qu'une intervention directe ou indirecte du roi, ramène le calme, au sein de la coalition gouvernementale. Le PJD pourrait être amené à concéder le report de quelques unes de ses réformes. A charge pour l'Istiqlal de réviser le plafond de ses revendications et se ranger à une solution qui satisferait ses dirigeants. Un scénario plus que plausible, la coalition ayant réussi l'exploit de cohabiter, huit mois durant, malgré les divergences profondes et la guerre des communiqués qui a embrasé le microcosme politique. Mais le recours à une telle solution pourrait faire perdre aux partis de la majorité, le peu de crédibilité qu'il leur reste auprès de l'opinion publique et de leur électorat. C'est le Palais qui tirera les marrons du feu pour apparaître, une fois de plus, sous les traits du saint Sauveur, garant de la stabilité des institutions et ultime recours contre le chaos.
(à suivre)
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