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PRESIDENTIELLE DE 2014 : l’armée des ombres face au peuple des lumières

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    PRESIDENTIELLE DE 2014 : l’armée des ombres face au peuple des lumières

    Algerie Express Publié le dimanche 23 juin 2013 13:44
    Écrit par Rachid Bali


    C’est maintenant acquis. Mis à part les meddahs de la panse qui continuent à hurler à la chimère du 4éme mandat en attendant de se trouver une place dans le nouveau harem, les citoyens qui pensent et respirent à peu près normalement savent que l’après Bouteflika a commencé.

    Il est intéressant de savoir ce qui peut se passer si les choses continuent de tourner en roue libre et ce qu’il est possible et souhaitable de voir se réaliser si la volonté citoyenne s’organise.

    Commençons par ce qui fait fantasmer l’Algérien : le DRS. Dans l’hypothèse où ce qui s’est imposé au pays depuis 1962 et qui se profile dans les labyrinthes du régime, se concrétise, il y a de sérieux risques que les scenarii passés achèvent le cadavre Algérie. Les candidats présélectionnés, attendant de voir leur fiche retenue, ne penseront même pas à faire valoir leur droit de regard sur ce qu’ils pourraient ou devraient faire pour sauver le pays d’un naufrage programmé. Les faiseurs de rois savent conditionner leurs proies et entretenir le doute. Tel l’oisillon tétanisé par le regard du serpent qui s’apprête à le dévorer, le coopté est sans volonté ni énergie. Il sera chef de l’Etat à condition qu’il soit sans foi ni voix. La plupart des postulants en stock sont formatés pour accepter de se prêter au jeu vain et stupide de la responsabilité virtuelle tout en végétant dans la représentation factice. Les conditions pour la reproduction d’un tel montage ne manquent pas. Il y a deux cents mille hommes prêts à sortir de l'ombre du jour au lendemain pour investir tous les secteurs de la vie publique et entonner les slogans qui en appelleront « à l’homme du consensus pour sauver la nation de menaces intérieures et extérieures qui n’ont jamais été aussi grandes » et qui insisteront sur « le péril islamiste » qu’on aura, au préalable, bien boostée par quelques actions délictueuses et autres propos incendiaires…

    Naturellement, la quasi-totalité des médias sont pré-conditionnés à relayer une mise en scène écrite une fois pour toute et rejouée cent fois à l’identique. Dans la foulée, on aura aussi droit aux pensionnaires de la démocratie kaki qui nous expliqueront que le peuple ne pouvant pas affronter une élection libre, il faut encore une fois un petit putsch ou une belle fraude pour justifier leur démission et jouir d’une modernité trouvée sur le bord de la route et qui se résume à une gestion clientéliste de la rente arbitrée par une police politique ; ce qui est la négation même de la citoyenneté. Digestive, soumise, opaque, irresponsable et, il faut bien le dire, lâche, cette faune constitue la substance grouillante d’un système maffieux à bout de souffle.

    L’armée des ombres a peur. Elle a perdu. Encore faudrait-il l’empêcher de perdre l’Algérie.

    La régression n’étant pas un état mais une dynamique, le statu quo, s’il est reconduit, condamnera l’Algérie au chaos. Sanglant et, cette fois, assurément et irrémédiablement destructeur. Le modus opérandi des services spéciaux algériens était relativement simple : fermer le pays pour polluer le débat par l’exacerbation du sectarisme et de la xénophobie, encourager la corruption pour pouvoir tenir ceux qui seront, à un moment ou à un autre, propulsés aux responsabilités et, le cas échéant, être en mesure de les destituer sans peine quand ils poseront problème ; soit parce qu’ils auront été tentés par d’autres allégeances soit parce qu’il faut livrer en pâture quelques abats pour calmer la rue. Ce schéma ne marchera pas. Les ressources financières disponibles ne sont plus suffisantes pour alimenter une économie à perte et la revendication sociale est passée au stade contestataire que les traditionnelles manœuvres de récupération-provocation ne parviennent pas à désamorcer et encore moins à neutraliser. On voit bien que les syndicats autonomes, même infiltrés, sont obligés d’assumer un minimum des exigences de leur base pour perdurer. Aujourd’hui, on tutoie quotidiennement l’absurde en Algérie : les structures noyautées par les services de renseignements sont, par la force des choses, les acteurs de la condamnation de la politique gouvernementale.

    Ce paroxysme de l’inconséquence a une raison et des implications : les démarches qui ont prévalu depuis 1962 ne sont plus d’actualité. Elles ne sont souhaitables ni pour le pays…ni pour le DRS.

    Comment répondre au chantage à l’islamisme qui, n’en doutons pas, se répandra dans les cafés, les salons de coiffure, les stations de taxis, les hammams, les bureaux et…les rédactions, avant même que le coup d’envoi de la campagne soit donné ?

