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Pour une pédagogie des commémorations

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  • Pour une pédagogie des commémorations

    Comme l’ensemble des acteurs culturels et sociaux de la Kabylie, notre journal s’est fait un devoir de toujours commémorer les anniversaires de l’assassinat et de la naissance de Matoub Lounès, le chantre de l’Amazighité, un écorché vif de la poésie, un porteur de sens dans une période trouble. Il fut et demeure un repère incontesté pour une jeunesse à laquelle on n’a offert jusqu’à présent que deux choses, deux faces d’une même et ignoble médaille, nommées de deux vocables ‘’algérianistes’‘ qui ont fini par faire le tour du monde: la hogra et la harga. Ce dernier vocable, dans sa version ‘’harraga”, a même eu le privilège d’entrer dans le Larousse, édition 2011. La jeunesse de Kabylie n’a pas réellement fait le deuil de cet ‘’empêcheur de tourner en rond’‘, de ce rebelle qui a fait valoir le ‘’non’‘ au moment où tout allait dans le sens du ‘’oui’‘; un oui recherché et débité par calcul lucratif et par esprit de soumission. L’insoumission, tel est l’esprit général qui hante l’œuvre et l’action de Matoub. En l’assassinant, ses ennemis se faisaient peut-être l’illusoire idée de soumettre complètement sa société et son peuple. La voix de Lounès continue à gémir sous terre, à héler ses compatriotes et à exiger que le combat continue. Les chaînes qui ligotaient la société, les obstacles qui se dressaient au travers de la voie de la liberté et de la démocratie, les rentiers du système, Matoub les a identifiés et dénoncés publiquement. Sans doute que l’on ne pouvait pas lui pardonner une telle audace, une telle incursion dans le mode de fonctionnement du système. Les mêmes interrogations, les mêmes constats- avec plus d’acuité-, et les mêmes impasses ont continué à obérer la marche de la société après l’assassinat du barde. Ainsi, indubitablement, le temps lui a donné raison. Reste, sans doute… l’Algérie ! Depuis la mort du poète, le sentiment partagé par son public et par la majorité de la population kabyle, est qu’un fil conducteur est rompu. Fil conducteur qui faisait la jonction entre les vieux et les jeunes, entre les instruits et les analphabètes, entre la plèbe et l’élite. Sur la terre de Kabylie et au sein d’une jeunesse sans véritables repères idéologiques ou culturels, Matoub continue à participer aux spasmes de la société, à la colère des révoltés, aux revendications des marginalisés et aux joies et fastes des noctambules et insomniaques.Plus qu’un chanteur, Matoub a su accompagner la société dans les grandes questions qui la taraudent, galvaniser les jeunes tout en les sensibilisant aux grands défis à relever. Contre l’injustice sous toutes ses formes, le mépris et le déni identitaire, il a su exalter les idéaux de la lutte et l’ambition de se mettre au diapason des autres peuples et nations du monde. Dans cette entreprise de réhabilitation de l’âme, de la personnalité et de l’être algériens, Matoub n’a pas hésité à bousculer des certitudes et même à froisser des sensibilités en voulant mettre les gens devant leur responsabilité. “Si ma langue dénigre, mon cœur est cependant innocent‘’. Sans complaisance, sans animosité non plus, les flèches que décoche le poète à sa société, il en reçoit lui-même un grand nombre; sans doute lui avant les autres. Il le dit pour signifier la faillite collective devant les grands défis de l’histoire:


    “Je m’affligerai des insultes
    Avant que je m’en prenne à vous.
    Si je vous cache mes tares,
    Je mériterai votre sentiment de haine”.
    (…)
    Lorsque j’aurai fini de m’injurier,
    Je retournerai contre vous ma figure.
    Aujourd’hui, je l’ai teintée de la suie du brandon“.

    Toutes les formes de commémoration qui sont mobilisées chaque année pour se souvenir de Matoub Lounès et de son œuvre ne sont jamais de trop. Galas, expositions, articles de presse, émissions radio et télé… etc. Cependant, quinze ans après sa disparition, l’on est en droit d’honorer à sa juste valeur l’homme et son travail par une approche pédagogique qui convoquerait des débats, des séminaires, des travaux de recherche et d’autres explorations qui se fixeraient pour objet, par exemple, de situer la poésie de Lounès dans l’épopée de la poésie kabyle et par rapport, également, à certaines influences étrangères; d’analyser l’apport de son travail dans la formation de l’opinion et la mobilisation de la jeunesse; de se pencher sur sa contribution à l’enrichissement de la musique kabyle; d’inventorier les travaux de recherche et de traduction concernant ses poésies; et, enfin, d’aborder d’autres thèmes ou sous thèmes que la présence de contributeurs de divers profils aura mis sur la table. Dans cet objectif, l’apport de la Fondation Matoub Lounès peut se révéler comme un précieux concours pour décrypter certains aspects de la personnalité du chanteur et découvrir des points ignorés ou méconnus de sa production poétique.
    Par Amar Naït Messaoud
    LA DÉPÊCHE DE KABYLIE
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