    Maintenant que le risque d’un mouvement insurrectionnel islamiste est écarté après le prix que l’on sait, il ne faut plus hésiter à répondre que la victoire d’un islamiste, si tant est qu’elle est inévitable, ce qui n’est pas acquis, loin s’en faut, ne changera rien, ou si peu, dans le quotidien des Algériens, le système ayant déjà tout concédé ou à peu près. Du système éducatif à l’institution judiciaire, du week-end déplacé dès 1976 aux récents appels à la prière dans les medias publics en passant par la construction d’une mosquée pharaonique qui va défigurer définitivement la baie d’Alger, rien n’a été refusé à la pression islamiste.

    Regardons ce qui se passe en Turquie. Un pouvoir islamiste, dont personne ne conteste la réussite économique, est désavoué par la rue. Ceux qui assimilent abusivement l’armée algérienne à celle d’Ankara quand il s’agit de l’inviter à se substituer à la volonté populaire, seront, certainement, les premiers qui objecteront que le pays d’Ataturk n’est pas l’Algérie. Cela va de soi. Mais ce qui vient de se produire en Turquie montre que soumis à l’épreuve du pouvoir, l’islamisme non violent peut être un passage non fatal à la reconstruction d’un destin national.

    Autre exemple ; même s’il est encore trop tôt pour tirer des conséquences définitives sur le futur iranien, force est de reconnaitre que c’est une élection régulière et non un « petit putsch » qui a mis un terme au calamiteux pouvoir conservateur d’Ahmadnedjad. L’Iran n’est pas l’Algérie ne manquera aussi de seriner la meute. Oui, aucun pays ne ressemble à l’autre. Il n’est pas interdit de s’informer du courage et des combats libérateurs des autres nations. On peut, si l’on veut, regarder aussi plus près de chez nous. Rien ne dit que le gouvernement islamiste va remporter les prochaines élections au Maroc.

    Quand on a abandonné la société pendant un demi-siècle à une idéologie, cela laisse forcément des traces. Le talent et le courage politiques ont ceci de particulier : ils permettent, en s’adressant à l’intelligence et la générosité, de réanimer et de mobiliser des potentialités anesthésiées par la violence et le dépit.

    En tout état de cause, l’anti-islamisme ne suffit pas, ne suffit plus, pour faire un programme politique en Algérie.

    Avec qui l’esprit de novembre et de la Soummam peut-il être partagé pour un nouveau départ ?

    Boualem Sansal, un des rares intellectuels algériens à s’être moralement et matériellement émancipé du pouvoir affirmait récemment dans les colonnes d’Algérie Express : « je ne comprends pas l’attitude des intellectuels algériens. Ils ne se battent pas, ne se mobilisent pas…Moralement et politiquement c’est condamnable...Je peux comprendre si la peur était la seule raison de leur silence mais en vérité ils sont tout simplement indifférents. » Indifférents et intéressés.

    Sansal lui-même n’est pas issu des arcanes de l’intelligentsia algérienne qui, trop souvent, a passé son temps à essayer de mettre en équation les coups de force du système quand elle ne les a pas devancés. Il revient à la famille des cadres algériens, dont l’immense majorité est restée digne et intègre, qui a mis son cœur et son cerveau au service d’un Etat confisqué par une maffia d’assumer son rôle d’éclaireur de la cité. C’est à partir de ce segment que peut se reconstruire l’espoir. Des femmes et des hommes indignés par la déchéance infligée à leur pays se manifestent. Certains sont toujours en fonction, d’autres sont en retraite plus ou moins forcée. Ils ont un savoir-faire et une expérience qui les a amenés à constater l’impossible évolution d’un ordre politique fondé sur le déni du droit, de l’effort et de l’intelligence. Cette expérience et cette expertise sont les ultimes richesses mobilisables pour la rénovation nationale. Il reste à transformer des générosités individuelles trahies en volonté collective libératrice.

    A côté de cette catégorie qui, si elle est rendue à elle-même, peut être le catalyseur de la renaissance algérienne, il y a la jeunesse sur laquelle la propagande du pouvoir est sans emprise et qui est de plus en plus lucide par rapport à l’illusion fondamentaliste qui l’avait happée dans les années 90. Il ne s’agit pas de sombrer dans un jeunisme béat. Dans ce segment aussi il y a le désespoir et la tentation de la fuite. Mais il est remarquable de voir des mouvements, des organisations, des groupes de jeunes qui se prennent en charge et qui s’engagent, non pas derrière celui que les gorges profondes du régime donnent gagnant, mais sur la base de revendications clairement formulées et qui interrogent le politique sur les réponses qu’il compte y apporter. D’autres acteurs, en rupture de ban avec le système, existent dans la sphère économique, l’émigration ou le monde de la culture. Ils attendent de se déterminer en référence à une offre politique. Voter pour un programme. Voir un jour une coalition gouvernementale se constituer après un compromis politique publiquement négocié par les parti (e) s concernés. L’Algérie rentrerait enfin dans le cercle des pays adultes. La problématique est posée ; le peuple des lumières se fait entendre.

    Si une dynamique vient à répondre à ces attentes, l’armée de l’ombre pourra difficilement se prévaloir de ses turpitudes pour continuer à asservir l’Algérie.
    Othmane BENZAGHOU
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